Interpréter l’ordinaire, réflexions d’un organiste

19 novembre 2013 : Messe de rentrée des étudiants d'Ile-de-France à la cathédrale Notre-Dame, Paris (75), France. November 19, 2013: Opening mass of the academic year in Notre Dame cath. Paris (75) France.

Par Serge Kerrien, Diacre et responsable PLS du diocèse de St-Brieuc-Tréguier, organiste

Flûtes, cromornes, cornets, anches viennent à peine d’avoir coloré le temps de Noël, et me voici confronté au Temps ordinaire. Les pleins jeux et tutti ont accompagné la joie pascale, et déjà le Temps ordinaire s’annonce, un long temps ponctué de quelques fêtes.

Aux claviers de l’orgue, la transition n’est pas simple à assurer. Il me faut passer de Noël avec son cortège de chants, de musiques populaires, de sonorités rustiques et nostalgiques, à une autre couleur musicale. Partant de la joie pascale scandée par les Alléluia et des cantiques très marqués, il me faut ouvrir la porte du Temps ordinaire.

Une musique ordinaire ?

Tel que l’année liturgique le propose, le Temps ordinaire n’est pas si ordinaire qu’on le croirait. Temps de la fidélité, il offre au chrétien de construire et d’affiner sa relation à Dieu dans la communauté rassemblée.

Il s’agit dès lors pour moi de répondre à ceci : comment ma musique va-t-elle aider ma communauté à construire les attitudes du croyant face à son Seigneur ? Comment vais-je, en choisissant les pièces du répertoire, en improvisant préludes, versets, postludes, favoriser la succession des postures spirituelles que propose la liturgie ? On le comprend : ma musique ne peut pas être ordinaire puisqu’elle va accompagner des attitudes aussi variées que la louange, la supplication, l’action de grâce, l’écoute, la méditation intérieure, la joie de la mission.

Des exigences pratiques

A partir du jour où j’ai saisi combien le Temps ordinaire structurait le baptisé, la manière d’appréhender ma place d’organiste a été totalement renouvelée. Il ne s’agissait plus d’ornementer la célébration dominicale de pièces qui me faisaient plaisir ou qui mettaient l’orgue en valeur. Il me fallait me mettre humblement au service des postures spirituelles proposées par la célébration.

Dès lors, des exigences apparaissent : travailler les registrations pour que les couleurs de l’orgue accompagnent la succession des postures spirituelles (on n’accompagne pas une préparation pénitentielle comme un gloire à Dieu) ; repérer les aspects privilégiés de chaque célébration et les soutenir ; être prêt à improviser ou à accompagner un rite, un déplacement, pour éviter ces  « blancs » qui cassent le rythme de la liturgie et insécurisent ; prolonger une pièce trop courte pour qu’elle permette à un rite de se déployer totalement, sans paraître infiniment long ; accepter de jouer un peu en retrait pour que le dimanche ordinaire, même si on y célèbre le mystère pascal, ne ressemble pas au dimanche de Pâques.

Tout ceci requiert de connaître la liturgie du Temps ordinaire et son but, de se laisser faire par les colorations plus ou moins vives qu’elle porte, de maîtriser les claviers et les registres à la manière d’un bon artisan. Dans le Temps ordinaire, plus que dans tout autre, je me sens comme un ajusteur de la vie spirituelle de ma communauté.

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