Catéchuménat et préparation aux sacrements

(c) CIRIC

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Par Sophie Gall-AlexeeffDirectrice adjointe de l’Institut d’Etudes Religieuses (IER – ICParis).

« En France, nous nous apprêtons à proposer aux adultes, aux enfants ou jeunes déjà baptisés qui souhaitent recevoir un sacrement, une démarche « de type catéchuménal » directement inspirée de l’itinéraire en étapes vécu par les personnes qui demandent le baptême. »1. Dans la grande perspective « Proposer la foi » ouverte par la lettre aux Catholiques de 1996,  le texte national d’orientation pour la catéchèse2 engage aujourd’hui à construire des itinéraires de « type catéchuménal » pour l’ensemble du champ sacramentel ; intuition déjà présente dans les Points de repères en pastorale sacramentelle pour les sacrements de l’initiation chrétienne et pour le mariage.3

Un « type catéchuménal » ?

Dans l’initiation chrétienne des Adultes, le catéchuménat désigne la période qui précède la préparation ultime et la célébration des sacrements : baptême, confirmation et eucharistie ;  un temps prolongé pendant lequel l’Eglise offre aux catéchumènes, les conditions nécessaires à la maturation de la foi : une catéchèse en lien avec l’année liturgique et soutenue par des célébrations de la Parole, une familiarisation avec la pratique de la vie chrétienne, des rites liturgiques, l’apprentissage du témoignage.[4]

En promouvant l’itinéraire du catéchuménat des adultes comme un modèle qui peut inspirer la pastorale sacramentelle, le Texte d’orientation de la catéchèse fait droit à une « pédagogie d’initiation » qui appelle la liberté des personnes et favorise un cheminement accompagné, au sein d’une communauté chrétienne. Cette pédagogie suppose des itinéraires conduits, jalonnés d’étapes qui permettent de progresser, peut-être de s’arrêter, et qui aident les personnes à choisir le Christ et à structurer leur foi.  Ces étapes ne dépendent ni de l’âge ni d’une durée fixée au préalable mais d’un cheminement personnel. [5] Cependant, en s’appliquant aux demandes de sacrement, ces itinéraires de « type catéchuménal » ne se limitent pas au temps du catéchuménat au sens strict du RICA.[6] Il s’agit davantage d’itinéraires à élaborer sur le modèle de l’ensemble de l’initiation chrétienne des adultes : catéchuménat, célébration, mystagogie.

Des points d’appui pour la pastorale liturgique et sacramentelle

Passer de la préparation aux sacrements à un itinéraire

Un itinéraire est une démarche organisée en étapes. Comme dans un voyage : si je veux aller à Athènes, mon voyage ne commencera pas quand je serai sur l’Acropole et que j’aurai éprouvé toute la beauté de ce lieu ; je sais qu’avant même avoir passé la frontière, je serai en voyage, apprenant progressivement à changer mes habitudes, ma langue, mon alimentation. L’objectif est de permettre à ceux qui entrent dans cet itinéraire de vivre des transformations intérieures (conversions), signe du Christ qui appelle chacun. Pour promouvoir cette démarche, les équipes de préparation au baptême, au mariage…, devront intégrer les éléments de l’initiation chrétienne : proximité avec les Ecritures, initiation par la liturgie, immersion dans une communauté chrétienne. Car il ne s’agit pas tant d’être prêt que d’être en route, et suffisamment en route pour désirer le but du voyage et ne plus avoir envie de revenir en arrière.

Initier par la liturgie

La liturgie est présente pendant la totalité de l’initiation. Elle empreigne le catéchumène et favorise son entrée dans l’expérience chrétienne. Avant même la célébration des sacrements, le catéchumène a déjà expérimenté comment Dieu se communique dans la liturgie. « La liturgie est surtout le lieu vivant de l’initiation : dans le langage de la beauté, les attitudes, les déplacements, les gestes et les paroles qu’elle fait vivre, elle aide à découvrir comment chaque acte et chaque parole du Christ ont été posés pour « notre salut ».»[7] L’insistance sur la liturgie qui initie est probablement l’élément le plus novateur de la démarche. A la fois affirmation théologale des sacrements qui sont communication du salut et participation effective au Mystère pascal du Christ ; et aussi capacité médiatrice de la liturgie qui assume toutes les dimensions de l’existence. En intégrant une créativité liturgique qui s’appuie sur les formes traditionnelles (dialogue, processions, bénédictions, exorcismes…) les itinéraires offriront une expérience de foi possible car la liturgie nous apprend à croire et à dire « Seigneur » dans le même mouvement.

La mystagogie au terme de l’itinéraire

Dernière période de l’initiation[8],  elle consiste à faire résonner la nouveauté de vie que les catéchumènes ont reçue lors des sacrements ; temps de familiarisation et d’atterrissage qui permet aux personnes de se tenir dans la vie en croyant. Ce temps est fortement communautaire puisqu’il concerne à la fois les nouveaux et les anciens fidèles. On y parle d’amitié et d’attention, d’intimité avec la Parole, de communion dans l’Esprit saint, de réjouissances. La mystagogie peut durer jusqu’à l’anniversaire du baptême. Nous devrons donc apprendre à donner des catéchèses mystagogiques, prenant appui sur les rites, leur sens et leur portée pour la vie chrétienne. Les grands mystagogues comme Ambroise, Augustin, ou Cyrille de Jérusalem sont nos modèles ; mais des styles en phase avec nos cultures seront aussi bienvenus.

Distinguer les sacrements de l’initiation chrétienne des autres sacrements

Tous ne sont pas des catéchumènes

La pratique pastorale met en évidence la complexité des demandes liées à des rites de passage comme le baptême des petits enfants ou le mariage.9 La catéchèse, pour sa part, accueille aussi des enfants non baptisés et habituellement préparait les enfants d’une même classe d’âge à la première communion. Le catéchuménat des adultes conduit vers le baptême, la confirmation et la première eucharistie ceux qui veulent devenir chrétien.

Pour autant, faut-il considérer ces différentes demandes de la même manière, et ne convient t-il pas de distinguer ce qui relève de l’initiation chrétienne sacramentelle et ce qui relève des sacrements de la vie chrétienne comme le mariage, l’onction des malades et même dans une certaine mesure, les funérailles ? Il y a une différence entre la situation des baptisés qui demandent un sacrement et celle des catéchumènes qui demandent le baptême : « Les premiers ont reçu les sacrements de l’Initiation. Ils ont déjà été introduits dans l’Eglise et ils sont devenus fils de Dieu par le baptême » 10 . Pour cette raison, les parents qui demandent le baptême pour leur enfant ne sont pas, sauf exception, des catéchumènes.

Baptisés mais non initiés

Il n’en reste pas moins que nous sommes confrontés à des situations sacramentelles « intermédiaires », quelque soit l’âge et le parcours des personnes. La distinction entre « initiés » et catéchumènes n’est pas toujours aisée. Des enfants qui vont communier pour la première fois, des jeunes lycéens, des adultes qui vont être confirmés : tous ont en commun de ne pas avoir terminé leur initiation chrétienne. « Le dispositif sacramentel de l’initiation chrétienne n’est donc pas achevé tant que les trois sacrements n’ont pas été donnés ». 11 On pourrait à juste titre les considérer comme des « grands » catéchumènes ou tout du moins des baptisés non initiés. Cette situation provient historiquement de l’organisation de la pastorale qui n’a plus pris en compte l’unité des trois sacrements de l’Initiation chrétienne12. Or, ceux-ci « conduisent ensemble à leur pleine stature les fidèles qui exercent dans l’Eglise et dans le monde la mission de tout le peuple chrétien » 13 .Un chantier important serait de rendre effective dans la pastorale, cette unité sacramentelle. L’initiation chrétienne donne une place mature dans l’Eglise et dans le monde. Cette place marquée sacramentellement n’est jamais fictive car « toute célébration liturgique est œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Eglise ».14 Mais force est de constater que la plupart des fidèles initiés dans l’enfance et même adultes peinent à occuper leur place.

Allers et retours sacramentels

Les déclencheurs d’une demande sacramentelle sont multiples : décès d’un proche, retraite, mémoire d’une pratique dans l’enfance … Et le contexte sociétal n’invite pas aux passages définitifs : on peut passer d’une vie de couple au célibat, tout en restant parents ; d’un poste d’encadrement à l’artisanat etc. Il en va de même pour la vie chrétienne, de moins en moins linéaire, même parmi les chrétiens les plus âgés.15 Pour prendre en compte ces situations très majoritaires, les propositions de pastorale sacramentelle doivent être fondées sur le dispositif sacramentel de l’Eglise tel que le concile de Vatican II le donne à penser. Ainsi seulement, sera lisible la cohérence d’une vie chrétienne et son ancrage ecclésial. Et par là même pourra exister une conscience spirituelle de la vie dans ses échecs et ses accomplissements. Pour construire ces propositions, en paroisse, en mouvements, aumôneries ou autres réseaux, une plongée dans les rituels s’impose. « Les rituels sont des itinéraires de foi car c’est là que s’exprime la proposition que fait l’Eglise dans les sacrements. »16 Pour cette même raison, on peut souhaiter que l’étude des rituels soit activement promue dans la formation permanente des laïcs et des ministres ordonnés.

Le dispositif sacramentel : un tout organique

Il17 distingue les sacrements de l’Initiation, des autres sacrements. Les sacrements de l’initiation chrétienne reçus une seule et première fois sont déclinés dans la durée de la vie chrétienne : la réconciliation fait mémoire du baptême, et l’eucharistie en devient la source et le sommet. Ce qui a été réalisé une fois pour toute dans l’initiation doit prendre corps tout au long de nos existences.

Achever l’initiation chrétienne : jusqu’à la mystagogie

Mais les acteurs pastoraux résistent parfois à penser qu’on devient chrétien une fois pour toutes. Ne confondons cependant pas ce qui relève d’une vie chrétienne, avec des hauts et des bas, et ce qui relève de l’initiation proprement dite. Conduire des démarches de « type catéchuménal » nécessite de prendre au sérieux les sacrements déjà reçus. Aux personnes qui vont accompagner ces itinéraires revient de mettre des mots sur les sacrements déjà reçus ; de situer la demande dans la cohérence du dispositif sacramentel et d’un cheminement personnel ; et de dire si l’initiation est achevée ou non. Il y a aussi à vérifier si la mystagogie de l’initiation a été dispensée.18 Faute de quoi, l’initiation n’est pas terminée. C’est probablement une des raisons du malaise face aux personnes « qui ont tout validé (!) » mais qui semblent éloignées des exigences de la foi.

Affirmer le statut ecclésial des catéchumènes et des fidèles

Au terme de l’initiation chrétienne, il s’agit d’avoir construit un lien ecclésial assez vital pour que les personnes puissent vivre en chrétien et occuper leur place. Pour cela, il est nécessaire de reconnaitre le nouveau statut ecclésial des néophytes. Le « renvoi » des catéchumènes de l’assemblée eucharistique en est le paradigme. A chaque étape de l’initiation correspond une modalité liturgique qui est une pédagogie vers l’assemblée eucharistique (principalement dominicale). Progressivement, le catéchumène entre dans l’assemblée eucharistique. D’abord, il prend part à des célébrations de la Parole auxquelles les fidèles de la communauté peuvent participer. Lors du dernier Carême, il célèbre l’appel décisif et les scrutins dans l’assemblée dominicale qu’il quitte avant la prière des fidèles et le Credo. Il participera à la totalité de l’eucharistie lors de la célébration des sacrements de l’initiation. De nombreux catéchumènes vont à la messe, parfois avec un conjoint ou un enfant. Néanmoins, et peut être en trouvant un autre terme que celui de « renvoi », on peut mettre symboliquement en œuvre cette progression lors du dernier Carême. Enfin, pendant la mystagogie, il y a une intensification des eucharisties pour les néophytes. Les relations qui s’instaurent entre les fidèles et les catéchumènes, par leur participation spécifique à l’eucharistie, sont significatives de places ecclésiales marquées. Ces différentes modalités mettent « en corps » la dimension sacramentelle de l’expérience ecclésiale. Par ailleurs, les célébrations de la Parole ne sont pas réservées aux catéchumènes mais ouvertes à tous les fidèles. C’est pourquoi on pourrait les proposer aussi dans le cadre d’itinéraires vers le mariage ou le baptême des petits enfants.

L’initiation chrétienne des adultes, un modèle inspirant pour toute la pastorale sacramentelle ? Il n’y a qu’une initiation chrétienne : celle qui nous fait devenir par le baptême, la confirmation et l’eucharistie, des fidèles du Christ. Mais parce qu’ils en sont la reprise tout au long de l’existence, les autres sacrements requièrent aussi une pédagogie d’initiation. L’eucharistie est sans nul doute le lieu qui demande aujourd’hui un effort pastoral conséquent, à la jonction entre l’initiation chrétienne et la catéchèse d’adultes. Ne serait-ce qu’en prenant conscience que sa célébration elle-même est structurée comme un itinéraire19.

J-C. REICHERT, Pédagogie d’initiation et pédagogie de l’initiation, dans Lumen Vitae, LVI, n°3 – 2006, p. 328
Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France et principes d’organisation (TNOC), p. 91-95
Points de repère en pastorale sacramentelle, Commission Episcopale de Liturgie, Paris, 1994 ; Ed. du Cerf, 1996
4 Rituel de l’Initiation chrétienne des adultes (RICA), n° 103
RICA, notes doctrinales et pastorales
TNOC, ch 4,2 Principes directeurs
TNOC, p. 43
RICA, n° 236
9 Ce constat a été à l’origine de la réflexion sur les points de repères en pastorale sacramentelle
10 Directoire général pour la catéchèse, n°90
11 Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France et principes d’organisation, p. 94
12 Paul de Clerck, l’initiation chrétienne, une notion bouleversante, dans Célébrer, n° 250 (mai 1995)
13 Rituel de l’Initiation chrétienne des adultes, notes doctrinales et pastorales, n°2
14 Const. Sacrosanctum Consilium, n° 7
15 En conséquence est proposée « une organisation de catéchèse ordonnée à tous les âges de la vie » TNOC, p. 73-77
16 TNOC, p. 95
17 Catéchisme de l’église catholique, n°1210-1212
18 « Les interrogations sur l’après-célébration ont invité à redécouvrir la place de la mystagogie » Dominique Lebrun, Initiation et catéchuménat, dans la maison-Dieu, 185, 1991, p.59
19 Bernard Chataignier, Le catéchuménat à chaque messe, www.diocese-poitiers.com.fr

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