L’avenir du sacrement de la Confirmation

1er juin 2008: Saint Chrême lors des confirmations d'adultes à la bas. de Saint-Denis (93), France.

1er juin 2008: Saint Chrême lors des confirmations d’adultes à la bas. de Saint-Denis (93), France.

Par Jérôme Guingand, s.j.

La Confirmation semble bien implantée dans nos diocèses, paroisses et aumôneries. Mais son avenir n’est pas sans question. Aujourd’hui, il s’agit d’approfondir le sens qu’elle a pour la vie de l’Église et pour chaque chrétien.

Un sacrement qui pourrait devenir marginal

Sur son site Internet, la Conférence des évêques de France donne les statistiques annuelles pour les sacrements du baptême, de la confirmation et du mariage. Ces statistiques, faites à partir des données que chaque diocèse envoie régulièrement au Vatican, doivent être appréciées avec prudence. Mais il apparaît que le sacrement de confirmation marque le pas depuis 1995. Ainsi, en dix ans, entre 1994 et 2003, le nombre de confirmés a diminué de 40%. Certes, cette chute est à situer dans un contexte général qui souligne la baisse du nombre de baptêmes, tous âges confondus, des enfants catéchisés, des premières communions et des mariages religieux. La plupart des diocèses ont à peine quelques centaines de confirmés par an.

Aujourd’hui, la question de l’avenir de ce sacrement se pose d’une manière nouvelle, que dans les dernières décennies. Si juste après la Concile Vatican II, la confirmation était parfois questionnée par certains ou vu par d’autres comme le sacrement de la militance chrétienne, le nouveau rituel issu de la réforme conciliaire et publié en France en 1976 a permis une redécouverte progressive de l’importance de ce sacrement de l’Initiation chrétienne dans la vie de l’Église et dans la vie de chaque chrétien. La confirmation s’est ainsi installée durablement et profondément dans la vie de l’Église. En 1985, à la suite du nouveau Code de Droit Canon, qui préconise la confirmation juste après l’âge de raison, en laissant chaque conférence épiscopale statuer pour son territoire ce qui est le plus opportun, les évêques de France ont gardé l’usage qui s’était mis en place : restant sauve la liberté de chaque évêque dans son diocèse, ils préconisaient que la confirmation soit donnée à l’adolescence, entre 12 et 18 ans.

Depuis vingt ans, le sacrement de la confirmation est régulièrement donné à des adolescents, souvent au-delà de 15 ans, soutenus par des équipes paroissiales ou des aumôneries qui font un travail en profondeur avec ces jeunes. Pour beaucoup, ce sacrement est une étape importante dans leur vie de foi et les aide à construire leur vie, sachant se tourner vers le Christ, ouverts à l’action de l’Esprit. Cet événement les lance dans une vie de chrétien adulte.
Néanmoins, devant la situation actuelle, de nombreux diocèses s’interrogent de ce que le sacrement de la confirmation signifie pour l’Église. Les questionnements sont renouvelés. Comme le signale par exemple Mgr Ulrich, évêque de Chambéry : « L’Église ne peut se satisfaire d’une situation où un grand nombre d’adultes ne sont pas confirmés ».

Un dossier théologique et pastoral délicat

Dans le septénaire sacramentel, la confirmation est certainement un des sacrements qui pose le plus de questions théologiques et pastorales. Elles sont liées, bien sûr, aux vicissitudes de la confirmation dans l’histoire : elle a été dissociées du baptême dès le IVe siècle ; au début du XXe siècle, elle passe majoritairement en France d’avant à après la première communion ; elle est devenue en France le sacrement qui marque l’adolescence après avoir pu être celui de l’engagement chrétien.

Nous savons combien il est parfois difficile de présenter la confirmation à des adolescents et encore plus à des adultes, quand ils prennent conscience qu’ils ne sont pas confirmés. « N’avons-nous pas tout déjà reçu à notre baptême ? L’Esprit Saint n’agit-il pas en nous à chaque Eucharistie ? » entendons-nous dire.

Un sacrement reste toujours une action du Christ par la puissance de l’Esprit. La Grâce de Dieu qui se communique, le don de Dieu qui est fait débordent amplement les mots pour en rendre compte. La multiplicité de présentation du sacrement témoigne de sa richesse et nous disent qu’aucun ne peut exclure les autres. Le sacrement de la confirmation souligne :

Le rôle de l’Esprit Saint dans la vie du baptisé, en montrant qu’une vie ouverte à l’action de l’Esprit n’est pas facultative.

Le ministère épiscopal au sein de l’Église ainsi que l’unité de l’Église autour de lui, dans son diocèse.

La croissance de la vie du baptisé qui a besoin d’être fortifié par un don spécial de Dieu, Père, Fils et Saint Esprit.

La nécessité d’être envoyé en mission pour vivre son baptême avec responsabilité et annoncer à tous la Bonne Nouvelle.

Le sacrement de la confirmation fait bien partie des sacrements de l’Initiation chrétienne, au même titre que le baptême et l’eucharistie. On devient chrétien, en Église, en étant baptisé, confirmé et en recevant la communion.

Plus largement, depuis 40 ans, l’Église catholique a pris davantage conscience de l’importance de l’Esprit Saint dans la vie chrétienne, bénéficiant des apports de la recherche théologique, de l’œcuménisme mais aussi du renouveau charismatique. Les rituels issus du Concile ont veillé à ce qu’une ou plusieurs épiclèses soient présentes dans chaque sacrement.

Au niveau pastoral, notons aussi que certains facteurs, positifs au demeurant, ont pu devenir des obstacles et pourraient faire devenir la confirmation un “sacrement de l’élite”. Par exemple, il est nécessaire d’accentuer la liberté de la démarche sacramentelle, mais comment aller au-delà et toucher des jeunes peut-être moins disponibles ou moins conscients de tous les enjeux, ou simplement qui ne peuvent pas écrire une lettre à leur évêque ? De même, si nous insistons trop sur l’engagement au service de l’Église, sur le témoignage, ou sur une vie qui pratique la foi, beaucoup risquent de ne pas se sentir à la hauteur. Enfin, en cherchant à structurer la foi des adolescents par une démarche et un événement marquant de leur vie, ne risque-t-on pas de réduire la confirmation à la pastorale des adolescents et à ne plus pouvoir le proposer à d’autres âges, notamment adultes ?

Vers une pastorale large qui propose la Confirmation

L’Église de France a pris conscience depuis plus de dix ans de la nécessité de passer d’une pastorale de l’attente à celle de la proposition, large, accueillant chacun au point où il en est. Nous le vivons assez facilement pour le sacrement du mariage, qui requiert normalement d’avoir été confirmé. La réflexion de la Conférence des évêques de France sur la catéchèse, à Lourdes en 2005, insiste pour ne plus restreindre la catéchèse à l’enfance, mais à y voir une dynamique qui traverse toute la communauté chrétienne. La catéchèse doit aussi être une réponse à la demande de sacrements.

La confirmation demande aujourd’hui une nouvelle réflexion théologique et pastorale. Il s’agit aussi de pouvoir la proposer largement, y compris à des adultes lors de tel ou tel événement qui marque leur vie en Église (mariage, baptême…) Il est essentiel d’entendre comme constitutif de la vie de l’Église et de toute vie chrétienne cette parole de l’évêque : « Sois marqué de l’Esprit Saint, le Don de Dieu. »

Article extrait de la revue Célébrer n° 344

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