Une pastorale pour les parents des nouveaux baptisés ?

04 avril 2010: Le P. Michel ROBICHON, prêtre de campagne, lors de la messe de Pâques au cours de laquelle 4 enfants ont été baptisés, Corné (49), France.

04 avril 2010: Le P. Michel ROBICHON, prêtre de campagne, lors de la messe de Pâques au cours de laquelle 4 enfants ont été baptisés, Corné (49), France.

Par Marie-Brigitte Lescaudey, du diocèse du Havre.

Les parents sont la plupart du temps heureux des baptêmes, mais ont rarement conscience de l’importance des premières années, pour la vie de foi de leur enfant. D’autre part, les acteurs de la pastorale du baptême des petits regrettent souvent de ne pouvoir continuer les relations ébauchées et notre Église cherche comment rejoindre des jeunes adultes. N’y aurait-il pas, dans ces années entre baptême et catéchèse, une période à privilégier pour la vie baptismale des petits, inséparable de la vie de foi de leurs parents, qui permette d’élargir le tissu ecclésial des communautés paroissiales, voire de rajeunir les assemblées ? Que proposer alors pour tisser des liens avec ces parents ? En clair, comment proposer une pastorale pour les jeunes parents ? Les convictions et propositions qui suivent, sont le fruit de six années de rencontres avec ces familles, avec notamment des visites après baptême dans le diocèse du Havre.

Quelques convictions

Accueillir vraiment les parents

Plus nous sommes loin d’eux, plus notre accueil est appelé à être évangélique : à l’inscription, à la réunion et à la célébration. Par nous, c’est le Christ qui leur manifeste son amour. Certains se sont sentis jugés, même quand les paroles étaient aimables. « Amour et vérité se rencontrent » (Psaume 84, 11 ; Jean 1, 14) S’ils pouvaient percevoir, au moins un peu, dans nos attitudes quelque chose de cet amour dont Dieu les aime !

Contrairement à ce que je pensais, ils apprécient de pouvoir préparer en couple, à l’aide d’une feuille qui précise la trame de la réunion. Ainsi, ils osent prendre la parole et savent de quoi la rencontre va être faite. Des photolangages adaptés peuvent libérer la parole. Les mots qu’ils expriment sont écrits sur un panneau, ce qui les valorise et permet d’introduire un Notre-Père avec leurs propres expressions, en se tournant vers un signe du Ressuscité. La qualité du silence, avant et après cette prière, m’a toujours impressionnée.

Par ailleurs, plusieurs parents m’ont dit quelle était leur joie et leur fierté lorsqu’ils ont remonté la nef à l’appel du nom de leur enfant et ont été accueillis par l’assemblée à la fin de l’eucharistie.

Célébrer avec l’assemblée baptismale

Les parents sont très sensibles à la qualité de la célébration, c’est pourquoi, il est important de prendre le temps, de déployer paroles et gestes sans improvisations qui insécurisent, ni ajouts qui rallongent. Que ce soit joyeux et vraiment respectueux de leur cheminement et de leur capacité d’expression ! Cela suppose aussi que les parents aient rencontré, auparavant, le ministre du baptême. Un père m’a fait remarquer qu’il ne comprenait pas pourquoi la préparation au baptême était plus légère que celle du mariage, cela nous a conduits à distinguer la préparation des parents et celle de la célébration.

Il est bon, au moins symboliquement surtout si peu répondent à l’appel, de proposer une eucharistie dominicale rassemblant les baptisés de l’année (petits, enfants, jeunes et adultes). Mais ils peuvent aussi être associés à la préparation de cette célébration ; et il faudra veiller à l’accueil des pratiquants habituels à l’assemblée dominicale.

Aller à leur rencontre

Les documents, même très bien faits, sont inefficaces en dehors d’une vraie rencontre. D’ailleurs les documents remis après la signature des registres (Éveil à la foi) sont souvent rangés dans un tiroir !

On évoque souvent l’intérêt de réunions après le baptême pour en reparler, mais cela n’intéresse pas la plupart des parents. Interrogeons-nous : peuvent-ils entendre le « venez » alors que nous n’avons pas encore vécu avec eux la proximité du « allez » ? Un responsable pastoral a essayé de remplacer les visites par une rencontre animée par les ministres du baptême : personne n’est venu. Pourtant de petites choses sont possibles …

Quelques propositions

Éveiller parents et enfants

L’éveil à la foi des petits, avec ses célébrations particulières, peut devenir aussi une pastorale des jeunes parents, dans la mesure où l’animateur donne aux parents de choisir, de réaliser ce qui convient pour leurs enfants et en fait la relecture avec eux. Grâce à ces célébrations, des liens se tissent entre familles, et les petits sont heureux de voir leurs propres parents prendre leur part. L’un des parents peut devenir le « répondant » du groupe vis à vis de la paroisse.

Car, c’est à eux qu’incombe la responsabilité de l’Éveil (Rituel du baptême des petits enfants n° 8), comme incombe aux responsables pastoraux de leur offrir les moyens de l’assurer, en lien avec le service de la catéchèse (Idem n° 40, 5 et 42, 1).

Réaliser ensemble

Une jeune maman a manifesté son désir de pouvoir venir à l’assemblée dominicale avec ses deux petits. Grâce à elle des « Éveil – messes » sont nés : une fois par mois, l’assemblée du samedi soir, prévenue, accueille des familles avec leurs petits, selon un rituel adapté et bref, permettant la participation des enfants. La personne chargée de l’homélie la prépare avec un couple de jeunes parents pour découvrir, avec eux, comment l’Évangile du jour est bonne nouvelle et imaginer la manière de le faire découvrir aux petits ; il formulent aussi une intention de prière universelle. Lors de la communion, les petits sont invités à se glisser dans la procession pour recevoir la signation de leur baptême. Les réactions sont positives : des petits réclament, des parents reprennent goût à une vie eucharistique ; une maman a demandé si le pardon existait encore ! L’annonce de ce rendez-vous est une véritable bonne nouvelle pour eux, pour toute l’assemblée et même pour d’autres !

Visiter ou se faire accueillir

Ce qui vient d’être évoqué est adapté aux parents qui sont prêts à répondre à l’invitation du « Venez et Voyez », mais les autres ? N’est-ce pas à nous de faire le déplacement pour que leur soit donné le bonheur qu’un ami du Seigneur viennent jusqu’à eux ? (Luc 1, 43) Tout comme le pasteur de l’évangile s’intéresse à la centième brebis perdue (Matthieu 18, 12-14), n’avons-nous pas aussi à aller vers eux ? Ils ont fait une démarche vers la paroisse, nous pouvons leur rendre leur visite, gratuitement, pour le plaisir de les retrouver, puisque nous avons célébré ensemble le baptême de leur enfant. C’est ainsi que sont nées des visites après baptême. Elles offrent beaucoup de possibilités et de surprises. En voici quelques éléments.

Faire mémoire du Baptême

Nous venons, à notre tour, en demandeur auprès de ces parents, pour qu’ils racontent comment ils ont vécu l’ensemble du cheminement, depuis la prise de décision de faire baptiser leur petit, jusqu’à cette visite. Cela nous permettra aussi de mieux nous adapter à ce qu’ils sont pour les prochains. Leur récit, souvent accompagné des photos, des cadeaux reçus, du cierge permet à l’évènement de devenir expérience, « avènement », de s’enraciner en eux. Le dialogue est plus facile si le visiteur a participé à l’une des rencontres préparatoires et à la célébration. Nous pouvons alors chercher ensemble à éveiller la vie baptismale reçue.

Suggérer des gestes simples

Les parents peuvent dire ce qu’ils font déjà. Par exemple, en les couchant, un « bonsoir Seigneur Jésus » devant une représentation du Christ. À cette occasion, certains m’ont montré une croix dans une de leurs pièces.

Nous pouvons aussi faire des propositions : le dimanche, en signe de communion avec les baptisés qui se retrouvent en Église, refaire la signation du jour du baptême sur le front de l’enfant. Par expérience, il est très important que, lorsque des petits baptisés participent à l’eucharistie, ils puissent aller recevoir ce même signe de reconnaissance : « Toi aussi Jésus t’aime » au moment de la communion. Des parents ne communiant pas ont demandé à le recevoir aussi, d’autres se sont avoués le faire déjà, chacun de leur côté, sur leur enfant, d’autres se sont étonnés d’en avoir le droit….

Pourquoi ne pas les inviter à célébrer l’anniversaire du baptême, avec parrain et marraine, autour de la table familiale. Le cierge baptismal pourra être allumé, on pourra lire un passage d’Évangile, faire des prières (sans oublier le Notre-Père) et refaire la signation … Ces propositions peuvent éveiller leurs propres trouvailles !

Informer et répondre

Ils sont heureux de découvrir ce qui est proposé par la paroisse, que leur enfant a du prix, même s’ils ne sont pas encore prêts à y participer : la plupart n’ont pas été complètement initiés ! Il s’agit donc de susciter et de respecter ce qui est envisageable avec eux.

À la fin de la visite, quand la rencontre a eu goût de « visitation », il arrive souvent que des questions ou des blocages puissent s’exprimer. L’Esprit à l’œuvre en eux comme en nous suscite des clarifications, des apaisements, des libérations, des étonnements, des ouvertures … Il nous est souvent arrivé de nous quitter en nous faisant mutuellement le signe de notre baptême. Le passage des paroles aux gestes est toujours marquant.

Faire des propositions pour la foi des parents

Ils sont aussi conscients que nous de l’importance de leur propre vie de foi pour le développement de celle de leur enfant. L’envoi, ou non, des aînés au catéchisme n’en est qu’une manifestation ! C’est l’occasion de leur révéler que leur curé – « médecin de la foi » avait dit une enfant – est disponible pour cela, que des adultes peuvent devenir chrétiens ou continuer leur initiation (c’est l’occasion de les inviter à participer à la veillée pascale) et d’inventer avec eux des propositions nouvelles (groupes de paroles, « caté d’adultes », écoute ensemble de la Parole…) Dans une paroisse, le curé a décidé de rencontrer les familles quand la situation des parrains et marraines n’est pas claire ; avec eux, il chemine jusqu’à trouver ce qui sera juste pour la famille dans la foi de l’Église. Lors de la visite, nous en récoltons les fruits, car ils sont déjà en route !

Dans la situation pastorale actuelle, les visites me semblent vraiment une charnière indispensable entre la pastorale du baptême et celle de la petite enfance. Penser la pastorale des jeunes parents de la naissance à l’entrée au caté de leurs enfants, donne à ces couples accompagnés, même modestement, plus de chance, non seulement de penser à les y inscrire mais, d’abord, de cheminer avec eux et entre eux.

Conclusion

Beaucoup de pasteurs souffrent de ne pouvoir vivre des rencontres de proximité. Ne pourraient-ils pas privilégier la visite « par eux-mêmes ou par quelqu’un d’autre »1 de ces jeunes parents qui ont fait une démarche de foi mais qui n’en sont pas à venir à la rencontre
eucharistique qu’ils président ?

Plus nous sommes loin d’eux, plus ces couples sont sensibles au fait que l’on se dérange pour eux et savent le manifester. Cela nous permet d’envisager ensemble ce qui répondra le mieux à leurs désirs pour leur vie de foi et celle de leurs petits. C’est la condition même d’une pastorale vivante.

1. Rituel du baptême des petits enfants n° 40.

Approfondir votre lecture

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