De l’usage du baptistère en dehors du baptême

Baptistère de l'église Notre-Dame des Anges à Bordeaux (33)

Baptistère de l’église Notre-Dame des Anges à Bordeaux (33)

Par Serge KerrienDiacre permanent et ancien directeur-adjoint du CNPL (aujourd’hui SNPLS)

Depuis quelques années, les communautés chrétiennes ont pris conscience de l’importance du lieu du baptême. Et même si certains baptistères sont encore délaissés ou encombrés d’objets de toutes sortes, les curés et leurs équipes pastorales ont cherché et cherchent à redonner au baptistère toute sa place dans l’espace liturgique.

D’heureuses réalisations ont ainsi vu le jour, permettant non seulement de célébrer les baptêmes dans des lieux dignes, mais encore de faire redécouvrir la dimension baptismale d’autres célébrations comme l’eucharistie et les funérailles.

Dans la célébration eucharistique, la préparation pénitentielle peut revêtir quatre formes différentes parmi lesquelles figure l’aspersion. Même si elle est encore peu utilisée, trop peu sans doute, et particulièrement pendant le temps pascal, l’aspersion d’eau bénite est un rite qui parle à nos contemporains, leur permet d’appréhender l’eucharistie comme actualisation du mystère pascal et d’entrer dans la dimension trinitaire de la célébration. A condition que le geste d’aspersion soit bien mis en oeuvre. Dans le temps ordinaire, le Missel romain prévoit qu’un vase d’eau à bénir est placé près du siège de présidence ; le jour de Pâques, on emploie l’eau bénite pendant la Veillée pascale, c’est-à-dire l’eau du baptistère. Les différentes formules de bénédiction de l’eau rappellent fortement que l’aspersion se fait en souvenir du baptême. Il serait bon, cependant, de manifester davantage le lien entre le rite de l’aspersion et le baptême. Certains s’y sont essayés, soit en prenant l’eau au baptistère pendant le temps pascal ; soit en bénissant l’eau au baptistère au début de la célébration en dehors du temps pascal. Cette manière de faire s’est révélée très heureuse, surtout si l’eau est puisée au baptistère, puis versée dans une belle vasque et apportée au président. Non seulement le lien entre le baptême et l’eucharistie est vraiment manifesté, non seulement le bain de notre nouvelle naissance nous est rappelé, mais la préparation pénitentielle nous est proposée comme un véritable retournement du coeur, nécessaire à une juste célébration de notre salut.

Ce retournement peut prendre appui sur l’attitude corporelle quand le baptistère est au fond de l’église : toute l’assemblée, tournée vers le lieu du baptême, au début de la célébration, se retourne vers le lieu de l’eucharistie au fur et à mesure que le prêtre remonte la nef en aspergeant les fidèles. A la fin du rite, chacun a été mis en mouvement ; chacun s’est souvenu que le baptême nous met en marche vers l’eucharistie et que les deux sacrements sont étroitement liés ; chacun a tracé sur lui le signe de la croix, situant la liturgie eucharistique dans la relation d’alliance à un Dieu Père, Fils et Esprit. On voit les avantages de cette pratique : le baptistère retrouve sa place dans la célébration du mystère de la foi, la foi même dans laquelle nous avons été baptisés.

Il rappelle que l’aventure de la foi commence par une plongée dans la mort et la résurrection du Christ et qu’il faut éprouver, physiquement, le retournement du coeur que propose la préparation pénitentielle. Dans le cas d’une assemblée peu nombreuse, on peut accueillir les fidèles autour du baptistère où se déroulent le rite de la salutation et l’aspersion, et d’où l’on part en procession vers le lieu de la Parole en chantant le « Gloire à Dieu ».

Dans tous les cas, on veillera à la beauté des objets, préférant à des seaux une vasque que l’on porte, et aux goupillons, des rameaux de laurier ou de buis.

Quant aux funérailles, la Présentation du rituel dit ceci : « C’est le mystère pascal du Christ que l’Église célèbre, avec foi, dans les funérailles de ses enfants. Ils sont devenus par leur baptême membres du Christ mort et ressuscité. » Au moment du dernier adieu, le prêtre introduit le rite de l’aspersion du corps du défunt par la monition suivante : « Nous espérons et nous croyons que tous, nous ressusciterons ! En signe de cette foi, je bénis ce corps… ». Et le rituel rappelle, en note, que « l’encensement est toujours facultatif » (n° 113 à 120), ce qui implique que l’aspersion, elle, ne l’est pas. En effet, l’espérance chrétienne trouve aussi sa source dans la mort et la résurrection du Christ où le Chrétien a été plongé lors de son baptême. Ici encore, l’usage du baptistère peut trouver sa place et renforcer la signification d’un rite que l’on a trop facilement tendance à supprimer, alors qu’il rapporte l’espérance chrétienne à l’identité chrétienne.

Trop souvent, malheureusement, on apporte des vases d’on ne sait trop bien où, sans réel geste liturgique, et sans aucun lien avec ce que signifie l’eau qu’ils contiennent. On transforme ainsi un geste fondateur en un rite vide de tout sens. Que l’un des membres de l’équipe de préparation se rende au baptistère, qu’il y prenne de l’eau et l’apporte dans un beau récipient en traversant l’assemblée, qu’il la verse dans une belle vasque disposée devant le cercueil, et voilà que le geste de l’aspersion reprend tout son sens : c’est la foi en la résurrection. Quelle catéchèse pour ceux qui sont loin de la foi chrétienne ! Quel rappel pour les chrétiens qui accompagnent un des leurs !

Penser à l’utilisation du baptistère dans d’autres célébrations que celle du baptême peut renouveler nos pratiques ou en approfondir le sens. A condition, toutefois, que le lieu du baptême soit propre, fleuri, suffisamment dégagé pour être visible et permettre de se rassembler autour. Toutes ces raisons poussent à plaider pour que le baptistère soit à une distance certaine de l’autel, de manière à manifester que le baptême conduit à l’eucharistie et que la vie terrestre du Chrétien est un itinéraire qui commence avec baptême et s’achève avec baptême, inscrivant définitivement le Chrétien dans l’espérance du salut.

Article extrait des Chroniques d’art sacré, numéro 69, 2002, © SNPLS

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