Les rites chrétiens des funérailles parlent de Dieu et de la résurrection

7 octobre 2015 : Messe de funérailles. Rite de la lumière, qui consiste à prendre la flamme du cierge pascal pour allumer les cierges qui entourent le cercueil. Egl. Saint-Jean-de-Montmartre. Paris (75), France. October 7th, 2015: Funeral mass. Church of St-Jean-de-Montmartre, Paris, France.Bénédicte-Marie de la Croix Mariolle, Petite Sœur des Pauvres,  membre du service de PLS du diocèse de Rennes

Alors que se modifient profondément les pratiques funéraires et que les prestataires de service sont à la recherche d’une ritualité laïque1, l’Église est invitée à s’interroger sur sa propre ritualité.

La liturgie des funérailles se limite-t-elle à être un hommage rendu au défunt ? Est-elle une gestion rituelle du deuil ? Consiste-t-elle seulement à « donner du sens » comme on l’entend souvent – si tant est que la mort pourrait avoir un « sens » ?

« C’est le mystère pascal du Christ que l’Église célèbre avec foi dans les funérailles de ses enfants » (Praenotanda du Rituel des funérailles, n° 1).

Les premiers mots de l’introduction du Rituel désignent d’emblée le cœur de la liturgie des funérailles. L’ensemble du lectionnaire et des prières du Rituel s’appuient, en effet, sur la certitude de la victoire du Christ sur la mort et demandent pour le défunt qu’il soit pleinement participant du mystère de mort et de résurrection du Christ :

« Dieu notre Père, toi seul peut vaincre la mort et donner la vie qui ne meurt plus. Voilà que ton serviteur N., notre frère, est entré avec Jésus dans le sommeil de la mort. Mais n’as-tu pas ressuscité Jésus pour que notre frère ressuscite ? Oui, c’est là notre foi. Aussi nous te prions avec confiance : accorde-lui le bonheur d’être uni au Christ dans le mystère de sa résurrection » (Rituel n° 85).

Autant que les textes, c’est la structure même du Rituel, les gestes et les signes qu’il met en œuvre autour du corps du défunt qui disent l’actualité du mystère pascal dans l’événement de la mort. Relevons quelques aspects :

Le rituel des funérailles est une liturgie stationnale

Des déplacements sont prévus avec le corps du défunt de la maison ou du funérarium à l’église, de l’église au cimetière. La mort du baptisé est une pâque inaugurée dans son baptême, un passage avec le Christ. Passage de la mort à la Vie, passage de ce monde au Père : le rituel le signifie en acte.

Le rituel prête une grande attention au corps du défunt

Il est désigné comme une personne

Ce dernier est accueilli à la porte de l’Église par celui qui préside la célébration (n°44). Les termes utilisés pour mentionner le corps : « Le défunt » ou « le corps du défunt », désignent une personne contrairement au terme « restes », par exemple. Le Rituel dit à son sujet « notre frère » (cf. n° 55). Plus encore, au moment de l’encensement du corps, l’officiant s’adresse même directement au défunt : « En signe de respect pour vous N., voici cet encens. Qu’il monte devant Dieu avec notre prière. » (n° 119). Toute la liturgie des funérailles désigne donc un vivant et invite à considérer le corps du défunt non comme un rebut mais comme « lieu » d’attente du mystère de la résurrection de la chair.

La présence du corps du défunt au milieu de l’assemblée

Elle est elle-même significative. Une note, au début du Rituel, précise :

« Selon l’opportunité, on conservera la coutume de disposer le corps dans la position qu’il occupait d’habitude dans l’assemblée liturgique, c’est-à-dire : pour un fidèle, tourné vers l’autel ; pour un prêtre ou un diacre, tourné vers le peuple » (n° 47).

Ainsi, est manifestée la place ecclésiale qu’il continue d’occuper dans la communion des saints dont l’assemblée liturgique est le signe.

Les signes qui entourent le corps du défunt

Ils associent le défunt au mystère du Christ mort et ressuscité :

Le cierge pascal

Il renvoie à la vigile pascale. Il est la mémoire du Christ ressuscité, vainqueur de la mort, lumière qui brille dans les ténèbres. Le geste de transmission de la flamme du cierge pascal aux cierges placés autour du corps souligne la manière dont le défunt y est associé en renvoyant à la liturgie baptismale.

La croix

Elle peut être posée sur le cercueil ou à proximité de celui-ci. Le geste qui met ainsi en relation la croix et le corps du défunt fait mémoire du sacrifice du Christ comme « signe de ton amour pour N. et pour chacun de nous » (n° 58).

L’eau

Elle est « rappel du baptême » (n° 102) par lequel le défunt a été plongé dans la mort et la résurrection du Christ. Elle fait le lien entre les funérailles et le baptême : si le défunt doit être mis au tombeau, on peut dire qu’il l’a déjà été dans les mystères sacramentels de l’initiation chrétienne.

Une liturgie qui proclame un mystère de foi

La liturgie eucharistique, lorsqu’elle est célébrée, vient donner une pleine signification à tous ces aspects. La mort chrétienne est, en effet, la suprême communion au sacrifice pascal du Christ dont l’Eucharistie est la célébration. La présence du corps du défunt tourné vers l’autel le signifie avec force. Quant à la communion de l’assemblée au corps et au sang du Christ, elle est déjà participation à son Corps glorieux dans lequel tous les membres – vivants ou défunts – vivent du même amour, animés du même Esprit.

Dans l’événement de la mort, le rituel des funérailles est donc un chemin de la rencontre avec le Christ et un lieu de confession de la foi. La symbolique liturgique qui se déroule autour du corps du défunt ne vient pas « donner du sens », elle proclame un mystère de foi que les fidèles sont invités à accueillir et dans lequel ils sont appelés à entrer, chacun à leur manière.

Contre le risque de vider les signes liturgiques de leur substance ou de les instrumentaliser, le rituel demande à être reçu dans toute sa profondeur. On peut légitimement se poser la question de ce risque lorsque de telles célébrations se déroulent dans des lieux neutres (salles omni cultes, crematorium) où le déploiement de  la symbolique sacramentelle et ecclésiale mise en valeur dans l’église-bâtiment, sera très réduite par la force des choses.

[1] Cf. Fr. Michaud Nerard, Une révolution rituelle, accompagner la crémation, Ed. de l’Atelier, Paris, 2012, p. 107 et sv.

Approfondir votre lecture

  • 3 septembre 2006 : Funérailles du Père Marie-Dominique Philippe, o.p., fondateur de la Congrégation Saint Jean. Accueil du corps à la Primatiale Saint Jean, par le père Michel Cacaud, recteur de la Primatiale. Lyon (Rhône), France.

    Liturgie des funérailles : les rites de l’accueil

    Des rites en l’honneur du corps. La liturgie est une action rituelle et symbolique qui met en scène constamment du faire et du dire, de l’action et de la parole. Or le langage rituel n’est pas de l’ordre du discours abstrait mais de l’agir où le corps est partie prenante. La liturgie est dans son essence « corporelle », non seulement par les gestes qu’on fait mais aussi dans les paroles qui sont dites, car les rites passent par le corps : parler en liturgie comme dans tout acte de communication met en jeu le corps dans la relation aux autres et à Dieu.

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    La liturgie d’accueil des funérailles vient de s’achever. Nous nous sommes tournés vers le Seigneur pour lui demander pardon pour le défunt et pour nous-mêmes et l’officiant s’est adressé au Seigneur pour « rassembler la prière dans ces quelques mots tissés de Parole et d’espérance qui font transition avec la liturgie de la Parole » Maintenant, après avoir parlé à Dieu, l’avoir supplié, vient le temps de l’écouter.

  • L’action de grâce et l’eucharistie au cours des funérailles

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