Antennes dans les clochers

Notice juridique

La question d’accepter ou non l’installation d’antennes, de téléphonie mobile surtout, dans les clochers est fréquemment posée par les diocèses ; les sollicitations sont extrêmement nombreuses.

Est-ce possible légalement ?

L’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 prévoit que les édifices du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront, sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion. Il s’agit là de l’affectation légale exclusive, perpétuelle, gratuite ; dans ce cadre, l’affectataire est seul juge, sous réserve du contrôle du juge, de ce qui est compatible ou non avec l’affectation légale au culte, la loi excluant expressément les activités politiques et celles contraire à l’ordre public.

La gratuité attachée à ce régime légal connaît une exception dans le cadre prévu à l’article 25 de la loi du 31 décembre 1913, codifié à l’article L. 622-9 du Code du patrimoine qui stipule que : « les différents services de l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics ou d’utilité publique sont tenus d’assurer la garde et la conservation des objets mobiliers classés au titre des monuments historiques dont ils sont propriétaires, affectataires ou dépositaires et de prendre à cet effet les mesures nécessaires. Les dépenses nécessitées par ces mesures sont, à l’exception des frais de construction ou de reconstruction des locaux, obligatoires pour les collectivités territoriales. A défaut pour une collectivité territoriale de prendre les mesures reconnues nécessaires par l’autorité administrative, il peut y être pourvu d’office, après une mise en demeure restée sans effet, par décision de la même autorité. »

Dans la décision « abbé Chalumey » du 4 novembre 1994, le conseil d’Etat a jugé que la mise en œuvre de cette exception concernant les départements et les communes implique l’accord préalable de l’affectataire [1].

Par une transposition fort peu rigoureuse – en vérité par simple analogie pratique -, le ministère de l’Intérieur – Bureau central des cultes – a considéré dans un courrier en date du 1er août 1997 que les demandes exprimées par les opérateurs de téléphonie mobile étaient passibles de ce régime d’exception légale visé à l’article 25 de la loi du 31 décembre 1913 et à l’article 25 du décret du 18 mars 1924. Il a conclu par voie de conséquence que, conformément à la décision du Conseil d’Etat « Abbé Chalumey », une telle convention nécessite l’accord exprès du desservant.

Une telle position est en réalité critiquable : en 2001, la décision du conseil d’Etat applique une disposition légale et dérogatoire résultant de la législation sur les monuments historiques. Elle ne légitime nullement des conventions contraires à la loi sur l’affectation cultuelle. Si le desservant a l’usage exclusif de l’édifice, il doit veiller à lui conserver son affectation. L’usage de l’édifice est remis au curé pour l’exercice du culte et il ne peut être utilisé à d’autres usages simultanés ou concurrents. L’église ne peut pas faire l’objet d’un bail ; utiliser le clocher de l’église pour y implanter du matériel servant à l’activité d’une entreprise commerciale de radiocommunication est contraire à ces règles.

Au plan légal, il est donc impossible d’installer une antenne, a fortiori au mépris des droits de l’affectataire. Tout litige peut être porté en justice.

De plus, il faut indiquer que les problèmes signalés comme liés à ce type d’installations sont multiples :

•interférences avec la sonorisation de l’église ;
•pannes incessantes exigeant réparation dans l’heure, jour et nuit ;
•problèmes de clefs ;
•jalousie des concurrents ;
•charge excessive pour la charpente ;
•crainte de rayonnements nocifs ;
•crainte de messageries à scandale ;
•etc.

A l’heure actuelle, les administrateurs de biens refusent ces installations car les copropriétaires n’acceptent pas ces nuisances nocturnes et diurnes.

Dès lors doit-on conclure à un principe :

L’utilisation du clocher de l’église pour y implanter du matériel servant à l’activité d’une entreprise commerciale de radiocommunication étant contraire aux règles d’affectation légale exclusive à l’exercice du culte, et compte tenu de l’utilisation et des nuisances que cette implantation peut entraîner : un refus pur et simple est parfaitement fondé. Par cohérence, il doit aussi concerner les clochers appartenant au diocèse.

Mais peut-on aussi signaler de façon purement pragmatique une exception pratique en fonction de contingences locales :
L’unique avantage semble en effet être le loyer proposé par les opérateurs aux communes propriétaires, cause de la forte pression de ces dernières, spécialement en milieu rural, à l’égard des affectataires. L’accord de ce dernier doit à ce plan être apprécié en opportunité : l’enjeu pour l’Eglise catholique est essentiellement celui d’une bonne relation avec la municipalité idéalement assorti de la certitude de l’investissement de la redevance perçue par la commune dans des travaux d’entretien et de réparation de l’église communale en question.
Une telle décision appartient à l’évêque de chaque diocèse, et encore une fois est –il hautement souhaitable qu’elle concerne concrètement l’ensemble des clochers du diocèse concerné : communaux, diocésains, congréganistes, autres…

Compte tenu de circonstances particulières de temps et de lieu, l’Eglise, lorsqu’elle estime devoir consentir à cette autorisation, peut le faire.

Service Juridique de la Conférence des Evêques de France

Notes:

[1] CE du 4 novembre 1994, Abbé Chalumey, Rec. Lebon p. 491 ; recueil « Liberté religieuse et régimes des cultes en droit français » X-101.