Le Triduum Pascal #2 : le Vendredi saint

Alors qu’à l’origine, l’Église célébrait l’ensemble du mystère pascal du Christ lors d’une unique célébration, la vigile pascale, le besoin s’est fait sentir de développer chacune des facettes de ce même mystère en autant de célébrations : repas pascal, passion et mort du Seigneur, silence du tombeau, résurrection. Cela a commencé à Jérusalem, où l’on pouvait pérégriner de lieu en lieu sur les traces du Sauveur : Cénacle, Jardin des Oliviers, Golgotha, etc. Ainsi naquit au IVe siècle le « triduum pascal », les trois jours, selon l’expression de saint Augustin, du « Christ crucifié, enseveli et ressuscité », triduum qui allait donc du jeudi soir au dimanche de Pâques.

#2 : Le Vendredi saint – série d’articles proposée par le SNPLS à partir d’éléments fournis par Louis-Marie Chauvet

Dans la piété populaire, le Vendredi saint évoque d’abord le chemin de croix. Mais il s’agit d’une pratique assez tardive qui n’a vu le jour qu’au XIVe siècle chez les Franciscains de Terre sainte et dont les « stations » ont variées en nombre et en objet jusqu’au XVIIIe siècle. La redécouverte des Écritures au XXe siècle a incité les communautés à vivre des chemins de croix plus en lien avec la vérité évangélique.

Du point de vue de la tradition liturgique, le Vendredi saint est d’abord la célébration du soir : celle de la passion du Seigneur. Elle est jalonnée de plusieurs moments rituels remarquables. Le silence, qui enveloppe toute l’assemblée lors de l’entrée des ministres et durant leur prière, prosternés devant la croix, donne la tonalité propre à cette célébration. Les lectures culminent dans le récit de la Passion selon saint Jean, préalablement annoncée par l’évocation du Serviteur souffrant (Is 52-53) et méditée avec une grande profondeur par l’auteur de l’épître aux Hébreux présentant le Christ comme seul capable de nous obtenir miséricorde.

Au cours de la grande Prière universelle – prototype de toutes nos prières universelles – l’Église intercède pour les hommes de toutes conditions : chrétiens, catéchumènes, Juifs, croyants d’autres religions, les responsables des pouvoirs publics, les personnes dans l’épreuve. Enracinée dans le Nouveau Testament (1 Tm 2, 1-4), régulièrement pratiquée dans !’Antiquité (voir les intercessions du pape Gélase ou de saint Clément conservées dans la liturgie des heures) la prière universelle finit par tomber dans l’oubli à partir du VIIIe siècle, excepté, justement le Vendredi saint.

Un autre moment remarquable est celui de la présentation et de l’adoration de la croix par les fidèles. Le chant des « Reproches » (Impropères) : « Ô mon peuple, que t’ai-je fait ? » accompagne habituellement cette procession. Si la Passion et la croix sont au cœur du Vendredi saint, la résurrection, qui motive notre foi et notre espérance, est hautement annoncée : « Ta croix, Seigneur, nous l’adorons, et ta sainte résurrection, nous la chantons : c’est par le bois de la croix que la joie est venue sur le monde. »

Tradition très ancienne également : on ne célèbre pas l’eucharistie le Vendredi saint. La communion est proposée avec le pain consacré le Jeudi saint. Nous communions au Christ ressuscité, comme en chaque eucharistie, mais avec une note particulière : la croix est le passage dont le Christ Ressuscité garde les marques gravées sur son corps, il est « mort pour nous » afin que nous ayons la vie en abondance.

Naturellement, la pratique populaire du chemin de croix, fréquemment proposée l’après-midi, si seconde qu’elle soit par rapport à la célébration de la Passion du Seigneur, trouve tout son sens ce vendredi. Nul doute que le peuple chrétien y trouve de quoi nourrir sa foi au Christ.