Apprendre à célébrer avec des enfants

Paris (1er arrt) - Eglise Notre Dame de l'Assomption : messe de la Toussaint célébrée par le père Waclaw Szubert, responsable de la Communauté catholique polonaise de Paris

Paris (1er arrt) – Eglise Notre Dame de l’Assomption : messe de la Toussaint célébrée par le père Waclaw Szubert, responsable de la Communauté catholique polonaise de Paris

Par Agnès Auguste

 

Apprendre à lire et à compter, apprendre à nager, apprendre à célébrer…un mot commun : « apprendre » pour des apprentissages très différents.

Apprendre oui initier ? Deux alliés indispensables leur sont précieux : le corps présent par ses cinq sens et le temps. Enfin une question qui rassure : est-ce mesurable, vérifiable ?

 

Apprendre…

Apprendre c’est acquérir des connaissances oui des compétences mais c’est aussi les faire acquérir. Il y a un émetteur et un récepteur. D’une façon générale les apprentissages sont mesurables.

Apprendre c’est répéter. Un tout-petit ne comprend pas pourquoi on attend de lui de dire merci mais à force de répétition et de patience, il reproduit dans la confiance, ce qui lui est demandé. Avec le temps, il découvrira l’importance de manifester par ce merci la bienveillance de l’autre à son égard.

Apprendre c’est mémoriser. La mémorisation est utile, c’est ce qui reste quand on a tout oublié ! En catéchèse elle permet de graver dans la mémoire mais aussi dans le cœur une prière, un chant. Mais si la mémorisation est nécessaire, dans le cadre de la célébration elle doit être accompagnée d’une expérience à vivre.

Prenons un exemple d’un autre ordre : pour apprendre à nager, ce n’est pas la mémorisation d’un manuel de natation qui permet de savoir nager. Pour apprendre à nager, il faut être plongé dans l’eau. La confiance en soi et dans l’accompagnateur, le temps, la rigueur, le plaisir, aideront ensuite à améliorer cet apprentissage.

Si, à l’école ou au caté, il est nécessaire d’apprendre pour construire sa vie et/ou sa foi, quand il s’agit de célébrer peut-on dire « apprendre à célébrer ? »

 

Apprendre oui… mais surtout initier

Initier, c’est faire un chemin ensemble. Dans le cadre de la célébration, il serait préférable de parler d’initiation. Il s’agit d’aider à faire entrer dans la célébration.

Ensemble, enfants et adultes, néophytes et baptisés de longue date, pauvres et riches, jeunes et vieux, chacun y a sa place. C’est en célébrant que l’on est initié à l’Eglise en prière.

Le Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France appelle « pédagogique d’initiation » toute démarche qui travaille à « rendre effectif chez une une personne l’accueil de Dieu qui attire à lui ».

Comme parents, comme catéchiste, est-ce que je permets à l’enfant, et encore plus à celui qui n’a pas l’habitude, d’accueillir Dieu qui l’appelle à se tenir en sa présence ? Est-ce que celui avec qui je chemine me permet également cette démarche ?

Un allié : le corps

Nous avons cinq sens, inconsciemment chacun est mis en action et ils jouent un rôle important dans l’initiation à la célébration.

  • Ce que je vois

Aidons les enfants à bien entrer dans la célébration. Vont-ils voir et entendre ? Les disciples, avant nous, ont vu Jésus, prier. Ils lui demandent : « Seigneur, apprends-nous à prier comme Jean l’a appris à ses disciples » (Luc 11, 1). Des enfants, des jeunes disent que c’est d’avoir vu une autre personne prier qui leur a donné l’envie de prier. Et là, il y a la responsabilité de la communauté et de chacun de ses membres. Que donnons-nous à voir de ce que nous croyons ?

Lors d’une veillée pascale, au cours de la liturgie de la Parole, le Lectionnaire se transmettait de lecteur en lecteur au fil des nombreux récits de l’Alliance. Outre la diversité de la proclamation des lectures que nous entendions sous forme de dialogue adulte et enfant, d’une lecture « par coeur »…, il y avait à voir. La lumière qui nous permettait de suivre la progression du livre, les pupitres drapés de différentes couleurs, la diversité des lecteurs et leurs déplacements. Le récit de l’Alliance est rappelé tout au long de la veillée pascale. Cette parole se transmet d’âge en âge. Ce que nous voyions soutenait et confirmait ce que nous entendions.

Dans l’acclamation de la parole de Dieu après l’évangile, notre acclamation est soutenue par ce que nous voyons : le livre élevé. Harmonie entre ce que nous venons d’entendre et ce que nous voyons. Un livre qui dit une Parole vivante que nous acclamons.

Alors faut-il fermer les yeux pour prier ? Il faut savoir au préalable regarder et voir avant de fermer les yeux. Le « beau » aide à prier. Un vitrail, une croix, une icône, un bouquet liturgique, un geste… autant d’éléments liturgiques qui aideront l’enfant à entrer dans la prière. Fermer les yeux, c’est un chemin possible, jamais obligatoire.

  • Ce que j’entends

« Ecoute Israël »

« Mais vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient et vos oreilles parce qu’elles entendent » (Matthieu 13, 16). Notre foi, don de Dieu, vient de ce que nous avons reçu. Nous avons écouté des aînés dans la foi, des témoins qui ont pris la parole. Au coeur d’une célébration, nous écoutons la parole de Dieu. Elle a place dans chaque célébration. Aidons les enfants à écouter pour que cette Parole soit entendue. Soignons la proclamation et prenons les moyens pour que ce soit audible.

Et si nous faisions silence ! Difficile aujourd’hui de trouver des lieux où le silence soit possible. Par chance, l’église en est un et certains moments de la célébration y sont propices.

De même que notre regard est habité par une image avant de fermer les yeux, de même avant de faire silence donnons à entendre un mot, une phrase de la Bible, un verset de psaume… Il est nécessaire que le silence soit habité. Le silence ce n’est pas le vide. Faire silence n’est pas inné. Il faut apprendre à écouter, être initié au silence.

Et si nous chantions ! Le chant est une expression de la foi que les enfants apprécient. Il aide à l’initiation. Chants d’acclamation, de méditation, de joie, les enfants y sont très sensibles. Ils sont capables de retenir les paroles. Alors choisissons des paroles riches, des textes de la Parole. Ce qu’ils ont mémorisé à l’âge du catéchisme retera gravé à l’âge adulte.

  • Ce que je touche

Lors du baptême, les enfants sont toujours très attentifs à la façon dont le ministre marque les enfants du signe de la croix :

« Sophie…sois marquée du signe de la croix sur les oreilles pour que tu entendes ce que dit Jésus… sur les yeux pour que tu voies ce que fait Jésus, sur les lèvres, pour que tu saches répondre à Jésus qui te parle…sur le coeur…sur les épaules, pour que tu aies en toi la force de Jésus. Je te marque tout entier du signe de la croix, au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit pour que tu vives avec jésus maintenant et pour les siècles des siècles. »

Et quand nous faisons le signe de la croix, nous marquons sur notre corps la croix du Christ. Nous touchons notre front, « Seigneur que ta croix imprègne mon intelligence ». Nous touchons notre coeur, « Seigneur que l’amour que tu as montré soit aussi le mien ». Nous touchons nos épaules « d’un bout à l’autre de moi-même que ta croix me marque ».

La main qui plonge dans l’eau, qui tient un cierge, qui signe mon front, mes lèvres et mon coeur, qui frappe ma poitrine, qui se serre dans celle de mon voisin. Mes mains qui applaudissent, qui se joignent, qui se tendent, qui se ferment et qui s’ouvrent…autant de gestes que nous utilisons lors de la célébration. Les mains font ce que nous disons.

  • Ce que je sens

Le saint-chrême, le cierge qui brûle et qui éclaire, l’encens qui se consume; La mémoire olfactive aussi contribue à construire une initiation. Parfum, cire, fumée sont au service d’une réalité plus grande à découvrir.

 

Un deuxième allié : le temps

La tentation pour l’initiation ou l’apprentissage est de ne pas assez prendre le temps. Nous sommes impatients et nous avons peu de temps avec les enfants. Ne tirons pas sur la fleur qui pousse au risque de l’arracher. Laissons le temps faire sont travail de mûrissement. La répétition de rites réguliers est une aide à l’entrée dans une célébration. Et pour cela il faut du temps.

Si les apprentissages de l’école sont mesurables par des exercices pratiques, dans le cas de la célébration, il faut accepter de ne pas mesurer les fruits de l’initiation. C’est en prenant l’habitude de participer à la célébration que les enfants trouveront les repères et le goût de revenir, de prier à nouveau, d’écouter la Parole, de se recueillir dans le silence, de se réjouir dans le chant. Il nous faut apprendre à nous laisser initier par un Dieu qu’on ne voit pas et à nous tenir debout parce que Lui nous fait tenir debout. Il y a pour les enfants une initiation possible à célébrer.

Un peu d’humilité, beaucoup de patience, de la confiance, de la fraternité pour qu’ils se sentent accueillis, aimés et grandissent dans la foi et la prière. Ainsi le Seigneur aidera chacun à trouver sa place.

 

Article paru dans la revue Célébrer n° 358