Fonder le mariage : que requiert le droit canonique ?

Juillet 2012 : Mariés lors de leur messe de mariage, France. July 2012 : catholic wedding in France.

Juillet 2012 : Mariés lors de leur messe de mariage, France.

Par Cédric Burgun, Prêtre, Enseignant à la Faculté de droit canonique de l’Institut catholique de Paris

La question des prérequis au sacrement de mariage est régulièrement posée. Mais dans l’accompagnement pastoral des fiancés, il y a la tentation d’aller de suite à la catéchèse et à l’enseignement spirituel et liturgique, en oubliant que le mariage demeure le don naturel d’un homme et d’une femme voulu par Dieu dès la Création. Le mariage est le consentement à ce don ; don consacré par Dieu quand il est réalisé entre deux baptisés.

Le consentement de l’homme et de la femme

Le mariage est une alliance dans laquelle les époux s’engagent à l’unité et à l’indissolubilité, ainsi qu’à l’ouverture à la vie. Il est acte de volonté : les époux se donnent et se reçoivent, comme l’exprime le c.1057 du Code de Droit canonique :

« §2. Le consentement matrimonial est l’acte de la volonté par lequel un homme et une femme se donnent et se reçoivent mutuellement par une alliance irrévocable pour constituer le mariage. »

Cette volonté de l’homme et la femme est signifiée par leur parole qui est « performative » : « Je me donne à toi et je te reçois comme époux(se) ; et je promets de te rester fidèle ». Elle réalise cet échange des consentements. Ce n’est pas une simple promesse en attente d’un autre acte (la « consommation » du mariage) : les époux s’engagent réellement par leur parole.

Le consentement fait le mariage et c’est pourquoi il est et doit être le premier lieu d’attention de la pastorale des fiancés, selon le c.1057 §1 : « C’est le consentement des parties légitimement manifesté entre personnes juridiquement capables qui fait le mariage ». Les fiancés sont-ils capables ? Le consentement est un acte humain, libre, délibéré et personnel qui implique non seulement l’intelligence, mais le don total de soi :

« C’est l’ensemble de la personne, dans tous ses sens et toutes ses puissances ; dans son âme et dans son corps qui est modalisée sexuellement et qui rentre ainsi dans l’objet du pacte. C’est pourquoi se marier ne signifie pas seulement former une communauté de biens ni donner à l’autre un droit au corps, mais faire au conjoint le don de soi même, en tant que mari ou en tant que femme, par un « oui » total qui englobe tous les niveaux de l’être et a fortiori toutes les directions de l’agir »1.

« Serment de Dieu et devant Dieu »

Mais une question demeure : si le mariage est avant tout un consentement « humain », don de l’homme et de la femme, pourquoi se marier à l’église ? Le mariage chrétien repose sur les trois piliers naturels, mais il suppose aussi l’engagement de foi devant Dieu.

Aimer n’est pas simple : là aussi est le besoin de Salut. Nos cœurs sont blessés et reconnaissent aimer imparfaitement sans la grâce de Dieu. Revenir à la réalité de ce manque n’est pas une question de moralisme, mais de réalisme : nous ne pourrons répondre seuls à l’amour que nous devrions donner à Dieu, à l’autre et aux autres. Pour la relation conjugale, il en est de même. En toutes ces dimensions, les époux attendent le salut pour les aider à vivre cet amour dans la beauté originelle voulue par le Seigneur.

Le socle de l’initiation chrétienne

Le sacrement de mariage en est le signe : enracinés dans le baptême et la confirmation, nourris par le pain de la route, les époux accueillent le salut en leur sein. Les sacrements de l’initiation, comme base de toute vie chrétienne, ne sont pas simplement une case à cocher avant le mariage. Ils sont le roc inévitable du perfectionnement de l’amour vécu par les époux : c’est le sens et l’engagement conjugal chrétien. Et le c.1065, §2 dit que :

« Pour que le sacrement de mariage soit reçu fructueusement, il est vivement recommandé aux époux de s’approcher des sacrements de la pénitence et de la très sainte Eucharistie. »

Ce serment renouvelé devant Dieu est comme la grâce première du sacrement de mariage et c’est pourquoi le droit canonique inscrit le mariage dans un ensemble plus vaste de préparation sacramentelle, en vue d’un fruit plus grand. Il ne s’agit pas de voir le mariage sacramentel comme un acte magique qui protégerait le mariage naturel et assurerait sa réussite affective : il s’agit surtout de le voir comme un acte de salut ; le mariage a lui aussi besoin d’être sauvé. Dieu vient guérir notre nature humaine, la sanctifier et le faire rayonner.

Quelle préparation ?

Le c.1065 §1 établit que :

« Les catholiques qui n’ont pas encore reçu le sacrement de confirmation le recevront avant d’être admis au mariage, si c’est possible sans grave inconvénient. »

Cela fait aujourd’hui l’objet d’une lecture minimaliste de certains accompagnateurs de fiancés : mais on devrait se souvenir que la confirmation est la condition normale du baptisé qui veut être « adulte ». Il s’agit ainsi de réfléchir à nos pratiques : quelles sont nos propositions générales de la confirmation et notre compréhension de sa nécessité pour notre salut ?

Jean-Paul II proposait pour le mariage une préparation en trois étapes : préparation éloignée, préparation prochaine et préparation immédiate2. Se poser la question du sacrement de confirmation en vue du mariage, c’est déjà entrer dans la préparation lointaine : nos jeunes, aujourd’hui, ont bien besoin d’être restaurés dans leur capacité d’aimer. Les sacrements y participent ; encore faut-il des catéchèses qui intègrent bien cette éducation chrétienne « globalisante » : la foi imprègne toutes les dimensions de notre être.

1. Jean-Pierre SCHOUPPE, Le droit canonique. Introduction générale et droit matrimonial, Bruxelles, Story-scientia, 1991, p.125.

2. Cf. Jean Paul II, Familiaris consortio n°66

 

Article extrait de la revue Célébrer n°403

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