La pastorale de la santé et l’œcuménisme

LILLE: HOPITAL SAINT PHILIBERT: UNITE DE SOINS PALLIATIFS AU SEIN DE L'UNIVERSITE CATHOLIQUE (FACULTE DE MEDECINE) - CETTE UNITE, FONDEE EN 1999 PAR LE PROFESSEUR DIDIER DE BROUCKER, A UNE CAPACITE DE 6 LITS. PROFESSIONNELS ET BENEVOLES SE RELAIENT AUPRES DES MALADES.

Par Bruno Mary, Prêtre du diocèse de Lille, directeur du SNPLS

Comment accompagner chrétiennement des personnes malades dans le cadre d’une aumônerie œcuménique ? Tel est le défi que vivent les membres de l’équipe d’aumônerie de la maison médicale Jean XXIII, maison de soins et d’accompagnements (un établissement de la fondation des diaconesses de Reuilly) sur le site d’Humanicité près de Lille. 

Le site Humanicité est un nouvel espace urbain de 115 ha situé prés de l’hôpital catholique St Philibert à une dizaine de kilomètres de Lille. Ce site comporte une maison médicale, la maison Jean XXIII, pour personnes en soins palliatifs, et dans un avenir proche, une école d’infirmiers, l’IME Lino Ventura, l’EDHPAD St François de Sales, des habitations nouvelles en location et en accession à la propriété, un campus VEOLIA (une initiative en faveur de l’apprentissage, de la formation par alternance et de la formation professionnelle dans le cadre de l’environnement).

Une initiative récente et originale

La maison médicale Jean XXIII a ouvert ses portes le 25 novembre 2010. Elle comporte soixante lits dont vingt sont réservés aux soins palliatifs. On y accueille entre autres des patients effectuant des séjours 5, 6 fois par an pendant 8 à 10 jours afin de permettre à leurs proches de souffler ; des personnes qui se remettent d’un AVC ; ou encore dans le coma.

La vie chrétienne y est animée par une équipe d’aumônerie comprenant un aumônier prêtre diocésain, un frère dominicain, un diacre permanent, une religieuse, des bénévoles laïques dont une est de confession réformée.

Tous sont envoyés au nom de leur Église, au nom de leur baptême. Être témoin du Christ auprès des personnes souffrantes c’est d’abord faire preuve d’humanité. La qualité de la présence est essentielle. La pastorale liturgique vient ensuite.

A Lille, du point de vue œcuménique, un premier défi : il y a très peu de malades et de personnel soignant de tradition protestante.

Ensuite, chrétiens catholiques romains et chrétiens réformés vivent leur présence auprès des personnes malades différemment. Les catholiques romains portent la communion, proposent le sacrement des malades, prient les saints et la Vierge Marie. Les chrétiens réformés partagent la parole de Dieu avec les patients, ce qui se vit également avec des chrétiens catholiques romains. Ainsi dans les visites personnelles, même si malades et accompagnateurs vivent leur tradition respective, les différences ne sont pas durcies.

La mise en œuvre de la dimension œcuménique

Le signe de la vie et de la prière commune

Convient-il de vivre des liturgies communes ? Les membres de l’aumônerie essayent de vivre ensemble ce qui est possible parce qu’ils portent en commun la vie de la maison. Il s’agit de se rendre visibles tout en désignant le Christ comme la source de leur engagement.   La chapelle à vocation œcuménique n’est pas située dans la maison médicale mais juste à côté, à l’accueil Marthe et Marie. Elle est accessible pour les personnes malades depuis la maison Jean XXIII. Nous trouvons dans le chœur un autel, un ambon, le lieu de la présidence et sur le côté, le tabernacle et une icône de la Vierge Marie. Le cadre y est très dépouillé. L’eucharistie y est célébrée une fois dans la semaine mais jamais le dimanche. Un jeudi sur deux, on y célèbre la Cène.

A proximité de cette chapelle, vit une fraternité œcuménique comprenant une sœur de la communauté de Grandchamp, une diaconesse de Reuilly, deux sœurs oblates de l’eucharistie et deux sœurs du carmel St Joseph de Tourcoing. Elles récitent l’office en commun, sur la base de l’ancien office de Taizé. Cette fraternité soutient la présence des chrétiens dans ce lieu. Elles prient pour et avec les malades et leur entourage.

A l’écoute des différences

Cette dimension œcuménique soulève des questions. Ainsi que convient-il de faire le 2 novembre ? Dans la tradition catholique romaine, ce jour est consacré aux fidèles défunts que l’Église prend dans sa prière. C’est aussi l’occasion pour les membres de l’aumônerie de retrouver des familles après le deuil de leur proche et de poursuivre l’accompagnement. Cette tradition n’existe pas chez les chrétiens réformés car ils ont une approche différente du rôle de l’Église dans le salut. Convient-il de faire une liturgie de la Parole ? Tous les chrétiens catholiques romains ne s’y retrouveraient sans doute pas.

Les membres de l’aumônerie ont à la fois des points communs et des différences dans leur manière de célébrer. Les catholiques romains respectent un rituel tout en en faisant des adaptations nécessaires. Les chrétiens réformés suivent davantage ce qu’ils sentent, manifestant dès lors une grande diversité dans leurs pratiques. Les uns et les autres expérimentent néanmoins qu’ils ont en commun la parole de Dieu et leur baptême.

L’eucharistie demeure un sujet délicat : le sacrement de la communion est encore le lieu de la division. Il y a des avancées. Les Oblates de l’eucharistie qui ont au cœur de leur tradition l’adoration eucharistique ne font plus de temps d’adoration publique mais vivent un temps de prière silencieuse pour l’unité des chrétiens.

Ainsi, chacun est appelé à creuser sa tradition, sa foi et à s’interroger sur ce qui est de l’ordre de la culture et ce qui est de l’ordre de la foi. C’est un travail difficile, mais une sœur me confiait la joie qu’elle a de vivre cette réalité.

  • Maison médicale Jean XXIII, place Erasme de Rotterdam 59465 Lomme Cedex – 03 20 88 81 55

Approfondir votre lecture