Les différentes formes de célébrations de la Parole

24 Novembre 2013: Célébration de la Parole présidée par P. Arnaud ALLIBERT, et animée par Laurent GRZYBOWSKI, lors de la Journée mondiale de prière et d'action pour les enfants organisée, à Paris, par le Bureau International Catholique de l'Enfance (BICE). Egl. Saint Ignace. Paris (75) France.

Célébration de la Parole. Egl. Saint Ignace. Paris (75) France.

Les sources des célébrations de la Parole

La forme la plus connue est celle de la liturgie de la Parole lors de la célébration de la messe :

La partie principale de la liturgie de la Parole est constituée par les lectures tirées de la sainte Écriture, avec les chants qui s’y intercalent. En outre, l’homélie, la profession de foi et la prière universelle la développent et la concluent. Car dans les lectures, que l’homélie explique, Dieu adresse la parole à son peuple, il découvre le mystère de la rédemption et du salut et il offre une nourriture spirituelle ; et le Christ lui-même est là, présent par sa Parole, au milieu des fidèles. Cette parole divine, le peuple la fait sienne par le silence et les chants, et il y adhère par la profession de foi ; nourri par elle, il supplie avec la prière universelle pour les besoins de toute l’Église et pour le salut du monde entier1.

Mais les célébrations de la Parole ne se réduisent pas au seul modèle de la liturgie de la Parole partie intégrante de l’eucharistie. Il y a d’autres actions dans l’Église que le manuel Dans vos assemblées décrit comme différents modèles liturgiques de célébration de cette Parole :

Il y a d’autres prières liturgiques où se sont développées des formes spécifiques d’écoute de la Parole. On peut dire que toute liturgie de la Parole s’organise autour de ces deux pôles : l’annonce de la parole, la prière de l’assemblée. On peut développer plus ou moins chacun de ces deux pôles2.

La Tradition liturgique est riche en modèles de célébrations/liturgies de la Parole, où le cœur de la célébration est la proclamation, l’écoute et la réponse au Dieu de l’alliance.

1. Des célébrations de type vigiles

  • La Veillée pascale

Pour ce « modèle » de liturgie de la Parole nous pouvons être attentifs à sa structure ternaire : proclamation/écoute de la Parole, chant responsorial (psaume ou cantique), oraison révélant le mystère contenu. Les lectures nombreuses initient à la grâce des sacrements de l’Initiation – d’où une fonction catéchétique – et ouvrent au mystère de la Pâque réalisée par le Christ qui accomplit toutes les Écritures, d’où l’aspect profondément mystique de la Veillée.

En dehors de la Veillée pascale, l’Église est riche d’une tradition de célébrations de vigiles ; dans la forme extraordinaire du rite romain nous le voyons dans la célébration des semaines dites des Quatre-Temps3, mais n’oublions pas, même si nous en avons peu l’habitude, que l’office des vigiles est toujours existant dans l’actuelle liturgie des Heures. Ainsi est-il écrit dans la Présentation générale de la liturgie des Heures  (PGLH) au n° 71 :

Comme à la veillée de Pâques, on a pris l’habitude dans diverses églises de commencer par une vigile diverses solennités, notamment, et en premier lieu, la Nativité du Seigneur et le jour de la Pentecôte. Cette coutume doit être conservée et encouragée, suivant l’usage propre à chaque Église. Là où existe éventuellement l’habitude de rehausser par une vigile d’autres solennités ou des pèlerinages, on observera les règles générales données pour les célébrations de la parole de Dieu.

Il nous faut souligner qu’une caractéristique propre à la vigile est son lien à la Pâque du Seigneur qu’elle soit dominicale ou liée à un mystère plus particulier du Christ. C’est pour cette raison qu’au n° 73 de la PGLH, invitation est faite à ceux qui le désirent, de prolonger l’office de lecture par, « suivant la tradition, la célébration de la vigile du dimanche, des solennités et des fêtes. » Le caractère préparatoire notamment au dimanche est si explicite qu’il est dit que :

Pour les solennités et les fêtes, on prendra l’évangile dans le lectionnaire de la messe et, pour les dimanches, dans la série de lectures sur le mystère pascal, qui est indiquée à l’Appendice du livre de la liturgie des Heures (n° 73).

L’habitude des messes anticipées, nous a parfois fait oublier que le seul préliminaire effectif au dimanche et à la célébration de l’eucharistie dominicale est la vigile. Il y aurait matière à reconsidérer nos célébrations de la Parole, à l’aune de la tradition « vigilante » de la liturgie de l’Église. Et pourquoi pas, « conserver et encourager », selon les termes de la PGLH, sa réalisation au sein de nos communautés chrétiennes.

Dans la structure de l’office de lecture proprement dit, après le chant des psaumes et un verset (sorte de répons), il y a une lecture conséquente tirée de l’Écriture suivie d’un répons, puis une lecture d’un témoin de la Tradition – le  plus souvent un Père de l’Église –, également accompagnée d’un répons. La proclamation de l’Évangile suivra si l’on poursuit cet office en choisissant donc de vivre une vigile.

2. La liturgie des Heures

Il faut y penser comme étant en soi une célébration de la Parole. Il faut bien comprendre ce qu’est la liturgie des Heures, car les psaumes sont prières mais aussi Parole de Dieu. C’est le mode de célébration qui fait que les psaumes ne sont pas proclamés comme des lectures. Ensuite, après la courte lecture de l’Écriture (capitule) la célébration se déploie en répons, cantique du Nouveau Testament (Benedictus le matin et Magnificat le soir…) prière commune, Notre Père notamment pour les offices majeurs. Par rapport à ce qui est dit dans le paragraphe précédent sous l’aspect vigile, l’office de lecture fait partie intégrante de la liturgie des Heures.

3. La liturgie de la Parole

Aussi bien au cours de la messe que dans d’autres rituels, en particulier le Livre des bénédictions nous trouvons la structure plus connue : disposition à l’écoute de la Parole, proclamation des textes tirés de l’Écriture dans une alternance dialogale, notamment avec le psaume responsorial et prière commune ou universelle.

4. L’office de la croix

Un autre creuset de la tradition, concernant la célébration de la Parole par l’Église, est l’office de la croix le Vendredi saint ; d’ailleurs le terme est important : office. Il nous faut considérer l’office du Vendredi saint sans sa dernière partie, la communion aux présanctifiés, qui est un rajout liturgique tardif. Cet office est, à son origine comme dans sa structure, une célébration de la Parole, paradoxalement au moment même où le Verbe se tait. L’office est un long déploiement liturgique de la Parole. Cet acte de la célébration est un acte, entre autres, d’accompagnement du Christ dans sa Passion. La structure est à plus d’un titre exemplaire :

  • silence pour l’entrée, puis directement oraison ;
  • proclamation des textes de l’Écriture ;
  • les dix intentions de la prière avec sa structure (intention + kyrie, silence, oraison) en étant éventuellement à genoux pendant la prière en silence ;
  • vénération de la Croix et, ce qui est très beau dans la tradition orientale, la procession de l’epitaphios4.

Structures de célébrations de la Parole

On peut bien sûr à l’envie croiser, modifier, les modèles qui vont être présentés dans le tableau ci-après, du moment que Parole et prière forment comme une structure de base des célébrations. Il faudra toujours penser également aux rites d’ouverture et de conclusion où chant, signe de croix, oraison etc…. ont toute leur place. Ne pas oublier non plus que le silence sacré est une action liturgique qui permet la « pénétration » de la Parole proclamée.

En fonction du calendrier liturgique, il y aura intérêt à souligner par des rites propres tel ou tel temps liturgique : procession comme celle de l’entrée solennelle de l’Évangéliaire ; tous les rites liés à la vénération des Écritures ; rite pénitentiel (avec ou sans aspersion) ; vénération de la Croix ou icône de la résurrection ; procession avec des lumières ou rite du Lucernaire (allumage des bougies du sanctuaire au chant du Joyeuse Lumière) ; offrande de l’encens5 etc.

On pourra également penser à différents lieux ou dispositions de l’espace liturgique : baptistère, chapelles sur les bas-côtés, nef réaménagée avec lieu de la Parole au centre, assemblée face à face selon la forme synagogale…

Type Liturgie de la Parole

Ouverture

Chant – signe de la croixmonitionoraison

Lecture de la Parole de Dieu

Avec un psaume responsorial

Commentaire (homélie)

Prière commune

Prière de bénédiction développée sur l’assemblée

Conclusion

Oraisonbénédiction finale

Type Vigile

Ouverture

Lectures – réponsoraison

cela peut se renouveler autant de fois que de lectures choisies

ou si l’on prend l’office de lecture, chant des psaumes puis

Lecture – répons – texte de la Tradition – répons

Évangile (avec ou sans homélie ou commentaire)

Chant d’action de grâce (Te Deum)

Conclusion (Bénissons le Seigneur)

Type Liturgie des Heures

Introduction de l’office

Hymne

Psaumes avec antiennes

Brève lecture

Répons

Cantique avec antienne

Prière commune

Notre Père

Oraison

Conclusion

Pour aller plus loin, il sera bienvenu de considérer que les célébrations de la Parole ne sont pas un substitut de la messe ; elles ont leur nécessité et légitimité en elles-mêmes. Quant à la nature, au sens et aux formes de cette prière, il nous faut méditer et travailler en équipe l’exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini du pape Benoît XVI (30 septembre 2010), en particulier les numéros 52 à 71 : « La liturgie, lieu privilégié de la Parole de Dieu » :

Les Pères synodaux ont exhorté tous les pasteurs à diffuser dans les communautés qui leur sont confiées les moments de célébration de la Parole. Il s’agit d’une occasion privilégiée de rencontre avec le Seigneur. C’est pourquoi une telle pratique ne peut qu’apporter une grande aide aux fidèles et il faut y voir un élément de valeur de la pastorale liturgique (n°65).

En célébrant la Parole, la conscience chrétienne perçoit qu’il ne s’agit pas d’un « intermède liturgique » mais que c’est un art de vivre – car il y a une sacramentalité de la Parole –, la grâce du Mystère de notre salut : « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire » (Jn 1, 14).

Par Bernard MaittePrêtre, professeur au séminaire d’Aix et responsable du département de pastorale et spiritualité de l’ISTR de Marseille. 

1. Présentation générale du Missel romain (PGMR), n° 55.

2. Joseph Gelineau (sous la dir.), Manuel de pastorale liturgique, Dans vos assemblées, nelle éd., Belgique, Desclée, 1998, p. 379.

3. Les rites après le Kyrie eleison comme les différentes lectures de la messe témoignent certainement de l’office des vigiles des Quatre-Temps. Cela dit, il faut aussi reconnaître qu’en théorie les Quatre-Temps n’ont pas disparu du rite romain dans sa forme ordinaire cf. les Normes universelles de l’année liturgique n° 45-47 et le Cérémonial des évêques n° 381-384.

4. Célébration conclusive de « mise au tombeau » par une procession et une liturgie avec une icône signifiant ce mystère.

5. Par exemple, on la trouve dans plusieurs traditions chrétiennes en début de l’office de vêpres au chant du Joyeuse Lumière,  quand on dit : « Que ma prière monte comme l’encens… » tout en soulevant un plateau, avec charbon et grain d’encens, déposés devant l’autel.

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