La prière d’intercession, matin et soir

12 avril 2008: Jeune en prière lors du rassemblement organisé par "jeunesse 2000", 48 h pour Jésus avec les Franciscains du Bronx, Paris (75), France.

Par Louis Groslambert, Prêtre, responsable de la pastorale et de la musique liturgique du diocèse de Belfort-Montbéliard

Nous sommes tous concernés. Il est bon que les personnes qui prient avec la Liturgie des Heures reprennent conscience de ce que l’Eglise leur demande matin et soir. Il est bon aussi que les personnes qui rédigent la prière universelle de la messe découvrent la richesse de plus de mille prières d’intercession qu’on trouve au long des quatre semaines, de l’avent, du temps de Noël, du Carême, du Temps Pascal, des fêtes et des communs.

Louange et demande

A la liturgie des Heures, comme à la messe, la prière de demande ne se sépare pas de la louange. Réjouis par les psaumes et le mémorial des merveilles du salut, les chrétiens adressent à Dieu leurs demandes.

« Tu nous as donné des compagnons de travail :

Pour les secours donnés et reçus, merci …,

pour les malveillances et les jalousies, pardon … »  (Samedi II soir)

Cet exemple montre que le chrétien porte sur le monde un regard réaliste où se mêlent l’admiration et l’inachèvement. La prière de louange manquerait au réalisme de l’incarnation si aucune prière de demande ne lui était adjointe. Inversement, la demande n’est légitime que si elle s’adresse à une personne reconnue compétente parce qu’on a déjà admiré son œuvre.

La demande est personnelle (ou elle concerne le groupe chrétien présent appelé « nous ») mais aussi universelle. A la liturgie des Heures, comme à la messe, les fidèles qui ont contemplé le mystère du Christ dans les psaumes ou les paroles bibliques, s’en réjouissent mais ne se satisfont pas d’avoir été les seuls bénéficiaires de la révélation : ils prient pour que tous les hommes la connaissent. En effet, appartenir au Christ – l’homme qui récapitule l’humanité – c’est se soucier de tous.

Les intercessions et les invocations

L’Eglise demande d’insérer la vie dans la prière et la prière dans la vie. Pour cela, elle propose deux démarches. Avant de partir pour le service de la journée, chacun est invité à invoquer Dieu pour lui consacrer la journée ; tandis qu’avant d’aborder le repos du soir, il a mission de prendre en charge les personnes dont la vie constitue l’histoire sainte de la journée. Dans la liturgie des Heures, la démarche du matin a pour titre « Louange et intercession » ; le soir, « intercession ». La louange est l’attitude dominante du matin, et la demande, celle du soir. La demande du matin est le plus souvent pour soi-même et son groupe chrétien (« nous ») ; celle du soir est pour les autres.

Par exemple, le mercredi I :

  • le matin : «Tout au long de ce jour, garde nous en ta présence et rends-nous forts contre le mal »
  • le soir : « Pour les peuples de la terre et pour ceux qui les gouvernent, Kyrie eleison »

Cette distinction n’est pas absolue : le dimanche II matin, la prière n’est que demande pour les autres; ou le jeudi II matin : « Ceux qui s’éveillent, qu’ils s’éveillent à toi… Ceux qui vont au travail, qu’ils travaillent pour toi ».

De même, à l’intérieur de beaucoup de prières, on passe d’une demande pour notre groupe à une demande pour toute l’humanité. Par exemple, le mardi III soir :

« Par Jésus Christ, tu es venu jusqu’à nous : qu’il nous conduise à toi, son Père et notre Père.

Le pouvoir des puissants est dans ta main ; dirigent ceux qui nous gouvernent. »

La forme et la mise en œuvre

La forme est toujours litanique. Ce n’est pas une « collecte développée », mais une succession d’invocations toutes bâties sur le même schéma : dès la première invocation, le priant s’installe dans un cadre d’expression et n’a pas d’effort à faire quand arrivent les invocations suivantes.

L’aisance qui vient de ce schéma est particulièrement favorisée quand des mots structurent les phrases. Regardons la louange et intercession du matin du mardi II :

« Au matin du monde, ton Esprit sur les eaux éveillait la vie. Eveille-nous à ta louange

A l’aube du salut, ton Esprit en Marie formait le Messie. Forme-nous à l’obéissance.

Au jour de Pentecôte, ton Esprit parlait par la bouche des apôtres. Mets sur nos lèvres la parole…

Au matin de ce jour, l’Esprit travaille en nous. Qu’il … féconde nos efforts. »

La mise en œuvre découle de la forme donnée par la rédaction.

Une introduction invite à une attitude de prière (« Levons les yeux… contemplons»), et fournit un bref portrait du Père ou du Christ : « Par sa mort sur la croix, le Christ a sauvé le genre humain. Bénissons-le : … » (Vendredi I matin). La prière vient d’abord d’un regard contemplatif porté sur Dieu, et non pas d’un regard porté sur la vie. Ainsi on s’apprend à regarder la vie en tenant compte de la manière dont Dieu la regarde. « Bénissons le Christ qui aime l’Eglise et s’est livré pour elle : … » (Mercredi III matin).

L’invocation commence souvent par une qualification (comme dans les oraisons latines, Deus qui…) et se poursuit par la demande: « Source de la vie, tu es à l’origine de tout ce qui existe. Reçois notre admiration et nos actions de grâce… »

Le refrain a pour fonction de traduire l’aspect insistant de la prière. Mais on peut l’omettre et le remplacer par un silence si on juge qu’il banalise le contenu des intentions. Souvent, il complète le sens de la demande : « Fais de nous tes serviteurs dans l’Eglise servante, (Ref.) Pour ta plus grande gloire ! » (Vendredi IV matin)

Intercession et Prière universelle

Il est sûr que les personnes qui rédigent la prière universelle du dimanche peuvent trouver dans la collection des intercessions de la liturgie des Heures, de nombreuses idées. Elles ne peuvent pas les utiliser telles qu’elles sont, car, dans la liturgie des Heures, les intentions de prière sont adressées directement à Dieu par ceux qui prient l’office (chacun ayant son livre) et ne comportent donc pas la formule « prions pour… ». En revanche, les intentions de la prière universelle s’adressent aux fidèles pour leur proposer des intentions : « prions pour… ».

Elles, qui rédigent leurs litanies presque exclusivement dans la forme : « Pour X.., afin que… prions », trouvent ici quantité d’autres formes :

– Description sommaire d’une attitude de Dieu puis énoncé de la demande : Exemple suggéré par la prière du Vendredi III matin :

« Jésus a été bafoué sans raison; prions-le pour ceux dont l’amour est trahi. » 

– Évocation d’une volonté de Dieu puis énoncé d’une demande : Exemple le Jeudi II soir :

« Dieu veut que l’intelligence de l’homme perce les secrets de la nature; prions pour que les scientifiques servent la vie de l’homme et la gloire de Dieu. »

– Évocation d’une situation humaine puis énoncé d’une demande. Exemple le Jeudi II matin :

« Pensons à ceux qui vont au travail. Demandons qu’ils sachent travailler pour Dieu.

Pensons à ceux qui ont de graves choix à faire. Demandons qu’ils les fassent à la lumière de Dieu. » 

Article extrait de la revue Célébrer n°275