Le dimanche, jour eschatologique

13 août 2009 : Dôme de l'Ascension édifié au XIIIe s., Jérusalem, Mont des Oliviers, Israël, Moyen-Orient. 13th of august 2009 : Dome of the Ascension. Jerusalem, Mount of Olives, Israel.

13 août 2009 : Dôme de l’Ascension édifié au XIIIe s., Jérusalem, Mont des Oliviers, Israël, Moyen-Orient.

Par Serge Kerrien, diacre et responsable de la PLS du diocèse de Saint-Brieuc. Il est aussi ancien directeur-adjoint du CNPL (aujourd’hui SNPLS)

Nous poursuivons notre lecture des grandes lignes de la lettre apostolique du pape Jean-Paul II, Dies Domini, sur la sanctification du dimanche, et nous nous interrogeons sur la dimension eschatologique propre à ce jour de la semaine.

Si le dimanche est le jour de la foi, il n’en est pas moins le jour de l’espérance chrétienne. La participation à la « Cène du Seigneur » est en effet une anticipation du banquet eschatologique pour les « noces de l’agneau » (Ap. 19, 9), (Dies Domini 38).

Voilà sans doute un aspect du dimanche dont peu de chrétiens ont conscience. Pourtant, la liturgie dominicale rappelle, et ceci dès les débuts de l’Église, cette dimension particulière du dimanche : le désir et l’attente de la venue du Seigneur dans la gloire.

Deux chiffres : huit et cinquante

Le huitième jour

Jour de la Résurrection et premier jour de la semaine, le dimanche est aussi l’anticipation d’un monde nouveau, de la libération définitive de toute servitude. De ce fait, l’Église en fait aussi le huitième jour, ajouté à la semaine comme le jour au-delà des jours, jour supplémentaire qui fait irruption dans le temps, évoque le commencement des derniers temps et l’inauguration d’une création nouvelle. Se rassembler en mémoire du Seigneur permet au chrétien d’attendre son retour car le salut sera à l’œuvre jusqu’à son accomplissement.

Les cinquante jours

Un second chiffre aide à mieux saisir la dimension eschatologique du dimanche : cinquante. Pourquoi cinquante ? En répandant l’Esprit Saint sur l’Église au jour de la Pentecôte, le Christ inaugure les temps nouveaux. Il fait de la vie baptismale une marche dynamique vers un avenir où Dieu sera tout en tous : la parousie. Dans l’Ancien Testament, le peuple élu attendait la venue du Seigneur et l’instauration d’un monde nouveau. Le prophète Isaïe en sera tout particulièrement le chantre. Cette attente d’Israël, reprise par les premiers chrétiens de manière nouvelle, fait l’objet du discours de Pierre à la Pentecôte (Ac 2, 14-36) et se trouve être au cœur de la fête de la Pentecôte (Ac 2, 17).  De ce fait, celle-ci prend un relief particulier. Même si la fête est le huitième jour d’une semaine écoulée de sept jours, elle est surtout le cinquantième jour après Pâques, c’est-à-dire le jour supplémentaire d’une période de sept semaines de sept jours. Le dimanche n’est pas seulement mémorial de la résurrection. Il est aussi mémorial du don de l’Esprit et inauguration des temps nouveaux, d’un monde nouveau engendré par l’Esprit et en devenir. Il « projette le chrétien vers le but qui est la vie éternelle » (Dies Domini 26).

Le Jour de l’espérance

Le Notre Père

Dans l’embolisme qui suit le Notre Père, la liturgie situe la communauté chrétienne « en cette vie où nous espérons le bonheur que tu promets et l’avènement de Jésus Christ, notre Sauveur ». Chaque dimanche, l’Église nourrit l’espérance chrétienne de différentes manières.

L’anamnèse

D’abord par l’anamnèse de l’assemblée. Acclamation paradoxale, elle s’appuie sur un fait passé pour en célébrer l’actualité, tout en annonçant un avenir. Quand l’assemblée demande « Viens, Seigneur Jésus », elle s’inscrit dans la dynamique de l’attente du Seigneur, d’une attente active et vigilante dans la prière. Elle crie son désir d’une plénitude de sa présence. L’espérance chrétienne n’est pas celle des biens matériels, des bonheurs factices ou des lendemains qui chantent, elle est celle d’une présence et d’une vie en plénitude avec Dieu.

La prière universelle

L’anamnèse n’est cependant pas la seule manière dont le dimanche construit l’espérance des chrétiens. En prenant en compte tous les aspects de l’histoire du salut, l’assemblée dominicale devance la joie éternelle en intercédant pour le monde d’aujourd’hui : l’espérance chrétienne éclaire l’espérance humaine. C’est, une des raisons de la prière universelle. On n’en a hélas que trop peu conscience. Si la prière est appelée « universelle », c’est qu’elle ne saurait se limiter aux seules préoccupations d’une communauté chrétienne enfermée sur elle-même. Toute l’humanité est prise en compte dans sa marche vers l’accomplissement de son histoire. En faisant siennes les préoccupations du monde, l’Église témoigne que l’univers a un sens ; il est inscrit dans une espérance que l’Église nomme : Seigneur Jésus.

Le repas du Seigneur

Enfin l’Église, en célébrant l’eucharistie dominicale, préfiguration du banquet céleste, annonce l’avenir comme une fête, un festin. « Heureux les invités au festin des noces de l’Agneau ». Cette bénédiction, reprise par la liturgie, ouvre une perspective intéressante de la fin des temps. Si le langage de l’Écriture est apocalyptique pour décrire la parousie,[1] le dimanche la présente comme une fête, un banquet où l’humanité est invitée. L’eschatologie n’est pas une catastrophe : elle est un bonheur.

Ainsi le dimanche tourne le chrétien vers un avenir de bonheur, non pas comme un simple souhait ou un enfermement béat qui le couperait des réalités du monde, mais comme une dynamique de la foi, une espérance certaine que l’avenir du monde s’accomplit dans le Christ. Et cette espérance le construit, chaque dimanche, en être de désir : « Viens Seigneur Jésus ».

 

[1] Voir Célébrer 393, Les textes apocalyptiques dans la liturgie, septembre 2012, p.

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