L’Esprit Saint dans la liturgie

« Nous te supplions de consacrer toi-même les offrandes que nous apportons : sanctifie-les par ton Esprit pour qu’elles deviennent le corps et le sang de ton Fils, Jésus Christ, notre Seigneur » (Prière eucharistique III)

« Nous te supplions de consacrer toi-même les offrandes que nous apportons : sanctifie-les par ton Esprit pour qu’elles deviennent le corps et le sang de ton Fils, Jésus Christ, notre Seigneur » (Prière eucharistique III)

Par le père Bernard Maitteprofesseur au séminaire d’Aix-enProvence, responsable du département Pastorale et Spiritualité de l’ISTR de Marseille.

Le dernier samedi du Temps pascal, l’oraison d’ouverture  de la messe nous fait demander : « Au terme de ces fêtes pascales, accorde-nous, Dieu tout-puissant, de garder la Pâque de ton Fils présente dans toute notre vie. »

La célébration de la Pentecôte manifeste par les prières et par les textes de la liturgie comment garder la Pâque du Seigneur dans le fil des jours. L’une des deux prières d’ouverture de la messe de la veille au soir de la Pentecôte s’exprime ainsi : « Réponds à notre prière, Dieu tout-puissant, et comme au jour de la Pentecôte, que le Christ, lumière de lumière, envoie sur ton Église l’Esprit de feu : qu’il éclaire le cœur de ceux que tu as fait renaître, et les confirme dans ta grâce. » Le don de l’Esprit Saint nous a déjà été fait dans le baptême et cette demande ravive et actualise sans cesse ce don.

Initiation dans l’Esprit Saint

La constitution sur la liturgie confesse que « la liturgie édifie chaque jour ceux qui sont au-dedans pour en faire un temple saint dans le Seigneur, une habitation de Dieu dans l’Esprit » (n° 2). Cette édification de l’être  chrétien est façonnée par la grâce, qui est le don de l’Esprit Saint reçu dans chaque sacrement.

Le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes (RICA) lie les trois sacrements – baptême, confirmation, eucharistie – comme don de l’Esprit en vue, non pas seulement d’un bienfait  personnel (être enfant de Dieu ou communier intimement à Dieu, etc.), mais aussi et surtout comme don en vue de la croissance et de la communion de l’Église. Corps et Esprit sont ainsi toujours unis : « Par le baptême,  en effet,  les hommes deviennent un seul corps dans le Christ pour former le peuple de Dieu. […] Dans la confirmation, marqués par le don de l’Esprit, [les baptisés] sont plus pleinement configurés au Seigneur et remplis de l’Esprit Saint pour être capables de rendre témoignage devant tous et d’amener le plus tôt possible le Corps du Christ à sa plénitude. […] En participant à l’assemblée eucharistique, ils mangent la chair et boivent le sang du Fils de l’homme, […] ils obtiennent  que, par une effusion plus abondante du Saint-Esprit, tout le genre humain parvienne à l’unité de la famille de Dieu » (RICA, n° 2).

Croissance dans l’Esprit

Quant aux autres sacrements, nous en vivons pour que sans cesse nous soyons édifiés par l’Amour  du Seigneur – autre nom de l’Esprit Saint – en étant en communion avec lui et avec tout le genre humain.

Le sacrement de la confession nous donne l’Esprit pour être réconciliés avec Dieu, avec nous-mêmes et avec tous nos frères.

Le sacrement de l’onction des malades est un don de l’Esprit, et l’Église invite les malades « en s’associant librement  à la passion et à la mort du Christ à apporter leur part pour le bien du peuple de Dieu1 ». Le sacrement de l’ordre est le don de l’Esprit pour que ceux qui sont ordonnés le soient à l’annonce de l’Évangile, à la construction de l’Église, et continuent à répandre les dons de l’Esprit sur les croyants.

Le sacrement du mariage est le don de l’Esprit pour que les époux, en signifiant  l’union du Christ et de l’Église, vivent l’alliance d’une intime communauté de vie et d’amour.

Chaque sacrement est une manière d’être rempli de l’Esprit  Saint et d’y puiser comme à une source qui ne se tarit pas.

Nourris du Saint-Esprit

Le sacrement de l’eucharistie est subsistance pour notre vie chrétienne. Pour que cela advienne, le pain et le vin sont sanctifiés. Cette nourriture et cette boisson le sont réellement parce qu’en vérité, l’Esprit Saint œuvre à leur transformation, comme à la nôtre.

Au départ, un appel : « Nous te supplions de consacrer toi-même les offrandes que nous apportons : sanctifie-les par ton Esprit pour qu’elles deviennent le corps et le sang de ton Fils, Jésus Christ, notre Seigneur » (prière eucharistique III). C’est ce que l’on nomme l’épiclèse (appel de l’Esprit Saint) sur les espèces du pain et du vin. Cette prière s’adresse au Père pour qu’il donne l’Esprit qui réalise la présence du Seigneur.

Au terme,  une totale  communion : « Quand nous serons nourris de son corps et de son sang et remplis de l’Esprit Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (PE III). C’est l’épiclèse sur l’assemblée qui devient, elle aussi, Corps du Christ. L’un, le corps eucharistique, ne va pas sans l’autre, le corps ecclésial. Pas de communion achevée et totale sans que l’Esprit Saint réalise la communion.

Esprit Saint et prière

C’est dans toute la liturgie que nous est donné l’Esprit Saint, qui déploie la Pâque du Seigneur dans notre vie. Cela se vérifie au plus intime de nous-mêmes quand nous prions.

Tout d’abord ensemble, en priant la liturgie des Heures (laudes, vêpres, etc.) ; c’est pourquoi « l’unité de l’Église en prière est l’œuvre de l’Esprit Saint : c’est le même Esprit qui est dans le Christ, dans l’Église tout entière et en chacun des baptisés. […] Aucune prière chrétienne ne peut donc exister sans l’action de l’Esprit Saint qui, en assurant l’unité de toute l’Église, conduit au Père par le Fils2 ».

Également dans notre prière personnelle, surtout dans l’oraison qui s’enracine dans la liturgie de l’Église. L’Esprit Saint lui-même œuvre à notre prière : Bien plus, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. Et Dieu, qui scrute les cœurs, connaît les intentions de l’Esprit puisque c’est selon Dieu que l’Esprit intercède pour les fidèles (Rm 8, 26-27). Voilà qui devrait nous rassurer quant à nos incapacités à prier ou à savoir prier. L’oraison est une pentecôte de tous les jours pour le priant.

Universalité de l’Esprit Saint

La liturgie conduite par l’Esprit Saint est une action en faveur de tout le peuple. Celui-ci ne doit pas être replié sur lui-même. Toute Pentecôte fait sortir du lieu de prière (la chambre haute) pour que soient annoncées au monde les merveilles de Dieu (cf. Ac 1, 13 ; 2, 1-41). La Pentecôte est liée à la prière de la première communauté chrétienne : Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères (Ac 1, 14). Du lieu de la prière communautaire, l’Esprit de Pentecôte se répand sur le monde. Cela se renouvelle lorsque Pierre monta sur la terrasse de la maison [à Jaffa], vers midi, pour prier (Ac 10, 9) ; l’Esprit Saint lui envoie des hommes venus de Césarée, de la part du centurion Corneille. Et pour tous ces non-juifs alors que Pierre parlait encore […] l’Esprit Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la Parole. Les croyants qui accompagnaient Pierre, et qui étaient juifs d’origine,  furent stupéfaits de voir que, même sur les nations, le don de l’Esprit Saint avait été répandu. En effet, on les entendait parler en langues et chanter la grandeur de Dieu (Ac 10, 44-46).

Tout part de la liturgie et conduit à la liturgie, sommet et source, lieu du travail de l’Esprit. Par la liturgie, nous garderons en vérité la Pâque du Fils dans toute notre vie et nous correspondrons au désir de Dieu de Pentecôte sur le monde : « Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal3. »

Magnificat n° 330, mai 2020, pages 2-6, Regard sur la liturgie

1. Constitution sur l’Église, Lumen gentium, n° 11.

2. Présentation générale de la Liturgie des heures, n° 8.

3. Constitution sur l’Église dans le monde de ce temps, Gaudium et spes, n° 22.

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