Prier et célébrer les saints : dévotion, vénération, culte ?

Saint Paul hors les Murs

Saint Paul hors les Murs

Les chrétiens ont vénéré très tôt la mémoire des saints, d’abord les martyrs, puis d’autres témoins de la foi. Chez certains fidèles, le « culte des saints » a même parfois remplacé le « culte de Dieu ». Or on n’adore que Dieu seul et, comme le disait déjà saint Augustin, « si nous honorons les martyrs, nous n’élevons d’autel à aucun d’eux ». S’il y a bien une pratique cultuelle dans les deux cas, la notion de culte n’a donc pas tout à fait le même sens selon qu’on l’attribue à Dieu et aux saints. Alors que peut-on dire de la dévotion envers les saints, de cette vénération qui naît quand on fait mémoire de leur vie et de leur foi ?

L’expression « culte des saints » ne gêne ni les historiens, ni la plupart des fidèles. Le très sérieux Code de Droit canonique de l’Église catholique n’hésite d’ailleurs pas à aborder le « culte des saints, des saintes images et des reliques » (canons 1186-1190) dans le chapitre qui traite des « autres actes du culte divin ». Le même terme est utilisé dans les deux cas. Cela s’explique bien sûr d’abord par une évidence : à chaque fois, la dévotion des fidèles se manifeste par des pratiques souvent assez proches. Mais sur le fond, cette utilisation possible du même terme rappelle surtout que le culte rendu au Christ constitue l’horizon ultime du culte des saints : ainsi lorsqu’on vénère un saint, une sainte, et même la bienheureuse Vierge Marie, il s’agit en fin de compte de rendre grâce au Christ pour ce qu’Il a vécu en eux et parce qu’Il nous donne maintenant ces témoins à la fois comme des exemples et comme une famille.

 

Le langage théologique distingue le culte de latrie pour désigner le service liturgique réservé à Dieu seul, c’est-à-dire le culte d’adoration, et le culte de dulie que l’on rend aux saints : des prières, des “services”, des gestes de dévotion voire des fêtes ou divers actes liturgiques pour les honorer. On parle même d’hyperdulie pour le culte marial. Si tout est clair sur ce plan, c’est dans la pratique que les confusions peuvent s’installer. Il importe donc de mettre en place les conditions pastorales pour que ce culte des saints « favorise la sanctification du peuple de Dieu ». Et il important que les pasteurs comme les fidèles soient au clair sur les raisons pour lesquelles l’Église « recommande à la vénération particulière et filiale des fidèles la Bienheureuse Marie, toujours Vierge, mère de Dieu, que le Christ a établie Mère de tous les hommes » et « favorise le culte véritable et authentique des autres Saints, dont l’exemple en vérité édifie tous les fidèles et dont l’intercession les soutient » (Droit de Droit canonique, canon 1186).

Pour comprendre ces motifs, on peut partir de l’explication donnée par la Constitution sur la sainte liturgie du Concile Vatican II, dans son numéro 104 :

 

« L’Église a introduit dans le cycle annuel les mémoires des martyrs et des autres saints qui, élevés à la perfection par la grâce multiforme de Dieu et ayant obtenu possession du salut éternel, chantent à Dieu dans le ciel une louange parfaite et intercèdent pour nous. Dans les anniversaires des saints, l’Église proclame le mystère pascal en ces saints qui ont souffert avec le Christ et ont été glorifiés avec lui, et elle propose aux fidèles leurs exemples qui les attirent tous au Père par le Christ, et par leurs mérites elle obtient les bienfaits de Dieu. »

Célébrer des saints, c’est donc fondamentalement célébrer la Pâque de Jésus-Christ qui a pénétré la vie de croyants et y a porté des fruits de sainteté à la gloire de Dieu. Dans le Corps du Christ on ne peut séparer la Tête et les membres, et la sainteté des membres renvoie à la Tête. La vénération portée aux saints devient un culte rendu au Christ vivant en eux et répandant en eux la richesse de sa grâce. La vie des saints présente quantité d’exemples que nous sommes invités à imiter : c’est ce que nous cherchons le plus souvent dans leur vie ou leurs écrits. Ils sont des témoins : les regarder, les écouter est une manière de méditer l’Évangile qui s’est concrétisé dans les conditions particulières de leur vie.

Pourtant, comme le souligne la Constitution sur l’Église du Concile Vatican II, dans son numéro 50, « nous ne vénérons pas seulement au titre de leur exemple la mémoire des habitants du ciel ; nous cherchons bien davantage par là à renforcer (grâce à l’exercice de la charité fraternelle) l’union de toute l’Église dans l’Esprit(cf. Ep 4, 1‑6) ». En effet, le Christ crée entre nous une solidarité spirituelle : « la communion des saints ».L’amour que nous nous portons les uns aux autres nous fait porter, dans la prière, le souvenir de nos frères et sœurs. Plus encore, en suscitant la participation de tous à son œuvre de salut, le Christ nous relie les uns aux autres et nous rend, en Lui, acteurs et responsables de la sanctification de nos frères et sœurs. S’il est vrai que nous ignorons comment fonctionne cette solidarité spirituelle, nous savons dans la foi qu’elle existe par la générosité divine.

Tu es glorifié dans l’assemblée des saints : quand tu couronnes leurs mérites, tu couronnes tes propres dons. Dans leur vie tu nous procures un modèle, dans la communion avec eux une famille, et dans leur intercession un appui ; afin que soutenus par cette foule immense de témoins, nous courions jusqu’au bout de l’épreuve qui nous est proposée …

– 1e Préface des saints

Mise à jour d’un article publié initialement dans la revue Célébrer, n°308

Deux recommandations de la Présentation Générale du Missel Romain (PGMR) pour exprimer une vénération publique des images de saints

 

N° 318 sur les images saintes proposées à la vénération des fidèles

Dans la liturgie terrestre, l’Eglise a un avant-goût de la liturgie céleste qui se célèbre dans la Cité sainte de Jérusalem vers laquelle tend son pèlerinage, là où le Christ siège à la droite de Dieu, et en vénérant la mémoire des saints, elle espère partager un jour leur compagnie [SC 8].

C’est pourquoi, selon une très ancienne tradition de l´Église, les images du Seigneur, de la bienheureuse Vierge Marie et des saints, sont proposées à la vénération des fidèles dans les édifices religieux[1] ; elles y sont disposées de manière à conduire les fidèles vers les mystères de la foi qui y sont célébrés.

Aussi, veillera-t-on à ne pas les multiplier sans discernement et à les disposer de manière à ne pas détourner l´attention des fidèles de la célébration elle-même [SC 125]. On n´aura normalement pas plus d´une seule image du même saint. D´une façon générale, dans l´ornementation et l´aménagement de l´église en ce qui concerne les images, on aura en vue la piété de toute la communauté ainsi que la beauté et la dignité des images.

N° 276-277 sur l’encensement.

L’encensement exprime le respect et la prière comme l’indique la sainte Ecriture (cf. Ps 140,2 ; Ap 8,3). […] On encense par trois coups d’encensoir : le Saint-Sacrement, les reliques de la sainte Croix et les images du Seigneur exposées à la vénération publique, les offrandes pour le sacrifice de la messe, la croix de l’autel, l’Evangéliaire, le cierge pascal, le prêtre et le peuple. On encense de deux coups d’encensoir les reliques et les images des saints exposées à la vénération publique, mais seulement au début de la célébration, quand on encense l’autel.

[1] Cf. Pontifical romain, Rituel de la Dédicace, ch. IV, n. 10 ; Rituel romain, Livre des bénédictions, Bénédiction d’une image destinée à la vénération publique, nn. 984-1031.

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