La psychologie du deuil en quatre étapes
La perte d’un être cher provoque chez la personne endeuillée un choc qui déstabilise plus ou moins profondément l’équilibre personnel et les relations. L’expression courante « faire son deuil » dit maladroitement le processus psychologique qui permet peu à peu à chacun de se reconstruire pour retrouver un nouvel équilibre. Mais la perte d’un proche n’est jamais l’oubli et la reconstruction à opérer n’est jamais un retour à la stabilité connue avant l’épreuve.
La psychologie identifie quatre étapes successives que chacun doit traverser comme un chemin en apparence bien balisé. En réalité, ce processus de reconstruction est plus ou moins long et compliqué selon les personnes, leur fragilité ou leur capacité de résilience selon l’expression popularisée par Boris Cyrulnik, les circonstances du décès et la force du lien avec la personne disparue.
La première étape est celle du choc : l’annonce du décès ressemble au coup reçu par un boxeur. On parle encore de sidération pour décrire cette forme de paralysie. Le coup reçu plonge dans un état qui coupe du réel : « Ce n’est pas possible. »
La deuxième étape est celle de la déstabilisation. Elle survient rapidement quand la prise de conscience met face à la dure réalité de la mort. L’être aimé n’est plus et grandit peu à peu alors le sentiment de la perte inéluctable : « Jamais plus… ». Le réel s’impose alors comme un puits dans lequel on s’enfonce. On pourrait parler de dépression sauf que le ressenti opère un passage nécessaire, « normal », où s’entremêlent des sentiments ou attitudes apparemment contradictoires : l’écrasement, la culpabilité, le déni, la révolte, le besoin de parler ou le mutisme… La perte inéluctable est là qui met au bord du vide.
Il faut du temps, des semaines, des mois, pour que ce temps commence à laisser place à la troisième étape : l’adaptation. Peu à peu, la personne assimile les conséquences de la perte. Elle est capable d’affronter la situation, d’accepter mieux l’absence pour commencer à se reconstruire. Elle fait face aux questions matérielles et recompose son univers, sa relation à elle-même et aux autres y compris à la personne disparue. Elle intègre le « jamais plus » qui devient un peu plus supportable et émerge peu à peu de l’abîme.
Enfin la dernière phase, celle du rétablissement, ouvre un nouvel avenir possible. Sans jamais oublier l’être cher disparu ni la dureté de l’épreuve, la personne retrouve le goût de vivre, de faire des projets.
Ce lent processus de reconstruction n’est pas un itinéraire balisé dans le temps. Le deuil est un chemin escarpé, fait d’avancées, de longues haltes et même de retours en arrière inattendus. C’est là que l’écoute, la proximité dans la durée sont essentiels, car cela permet de « mettre des mots sur les maux » et de soigner les blessures. Mais parfois la plongée est si violente que la personne reste au fond de l’abîme et ne peut s’en sortir seule. On parle alors de deuils pathologiques au sens où la reconstruction par soi-même devient impossible. Il faut alors la vigilance de l’entourage et l’aide de professionnels pour faciliter la traversée de passages impossibles.