En dehors de la messe, vivre la communion et la fraternité

cathopic_1539178935365358Dans son message pour la 4ème Journée mondiale des Pauvres, le pape François évoque le lien fondamental entre prière et solidarité humaine :

La prière à Dieu et la solidarité avec les pauvres et les souffrants sont inséparables. Pour célébrer un culte qui soit agréable au Seigneur, il est nécessaire de reconnaître que toute personne, même la plus indigente et la plus méprisée, porte l’image de Dieu imprimée en elle. De cette attention découle le don de la bénédiction divine, attirée par la générosité pratiquée à l’égard du pauvre.

Face aux multiples difficultés engendrées par la pandémie, qui obligent à repenser les liens sociaux et les modes d’expression de la fraternité humaine, le pape François invite à ne pas dissocier la manière de vivre sa foi dans une vie liturgique et la façon de la vivre dans une charité active. Alors que le confinement impose de nouveau la suspension des célébrations communautaires, et où l’absence du sacrement de l’Eucharistie peut se fait sentir comme privation, la fraternité et la communion se donnent à vivre et à recevoir par d’autres chemins.

« Le Christ est toujours présent à son Église »

Dans Mysterium fidei, Paul vi rappelle la manière dont le Christ demeure toujours présent à son Église. Déployant ce que Sacrosanctum concilium n°7 avait déjà exprimé en son temps, il évoque les diverses modalités de cette présence en les orientant vers la célébration du sacrement de l’Eucharistie. Depuis la prière jusqu’à l’exercice du gouvernement dans l’Église, de l’annonce de la Parole de Dieu et la mission, en passant par les œuvres de miséricorde auprès des pauvres et des humbles, le Christ continue d’agir par le don de l’Esprit saint. Non seulement Paul vi n’isole pas ses différentes manières les unes des autres, mais montre le lien profond qui les unit les unes aux autres : la charité.

Parler ainsi, c’est redire que l’Eucharistie est source et sommet de la vie chrétienne, parce qu’elle irrigue l’ensemble de ce que les chrétiens font dans le monde, même de manière discrète et cachée. La messe dominicale révèle alors à tous, que rien de ce que nous faisons n’est plus grand que ce que Dieu fait pour nous, en nous donnant d’avoir part à la mort et à la résurrection de son Fils. L’exclamation des disciples d’Emmaüs devient ainsi réalité : « notre cœur n’était-il pas brûlant en nous tandis que le Seigneur nous parlait sur le chemin ? »

 

La nature ecclésiale de la communion eucharistique

L’impossibilité de se rassembler pour la célébration de l’eucharistie a fait émerger la conscience plus vive de la nature ecclésiale de la communion eucharistique. Dans l’Église apostolique, en effet, manquer le rassemblement communautaire, c’est-à-dire « l’assemblée » n’était pas perçue d’abord comme une absence (légitime ou non) mais comme une sorte d’amputation du corps ecclésial (He 10, 25). Participer à l’assemblée était alors un aspect décisif de l’identité chrétienne, toujours à redécouvrir. L’Église n’est pas d’abord une institution religieuse, mais elle est le Corps du Christ qui se manifeste à travers l’assemblée des fidèles.

Ce regard sur l’importance fondamentale de l’assemblée chrétienne est la clé de compréhension de la réserve eucharistique et de la communion portée aux absents. En portant la communion aux absents et notamment aux malades, il s’agit avant tout de signifier que bien qu’absents, ils ne sont pas séparés de la communion ecclésiale, de l’assemblée. La communion eucharistique est la forme plénière de la participation à l’assemblée qui est elle-même le signe du corps du Christ (PGMR n. 27). Elle est communion à la présence du Ressuscité qui se fait reconnaître au milieu de ses disciples et les envoie porter la Bonne Nouvelle à toutes les nations (Lc 24, 36-53).

 

Déployer une vie eucharistique

Alors que la messe n’est plus possible, comment se nourrir de l’Eucharistie quand on ne peut pas la recevoir sacramentellement en communauté ? Si le signe le plus éminent de la présence du Christ au milieu de son peuple fait défaut, en raison des mesures sanitaires qui rendent impossible tout rassemblement, cela invite à redécouvrir les autres signes de cette présence et d’en contempler les dimensions eucharistiques. Ainsi, dans l’attente du rassemblement communautaire et de la messe dominicale, ces signes offrent un chemin pour ne pas séparer fraternité et communion.

Dans de nombreux diocèses, pour accompagner ce nouveau confinement, diverses propositions spirituelles veillent donc à manifester le lien entre communion avec le Christ ressuscité, rassemblement ecclésial et communion eucharistique. Ces préoccupations ont trouvé un écho dans le discours de clôture adressé lors de l’Assemblée plénière en Juin 2020 par la présidence de la Conférence des Évêques de France :

L’eucharistie est d’une telle richesse, d’une telle intensité, qu’elle peut être vécue de bien des manières ; son mystère peut être participé à des degrés différents et selon des modes variés aussi. […] Le lien entre le corps eucharistique et le corps ecclésial mérite d’être approfondi. […] Le désir ardent de la communion sacramentelle ne trouve toute sa vérité qu’en nourrissant la charité qui édifie le Corps du Christ. Mais il est vrai que le mystère du Christ est avant tout un mystère de présence. La foi chrétienne n’est pas faite d’idées et d’intentions : elle est avant tout la disponibilité à rejoindre le Christ, là où il se tient et nous convoque, et à se laisser rejoindre par lui, et lui vient à nous toujours pour nous envoyer vers les autres.

Voilà pourquoi ces multiples possibilités invitent à redécouvrir la prière en famille avec une liturgie domestique, la méditation de l’Écriture sainte par une lectio divina, le soin des pauvres, l’intercession et la louange, ou la visite au Saint-sacrement à l’église demeurée ouverte. Il s’agit d’entrer toujours plus dans une « vie eucharistique », une vie selon l’amour du Seigneur.

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Servir la fraternité et la communion

Devant le manque apparent de la célébration communautaire de la messe, la fraternité peut devenir le signe visible de la vie et de la communion eucharistique des baptisés.

Puisque le rassemblement dominical demeure impossible, de multiples propositions offrent de manifester l’Eucharistie comme « la source et le sommet de la vie chrétienne ». Elles s’attachent également à révéler l’accomplissement de la communion eucharistique dans la mission d’évangélisation et le service de la charité, tout en répondant aux besoins actuels du peuple chrétien qui souhaite communier sacramentellement, même en dehors de la messe.

Présenter à Dieu tous ceux qui sont durement éprouvés par la pandémie (les malades de la Covid-19 et ceux qui les soignent, les défunts et les familles endeuillées, les personnes âgées ou isolées, les familles et ceux qui sont dans une situation de vie toujours plus précaire) accomplit une participation réelle et spirituelle à l’Eucharistie, qui dépasse les limitations imposées. L’attente du rassemblement eucharistique, si douloureuse soit-elle, devient le signe de cette communion avec les plus pauvres, avec ceux qui n’ont rien. Conscients qu’elle nous relie par la foi au Christ mort et ressuscité, réellement présent dans le sacrement de l’Eucharistie où nous ne sommes pas présents physiquement, cette participation consciente, pleine et entière de confiance et d’amour envers Dieu, fait grandir la charité et la fraternité comme signe de la communion avec Dieu.

En ce temps de pandémie, comment vivre la communion et la fraternité, en dehors la messe ? C’est le sujet d’un article complémentaire. Cliquez ici.

SNPLS, 19/11/2020

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