Orfèvrerie liturgique : dans l’atelier de Jacques Schwarz
Par Sandrine Vivier, historienne de l’Art
Pénétrer dans l’atelier de Jacques Schwarz, artisan en orfèvrerie liturgique depuis plus de quarante ans, c’est d’abord découvrir toutes les étapes de la transformation d’une feuille d’argent en calice ou en patène.
La fabrication du mandrin de bois est la première étape puisque c’est sur celui-ci que sera travaillée au repoussé la feuille d’argent qui donnera la coupe. Il faut ensuite souder les différentes parties qui composent la pièce au moyen d’un chalumeau alimenté par une forge. Enfin la dorure de la pièce d’orfèvrerie sera réalisée par un procédé d’électrolyse.
Hormis cette dernière étape, les techniques employées sont vieilles de plusieurs siècles ; M. Schwarz en a d’ailleurs fait l’apprentissage auprès de son père, au moment où la production était florissante.
Techniquement, Jacques Schwarz est certainement l’un des derniers orfèvres à pouvoir reproduire les calices complexes produits au Moyen Age ; il en maîtrise les subtils décors d’entrelacs filigranés et la fine granulation qui enserre les cabochons précieux. Pourtant, ce n’est pas dans ce registre que s’inscrivent ses réalisations. L’abondance décorative a fait place à une simplicité recherchée des formes. Expliquer cette évolution par des courants stylistiques et culturels n’épuise certainement pas la question. Bien sûr, on peut constater l’existence de « modes » en orfèvrerie liturgique, mais plus profondément se dessine la question de l’esthétique des vases sacrés. À cet égard, la Présentation générale du Missel romain (paragraphes 289 à 295) (1) n’est pas prescriptive. Elle s’en remet au choix de l’artiste et rappelle l’adaptation à « l’usage liturgique » du calice et de la patène « qui servent à offrir, à consacrer et à consommer le vin et le pain. »
La beauté de l’orfèvrerie liturgique ne vaut donc pas pour elle-même, mais signifie la préciosité du contenu et annonce d’une certaine manière le mystère qui va être célébré. Le choix des matières est abordé dans les paragraphes n° 290, 291 et 294 ; la solidité et la noblesse sont requises, la coupe doit être réalisée dans une matière « qui n’absorbe pas les liquides ». L’intérieur des vases métalliques doit être doré s’il y a un risque d’oxydation. Mais « si c’est un métal qui ne rouille pas, et qui soit plus noble que l’or, il n’est pas nécessaire de les dorer. »
Ainsi se dessine la spécificité des vases sacrés, tout à la fois fonctionnels et symboliques. Ils se distinguent de la vaisselle quotidienne dont ils sont pourtant originairement issus, mais ils ne doivent pas apparaître complètement éloignés du « travail des hommes » d’aujourd’hui. Le calice et la patène réalisés récemment pour les concélébrations à la cathédrale de Nancy répondent à ces critères : de plus, leur taille respectable leur confère la monumentalité et la visibilité nécessaires et en font le signe unique, sans encombrer la Table de l’eucharistie.
La Commission diocésaine d’art sacré, le curé de la cathédrale et son sacristain ont été étroitement associés dès le début du projet. Les propositions de M. Schwarz ont fait l’unanimité ; l’équilibre des volumes et la fonctionnalité ont été particulièrement appréciés.
Atteindre la simplicité et la noblesse n’est pas chose aisée. Éviter l’ostentation sans perdre le sens, se situer dans le temps, sans se couper de la tradition ecclésiale, voilà quelques-uns des aspects qu’il faut tenir ensemble. Ces considérations peuvent d’ailleurs s’appliquer à l’ensemble du mobilier liturgique et les questions qui pointent ici sont décisives pour l’aménagement liturgique des lieux de culte dans l’esprit de Vatican II.
Questions, d’ailleurs, qu’il convient de se poser dès le début de tout projet car elles apparaîtront tôt ou tard, et il est toujours préférable de les envisager au commencement. L’autel, et ce qu’il porte, se doivent d’être dignes du mystère qui y est célébré : c’est pourquoi la table de l’eucharistie est dressée avec soin, les vases sacrés d’une noble simplicité y sont disposés dignement, et le prêtre qui les présente, les dépose et les élève, le fait de manière sobre et signifiante.
D’après l’article extrait de la revue Célébrer, n°313, juin-juillet 2002, p 45-46
(1) Numérotation selon le Missel de Paul VI, en français. PGMR publiée dans Pour célébrer la messe, éd. CLD, 1989.
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Sandrine Vivier – Orfèvrerie liturgique dans l’atelier de Jacques Schwarz