Vivre la conversion à la lumière d’Evangelii Gaudium
Par Philippe Marxer
Après six ans passés au SNCC comme responsable national du catéchuménat, le père Philippe Marxer, travaille notamment à la fondation d’une école de « disciples missionnaires » pour la province apostolique d’Aquitaine et donne des cours de christologie à Bordeaux et de sacramentaire au Centre Sèvres à Paris.
N’y a-t-il pas plus parfaite expression de la nouveauté qu’une naissance ? L’avènement d’un enfant, d’un fils ou d’une fille est bien l’avènement du nouveau par excellence ! Cet adjectif « nouveau » présent dans les écrits prophétiques, apocalyptiques de la Bible, signifie : ce que Dieu seul peut donner.
C’est bien à cette nouveauté que nous sommes convoqués en fêtant de nouveau Noël. Et les quatre semaines qui nous acheminent à cette fête sont une invitation, toujours plus pressante, à nous ouvrir à cette nouveauté, en un mot : à nous convertir.
Dieu se charge de faire grandir la foi dont il nous fait don
De quel ordre est cette conversion ? En lisant attentivement l’encyclique du Pape François, Evangelii Gaudium (La joie de l’Évangile), la question se pose puisque Dieu se charge de la croissance de notre foi. Reconnaissons tout d’abord que le Seigneur est bien celui qui prend très au sérieux notre marche vers lui. Sa pédagogie ne se contente pas de peu puisqu’il nous dit clairement d’être saints comme lui-même est saint. Le Pape François l’affirme : la foi croît dans la mesure où ce projet de Dieu est pris en considération et que nous ne nous contentons pas de peu[1]. Ce chemin de réponse et de croissance, ajoute le Pape, est toujours précédé d’un don[2]. La foi, dit-on, ne se transmet pas ! Si bien des adultes en éprouvent la réalité, la formule demande toutefois à être précisée ! Il est vrai qu’on ne transmet pas la fides qua – cette présence de Dieu en soi –, mais nous pouvons donner des éléments de la fides quae – nos croyances, la doctrine – qui permettra à la fides qua de se développer ! Il y a bien un don qui précède toute croissance, qui la justifie et lui donne corps.
Se laisser transformer dans le Christ
Cette pédagogie de Dieu a pour logique, la plus fondamentale qui soit, la gratuité. La conséquence immédiate consiste alors à se laisser transformer[3] dans le Christ. Le pape François ne dit pas de se laisser transformer par le Christ, mais « dans le Christ (et) par une vie progressive selon l’Esprit ». Il indique par-là que le don gratuit de Dieu n’est autre que le Christ lui-même.
Liturgie et catéchèse au service de la croissance de la foi
La liturgie, comme la catéchèse ne sont, dès lors, pas à penser au service d’une pédagogie humaine. Ce serait dangereux ! Non, la liturgie et la catéchèse sont au service d’une croissance d’autant qu’elles sont lieux d’une première annonce au sein de laquelle le kérygme tient un rôle fondamental. Le Pape François opère un petit bouleversement lorsqu’il précise que cette première annonce doit être envisagée en un sens qualitatif. Elle est « l’annonce principale, celle que l’on doit toujours annoncer de nouveau […] à toutes les étapes et à tout moment[4] ». Et « toute la formation chrétienne est avant tout l’approfondissement du kérygme qui se fait chair toujours plus et toujours mieux[5] ». Et ce kérygme, où le voyons-nous ? Où le lisons-nous ? Il se trouve dans la promesse que Dieu fait à Abraham et à sa descendance, descendance que nous sommes. Et voici que ce don gratuit de Dieu, en prenant chair, se manifeste de plus en plus. Il se dévoile et ce dévoilement est une croissance dans la foi, plus exactement dans l’amour. C’est bien la traduction qu’en fait l’apôtre Paul dans son épître aux Galates lorsqu’il leur dit que la foi se vit en aimant.
La pédagogie du Seigneur se déploie dans le temps et par sa Parole
Qu’est-ce que la foi ? La foi est contenue, pour reprendre la parole de Jésus, dans ce double commandement où tout est dit sur elle : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toutes tes forces ; tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Le Pape François attire notre attention sur deux points importants à propos de cette croissance du don de Dieu.
En premier : le temps. Car ce qui caractérise précisément le Seigneur est sa grande patience. En second : la Parole révélée, c’est-à-dire la Parole de Dieu qui est l’Écriture Sainte dans la mesure où elle est inspirée par Dieu. Toute l’activité de l’Église, dit-il, « doit acquérir une grande familiarité avec la Parole de Dieu ». Celle-ci est à accueillir avec « un cœur docile et priant pour qu’elle pénètre à fond dans les pensées et les sentiments » de toute personne et « engendre [en elle] un esprit nouveau[6] ». C’est là, la conversion à vivre. La pédagogie de Dieu à notre égard, quant à ce don, ressemble à un bourgeon qui ne peut qu’éclore en une fleur admirable.
Comme dit le Talmud « Israël est la prunelle des yeux de Dieu ». Enfants d’Abraham, nous le sommes nous aussi et devenons également, par la foi, « la prunelle des yeux de Dieu ». Chaque nouvelle année liturgique nous permet de le redécouvrir. La nouveauté qui advient n’est autre que l’amour, « nouvelle nouveauté » puisqu’elle vient d’en haut. L’amour, en effet, désigne notre origine. Ce que saint Jean dit admirablement dans ses lettres : « Quiconque aime est né de Dieu ». Il y a là quelque chose d’éternel que l’humanité se transmet d’âge en âge, de parents à enfants.
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[1]. Pape François, Evangelii Gaudium (Évangile de la joie) n° 160.
[2]. Id., n° 162.
[3]. Id., n° 162.
[4]. Evangelii Gaudium n° 164.
[5]. Id., n° 165.
[6]. Id., n° 175.
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P. Marxer – Vivre la conversion à la lumière d’Evangelii Gaudium