Commentaire de la Parole par un laïc lors des funérailles
Commenter la Parole lors des funérailles : De quelle légitimité se revendiquer ? Comment faire ?
Une légitimité donnée par le baptême et la lettre de mission
Quand l’Église, par l’intermédiaire du curé de la paroisse ou d’un responsable pastoral, interpelle un baptisé en vue de lui confier la conduite de la liturgie des funérailles, c’est l’inquiétude : vais-je savoir faire ? À cette question, une bonne formation apporte les éléments qui rassurent un peu. Mais il est une question plus angoissante : est-ce que je vais devoir faire l’homélie ?
En rigueur de terme, non ! Seuls les ministres ordonnés sont habilités à prononcer des homélies, enseignant ainsi les mystères de la foi. Et pourtant ! Les laïcs à qui est confiée cette mission de guider la prière ne peuvent pas se taire et laisser la Parole en suspens dans l’assemblée. Il leur revient à eux aussi de « commenter la parole », c’est-à-dire de l’interpréter, de l’actualiser, de la mettre à portée du cœur des personnes présentes dans l’assemblée.
Deux questions surgissent alors : ai-je le droit ? Comment faire ? La légitimité et le savoir-faire sont source d’une double angoisse à la perspective d’avoir à s’exprimer de la part de Dieu. La légitimité prend sa source à la fois dans le baptême et dans la mission reçue ; le savoir-faire, quant à lui, s’acquiert.
L’onction de saint chrême reçue au jour du baptême fait de tout baptisé un prêtre et un prophète : comme prêtre, tout baptisé est chargé d’offrir la vie du monde à Dieu et de s’offrir soi-même. Être prêtre, c’est servir Dieu et nos frères par le « ministère » de la prière. Comme prophète, tout baptisé est chargé d’annoncer l’espérance qui nous vient du Christ : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’évangile. » (1 Co 9, 16) Être prophète, c’est donc être consacré comme porte-parole de Dieu et tout baptisé.
La mission reçue, souvent manifestée par une lettre de mission, renforce la légitimité baptismale : celui qui est envoyé en mission est reconnu comme ministre authentique de l’Église, agissant en communion de foi, pour le service du Christ et de ses frères. Même si cette mission est limitée dans le temps et ne donne pas un statut définitif à celui qui la reçoit, elle offre une assise solide à celui qui est reconnu par l’Église pour cette responsabilité précise : c’est vraiment un ministère reconnu qui appelle à parler de la part de Dieu. Dans son commentaire du psaume 36, saint Ambroise invitait ainsi les chrétiens de Milan à témoigner de leur foi : « Parlons donc du Seigneur Jésus, parce que lui-même est la Sagesse, est la Parole et le Verbe de Dieu… Ouvre ta bouche à la Parole de Dieu. Il inspire celui qui fait écho à ses discours et médite ses paroles… « Ouvre ta bouche à la parole de Dieu », est-il écrit : ouvre la bouche, toi : c’est lui qui parle.
L’exercice du commentaire biblique
Encore faut-il savoir faire. Dans beaucoup de diocèses, il existe des formations à « l’art de célébrer » : elles permettent d’apprendre à parler en public, à se tenir face à l’assemblée quand on lui parle ou face à Dieu quand on le prie. Le corps, la voix, les gestes, tout est parole dans la liturgie ! Dans ces formations, on apprend à rédiger un commentaire et aussi à le dire publiquement.
Est-ce qu’il existe des critères pour vérifier ce qu’est un bon commentaire ? La grille ci-contre donne des critères objectifs pour relire un commentaire : le temps, le lien à la Parole proclamée, les liens faits avec la vie du défunt sans en faire un panégyrique, le message de foi qui va toucher le cœur des participants : tout cela fait partie du commentaire. Mais il n’y a pas de commentaire tout fait. C’est chaque fois, même avec l’expérience, l’épreuve de la page blanche où Dieu nous aide à écrire les mots qui conviennent ce jour-là !
Aux prêtres de son diocèse, saint Augustin, s’appuyant sur l’art oratoire de Cicéron, donnait trois critères pour une bonne homélie : elle doit « enseigner, plaire et émouvoir ». Enseigner, n’est-ce pas dire la foi et l’espérance chrétienne ? Plaire, c’est dire ce message avec les mots d’aujourd’hui, dans un style simple et à portée de l’auditoire. Émouvoir enfin, s’adresser aux personnes qui sont là, avec leur douleur, leurs questions ou leurs doutes qui sont les nôtres. Si tout cela fait peur – c’est compréhensible ! -, une chose devrait rassurer : Dieu n’abandonne jamais ses serviteurs. Le Christ est là, invisible mais bien présent quand deux ou trois sont réunis en son Nom.
Quand le prophète se tourne, apeuré vers Dieu et lui dit : « Oh ! Seigneur, mon Dieu ! Vois donc : je ne sais pas parler. Je ne suis qu’un enfant ! » (Is 1, 6), Dieu ne reste pas indifférent : « Le Seigneur étendit la main, il me toucha la bouche et me dit : “Ainsi, je mets dans ta bouche mes paroles !” »
Grille de formation à l’art du commentaire biblique
Un exemple de grille utilisée pour former les officiants-laïcs à l’art du commentaire dans le diocèse de Coutances :
1. Votre commentaire est-il bref ? Ce critère de taille est nécessaire car la famille est émue, fatiguée, voire épuisée nerveusement. Après la célébration, elle a encore une dure journée à vivre.
2. Sur quelle(s) parole(s) biblique(s) s’appuie votre commentaire ?
3. Votre commentaire évoque-t-il tel ou tel aspect de la vie du défunt ? Avec sobriété ? Quelle relation avec la parole de Dieu ?
4. Quelles paroles de réconfort contient votre commentaire ? Dans le guide La Pastorale des funérailles (Guide Célébrer n°11, Éd. du Cerf, 2003), il est précisé que « l’homélie a une grande importance : elle contribue fortement à faire de la liturgie de la Parole, une annonce de la foi, un affermissement de l’espérance et un soutien de ceux qui sont dans l’épreuve. » (p. 61)
5. Saint Augustin, dans un de ses livres explique qu’une bonne homélie devrait à la fois enseigner, plaire et émouvoir :
- Le message que vous livrez dans votre commentaire peut-il nourrir la foi de ceux qui vous
écoutent (famille, proches, assemblée) ? - Les mots, les images, les expressions, le style sont-ils suffisamment proches de la culture des personnes présentes pour être compris ? Conviennent-ils aux circonstances (le contraire de « plaire » ne serait-il pas « choquer ») ? Le témoignage que vous apportez peut-il être entendu ?
- Votre commentaire fait-il appel à une forme d’émotion qui peut toucher les personnes présentes… sans trop tirer sur la corde sensible ? Quelle « consolation » vos paroles vont-elles pouvoir apporter ?