La communion sous les deux espèces
Par Bernard Maitte, Prêtre, professeur au séminaire d’Aix et responsable du département de pastorale et spiritualité de l’ISTR de Marseille. Membre du SNPLS.
Et Jean-Philippe Revel, Prêtre et professeur de liturgie, théologie des sacrements et patristique
La volonté du Christ
Il convient tout d’abord de considérer que le Christ a expressément voulu instituer l’eucharistie sous le signe d’un repas où on mange et on boit, signe de la convivialité et la commensalité de l’homme avec Dieu et, en conséquence, des hommes entre eux. Les paroles du Christ à la Dernière Cène disent clairement que la coupe, comme le pain, est offerte à tous les disciples (et pas seulement aux ministres) : « Prenez et buvez-en tous » (Mt 26,27).
Cependant, dès l’antiquité chrétienne, on a pris conscience que, en certaines circonstances exceptionnelles, on pouvait recevoir la communion sous une seule espèce, soit celle du pain, par exemple pour les malades ou les mourants[1], soit celle du vin, par exemple pour les tout-petits enfants recevant l’eucharistie dès leur baptême[2]. En effet l’eucharistie nous fait communier au Christ ressuscité et « le Christ ressuscité ne meurt plus » (Rm 6,9). Son Corps ne peut donc être séparé de son Âme ni de son Sang, et recevoir le Corps du Christ, c’est recevoir le Christ tout entier. Dès lors, au plan de la présence réelle comme à celui de la communication de la grâce, il n’y a pas de différence entre la communion sous une seule espèce ou sous les deux espèces. la différence se situe au niveau de la signification sacramentelle.
Cette doctrine, développée par saint Thomas d’Aquin[3], sera canonisée par le concile de Trente[4]. Entre-temps, vers la fin du Moyen Âge, une attention exclusivement portée à l’efficacité des rites (communication de la grâce), avait abouti à une progressive désaffection de la communion sous les deux espèces[5]. Cela a engendré une réaction excessive de certains réformateurs protestants (ainsi que de certains groupes de chrétiens comme les Hussites de Bohème) exigeant la communion sous les deux espèces sous peine de ne pas recevoir en totalité la présence réelle du Christ. C’est contre ces excès que le concile de Trente a, de façon sans doute un peu maladroite, interdit la communion au calice aux simples fidèles et aux ministres non célébrants[6].
Après plusieurs siècles, le concile de Vatican II, estimant que les raisons de cette interdiction ne s’imposaient plus, a voulu renouer avec la pratique ancienne en ouvrant à nouveau la possibilité pour tous d’accéder à la communion au Sang du Christ[7].
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[1] En raison de la difficulté de conserver le vin consacré. // [2] En raison de l’impossibilité pour un bébé de manger du pain : d’où la coutume de passer entre ses lèvres le doigt du ministre trempé dans le vin consacré, ce que font encore aujourd’hui les orientaux. // [3] Somme théologique, IIIa pars, q. 76, art. 1 et 2. // [4] Session XXI, chap. 1 et 3, canons 1, 2 et 3 : Denzinger-Hünermann (DH) 1726 – 1727, 1729, 1731 – 1723. // [5] A cette attitude s’est ajoutée, il faut bien le reconnaître, une certaine paresse : la communion sous les deux espèces est rituellement plus compliquée ; mais il s’y joint aussi le respect mal compris ; on risque plus facilement de renverser le vin consacré. // [6] Voir les références ci-dessus ainsi que, à la session XXII, le « Décret au sujet des demandes que soit concédé le calice » : DH 1760, remettant au Souverain Pontife l’examen de ces demandes. // [7] Constitution sur la sainte Liturgie, Sacrosanctum Concilium n° 55
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