Mise en oeuvre du Notre Père dans la liturgie eucharistique
Par Serge Kerrien, Diacre du diocèse de St-Brieuc-Tréguier et conseiller pastoral au SNPLS
Dans la liturgie eucharistique, le Notre Père ouvre les rites de communion. Comme il est situé entre la doxologie chantée de la prière eucharistique et le chant de l’Agneau de Dieu, il est bon de s’interroger sur la pertinence ou non de le chanter et, si on le chante, sur le choix des formes musicales qui conviennent.
Récité ou chanté ?
Les deux sont possibles et chaque manière présente des avantages. Réciter le Notre Père peut permettre à toute l’assemblée de s’unir plus fortement dans la même prière. Il ne faut jamais oublier que certains ne peuvent pas chanter, que d’autres ne connaissent pas forcément la mélodie utilisée. Et puis cette prière, récitée calmement et à mi-voix par une assemblée, atteint une intensité saisissante. Les mots et l’attitude engendrent alors une beauté de la prière.
Chanter tous ensemble le Notre Père peut offrir autant d’intensité et provoquer autant de beauté. Les mélodies ne manquent pas et certaines, très populaires et bien ancrées dans les mémoires, permettent d’intérioriser la prière. On remarquera que les mélodies qui portent au mieux la prière sont des récitatifs qui utilisent peu de notes. Cette discrétion musicale parvient généralement à créer un climat de contemplation.
Toutes les mélodies ne conviennent pas au chant du Notre Père. Il ne suffit pas qu’une mélodie plaise, qu’elle fonctionne avec tel ou tel type d’assemblée, pour qu’elle réalise bien ce que la liturgie lui demande : donner à la prière du Seigneur son caractère priant et filialement implorant. Choisir une mélodie pour le Notre Père requiert un vrai discernement pour que la musique retenue réponde à l’attitude spirituelle de la prière adressée au Père : celle d’un enfant qui émet des souhaits pour son Père et demande en suppliant. Des mélodies légères et sautillantes, comme on a pu en connaître, ne sauraient convenir au caractère confiant et intérieur de cette prière.
Un juste équilibre
Un autre critère de choix est celui de sa place, dans la liturgie, entre deux actes de chant que sont la doxologie et l’Agneau de Dieu. Il ne s’agit pas d’enfiler une succession de chants. Leur accumulation, en un temps restreint, risque de lasser et de banaliser l’acte de chant. Trop de chant tue le chant ! Si on a chanté une doxologie un peu déployée, réciter le Notre Père lui donnera plus de force. Le contraste entre l’acclamation de la doxologie et la récitation du Notre Père le valorisera. Si on choisit de chanter le Notre Père, une doxologie simple et un Agneau de Dieu sobre ne donneront que plus d’ampleur à la prière chantée. Dans ce domaine, rien ne serait pire que la systématisation. Il convient de choisir au cas par cas en fonction des autres chants prévus.
Quelques autres points d’attention
Trop souvent, les premiers mots de la prière ne sont pas dits par toute l’assemblée, mais par le seul prêtre qui préside. Un peu d’attention et la mise en place d’une habitude pourraient aisément y remédier. Ainsi, une façon de dire l’invitatoire et surtout d’en prononcer les derniers mots – « Nous osons dire… » suivis d’une courte pause – invite davantage l’assemblée à commencer la prière à son tout début.
Se donner aussi le temps de prendre la bonne attitude, dans la courte pause qui précède le début du Notre Père. On peut lever les mains. Cette attitude n’a rien d’obligatoire ; c’est une belle tradition de l’Église ancienne où l’on priait Dieu les mains levées. On peut encore les ouvrir. L’unanimité des cœurs n’est pas alors signifiée seulement par les voix mais aussi par une attitude commune de l’assemblée, corps du Christ priant son Père qui est aux cieux. Ouvrir les mains en priant le Père prend une double signification : adresser à Dieu la prière mais aussi recevoir de Lui, par l’Esprit Saint, les mots pour le prier.
On peut comprendre le désir, lors de certaines célébrations auxquelles des enfants ou des jeunes participent, de faire des chaînes d’amitié en se donnant la main les uns aux autres. Il n’est pas certain que ce geste soit celui qui convienne le mieux à la récitation ou au chant du Notre Père. On le verrait mieux durant la prière qui demande la paix, anticipant le geste de paix qui suit.
Et l’embolisme ?
L’embolisme est le développement de la dernière phrase du Notre Père. C’est une prière qui en amplifie une autre. Ainsi, à la fin du Notre Père, le prêtre dit : « Délivre-nous de tout mal, Seigneur … Et l’avènement du Christ, notre Sauveur ». Et l’assemblée poursuit : « Car, c’est à toi qu’appartiennent… ». Cette partie est chantée ou dite par l’assemblée. Une alternative, proposée par le missel, existe : « À toi le règne, à toi la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles ». Son caractère acclamatoire demande qu’elle soit chantée.
Prière reçue du Seigneur, prière du Corps du Christ rassemblée, le Notre Père mérite notre attention et notre soin dans sa mise en œuvre liturgique.
Extrait du dossier Notre Père