Esprit Saint
Du latin spiritus : « souffle ». Vent, souffle, soupir, l’Esprit de Dieu désigne, dans l’Ancien Testament, la force divine qui est source de vie (Gn 1, 2). Principe d’animation, l’Esprit « insuffle » dans les narines de l’homme un spiraculum vitae, c’est-à-dire un « petit souffle de vie » tout dépendant du souffle divin. Tous les êtres vivants sont animés de la sorte par l’Esprit de Dieu (cf. Ps 103, 29-30), mais les hommes que Yahvé charge de missions particulières sont plus profondément soumis à son emprise : juges, rois, prêtres et prophètes (Gn 41, 38 ; Nb 24, 30 ; Jg 3, 10 ; 1 S 10, 10-12 ; 16, 13-14). L’Esprit de Yahvé investira surtout le Messie (Is 11, 2) en vue de la « réanimation » de tout le Peuple de l’Alliance ; en raison de son infidélité, ce dernier n’est plus capable d’offrir à Dieu un culte « spirituel » (cf. Ez 37 ; Ps 49 et 50).
Conçu dans le sein de Marie par l’opération du Saint-Esprit, Jésus est ce Messie qui est rempli de l’Esprit aux sept dons, celui sur qui l’Esprit descend et demeure (Jn 1, 33), celui qui le donne sans mesure (Jn 3, 34), qui le libère à l’Heure de sa glorification sur la Croix (7, 39 ; 19, 30). Expiré au moment de la mort du Christ, insufflé sur les apôtres au soir de la Résurrection, répandu comme un vent violent et sous la forme de langues de feu au jour de la Pentecôte, l’Esprit fait naître l’Église, après avoir fait concevoir Jésus et l’avoir inspiré en toute sa mission (Lc 4, 1.18 ; 10, 21). Poursuivant son œuvre dans le monde et achevant toute sanctification (Canon 4), l’Esprit s’adjoint l’eau et le sang (baptême et Eucharistie), pour rendre témoignage au Christ et donner aux fidèles d’entrer dans sa vie de Fils criant « Abba, Père ! » (Jn 19, 34 ; 1 Jn 5, 6-8 ; Ga 4, 6 ; Rm 8, 15).
Depuis l’Ascension du Seigneur, l’Esprit Saint ne cesse d’être envoyé à l’Église par le Père et par le Fils, de qui il procède (les Orientaux n’admettent pas de dire que l’Esprit Saint procède aussi du Fils ; ils rejettent l’insertion occidentale du Filioque dans le Credo de Nicée-Constantinople : elle date du Xe s.). C’est en lui que sont plongés les fidèles au baptême (Jn 3, 4-8) ; c’est lui qui les marque de son sceau à la confirmation. Paraclet, il est, suivant le sens de ce mot, « appelé auprès » des croyants (Jn 14, 16.26 ; 16, 7) ; « appelé sur » les offrandes par la prière de l’épiclèse, il accomplit, par le ministère des prêtres qu’il a consacrés (voir Ordre), le mémorial eucharistique de la Rédemption (Jn 14, 26). Dans tous les sacrements, c’est lui qui agit, c’est lui qui est donné : il en est à la fois l’agent premier et l’ultime effet (res tantum ; voir Sacrement).
Lien vivant du Père et du Fils, l’Esprit est au cœur de la vie trinitaire : il est ce « Fleuve de Vie qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau » (Ap 22, 1) ; venu de ce paradis véritable qu’est la Vie des Trois, il irrigue l’Arbre de vie (la Croix) et devient le principe d’une fécondité proprement divine dont les canaux principaux sont les actes liturgiques (cf. Gn 2, 10 ; Ap 22, 2). Le Père et le Fils nous atteignent par le fruit de leur Amour, le Souffle ou le Soupir de leur mutuelle dilection : il est le Don par excellence, celui qui achève et consomme l’Œuvre de Dieu. En recevant l’Esprit des fils, nous nous laissons engendrer, comme le Fils, par le Père et devenons capables de dire « Père ! » avec le Fils.
La divine liturgie, comme toute la vie chrétienne qu’elle condense, nous fait recevoir et « rendre » l’Esprit ; elle constitue les arrhes de la liturgie éternelle, qui est l’échange d’amour du Père et du Fils dans l’Esprit. L’Esprit est donc en quelque sorte l’ultime « Médiateur » de la liturgie dans la Gloire (voir Sacerdoce).
Dom Robert Le Gall – Dictionnaire de Liturgie © Editions CLD, tous droits réservés