Patrimoine religieux des églises : les dépôts sont-ils une alternative sérieuse ?
Par le père Michel Moncault († 2002), prêtre du diocèse de Fréjus-Toulon. Il a été délégué régional d’art sacré pour la région Provence-Méditerranée et membre du Comité national d’art sacré et du comité de rédaction de la revue Chroniques d’art sacré.
Que d’objets mobiliers et de vêtements liturgiques de valeur sont encore livrés aux risques du vol, du vandalisme ou du travail implacable de l’humidité ! Si l’on ajoute les problèmes liés à la sécurité des églises, comment ne pas songer à la constitution de dépôts diocésains ou départementaux pour répondre à toutes ces menaces ? Les dernières journées d’études de l’association des conservateurs d’antiquités et d’objets d’art à Bourg-en-Bresse, en septembre 1999, ont abordé ce thème. Que peut en dire l’Église catholique aujourd’hui ?
Les convictions
Le patrimoine religieux des églises est un tout. Le disperser pour des raisons légitimes de sécurité, c’est le disloquer et finalement l’appauvrir : voilà une raison suffisante pour que l’Église préfère sans ambiguïté toutes les initiatives visant à le protéger, et à le valoriser in situ.
La présentation de ce patrimoine, sa lecture même, nous rappellent qu’il n’est pas dissociable de sa vocation liturgique et spirituelle : il a été conçu et réalisé pour dire quelque chose de la gloire de Dieu et de l’intercession de l’Église ; sans oublier non plus l’histoire de ce patrimoine, la générosité des fidèles, les événements auxquels il a été mêlé. On ne peut donc l’éloigner sans porter atteinte à sa raison d’être. On ne peut consentir à ce dépeçage en se réfugiant dans des arguments trop rapides, même s’ils sont défendables. Celui du risque de vol n’est pas irréfutable puisqu’il a été démontré qu’aucune précaution ne le rend impossible : on a volé dans des dépôts, ce qui a causé une émotion forte des communes et des paroissiens qui en ont été les victimes.
Les solutions
1. Le dépôt
Le dépôt peut être envisagé comme une mesure conservatoire tout à fait ponctuelle, donc provisoire, quand les chances de survie de ce patrimoine sont gravement compromises. Il convient alors d’agir en étroite concertation avec le propriétaire (commune ou association diocésaine) de sorte que le caractère transitoire de ce choix soit assuré, et que d’autres solutions soient rapidement élaborées et mises en œuvre. Ces dépôts ne sont pas systématiquement accessibles au public. Ils peuvent éventuellement être placés sous la responsabilité d’un conservateur du patrimoine mais ne sont pas forcément contrôlés par la direction des musées de France.
2. La constitution de vitrines
La constitution de vitrines (voire d’un trésor quand ce patrimoine est l’objet d’une protection administrative) est toujours envisageable dès lors que l’on veut bien assurer les conditions de sécurité de l’église concernée. Même si l’accès des fidèles et des visiteurs n’est pas possible en permanence, on peut imaginer une ouverture régulière. Les exemples ne manquent pas. C’est le résultat d’une volonté locale à laquelle la population (chrétiens pratiquants ou non) doit être associée. Il existe des lignes budgétaires à cet effet et les services de l’État peuvent contribuer à une présentation valable des objets ou vêtements. Si l’on veut bien lier la question de la présentation de ce patrimoine à celle du gardiennage des lieux, on peut susciter et développer des groupes de bénévoles acceptant de se relayer pour des créneaux horaires même restreints. Beaucoup de restaurations n’auraient pas été projetées si cette question de la présentation n’avait pas été travaillée. Quant à l’objection de faire de l’église un musée, il ne faut jamais oublier que, même vide, l’église reste maison de Dieu et de la communauté.
Les moyens
La plupart de ces solutions passe par un rapprochement avec le propriétaire de ce patrimoine. Il faut s’appuyer sur les enjeux évoqués ci-dessus et refuser d’amputer la mémoire locale de ce qui lui appartient en propre.
Beaucoup de Conservateurs des antiquités et objets d’art (CAOA) sont disponibles pour participer à cette recherche de sauvegarde appropriée. La décentralisation du corps des conservateurs chargés d’inspection dans chaque région ne peut qu’aider au repérage des projets possibles.
L’Église a donc à faire prévaloir la dimension cultuelle de ce patrimoine pour convaincre son propriétaire de sa portée historique et de ses prolongements culturels. Les débats récents ont fait apparaître une convergence des points de vue: tout indique qu’il faut travailler activement à ce que nos églises intègrent complètement ces objets qui constituent une grande partie de leur intérêt.
Article extrait de la revue Chroniques d’art sacré n°61, parue au printemps 2000.