Prier le Notre Père : pour que son règne advienne

3 octobre 2009 : Notre Père par un choriste lors de la messe de la Création, Eg. Saint Gervais, Paris (75), France. October 3, 2009 : Vespers and Mass, Ch. Saint Gervais, Paris, France.

Notre Père par un choriste lors de la messe de la Création, Eg. Saint Gervais, Paris (75), France.

Par le père Philippe Loiseau, Prêtre du diocèse d’Angers, enseignant la Bible à la faculté de théologie de l’université catholique de l’ouest à Angers, et responsable du sanctuaire de Notre-Dame de Béhuard.

Le temps de l’Avent est particulièrement approprié pour redécouvrir la prière du Notre Père. De même que l’Avent oriente l’Église vers l’avènement définitif du Règne de Dieu en tension avec le temps présent, de même les sept demandes du Notre Père sont reliées entre elles par un double dynamisme en opposition : celui de l’ouverture vers le Règne de Dieu dans les trois premières demandes, et celui des obstacles à sa venue dans les trois dernières. Au centre, la quatrième demande pour le « pain » est à comprendre dans un sens large.

 

Les trois premières demandes à propos de Dieu le Père : « Tu »

Les trois premières demandes nous tournent vers le Père en s’adressant à lui à la deuxième personne du singulier : « Tu ».

En lui demandant « que ton nom soit sanctifié », nous reconnaissons qu’il est la source de toute vie et nous exprimons notre intention de lui donner notre vie.

En lui demandant « que ton règne vienne », nous exprimons le but ultime de la vie chrétienne, qui est également la signification principale du temps de l’Avent : « Viens Seigneur Jésus (Marana tha) ! » (Ap 21, 20).

En continuant par « que ta volonté soit faite, sur la terre comme au ciel », nous reprenons à notre compte l’offrande de Jésus à son Père jusqu’au choix décisif de Gethsémani qui l’a conduit à la croix : « Non pas comme je veux mais comme tu veux » (Mt 26, 39).

Ainsi, par la proclamation du Notre Père, nous prenons conscience que le Règne de Dieu ne peut advenir que par l’ajustement de notre volonté à celle du Père, à la suite de Jésus. Plus qu’une simple succession de formules, le début du Notre Père nous entraîne dans le dynamisme de la foi, depuis la reconnaissance de l’unique sainteté du « Père » jusqu’au don de notre propre vie au Seigneur au service de la venue de son Règne « sur la terre, comme au ciel ».

Les trois dernières demandes à propos des hommes : « Nous »

Les trois dernières demandes du Notre Père découlent de notre engagement à faire la volonté de Dieu. Car bien souvent, nous cherchons plutôt à réaliser notre volonté propre, et à la suite de saint Paul nous découvrons que nous sommes divisés intérieurement (Rm 7, 14-23).

C’est pourquoi les dernières demandes sont à la première personne du pluriel : nous prions afin que « nous » ne fassions plus obstacle à la venue du règne de Dieu.

En demandant au Père de « nous pardonner nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés », nous reconnaissons d’abord nos péchés, et cela nous conduit à vivre le pardon mutuel à la suite du Christ.

La demande suivante, « Ne nous laisse pas entrer en tentation », nous montre le danger de s’engager dans la voie du mal : la « Tentation » est comme un lieu redoutable dont il est difficile de sortir (cf. Ex 17, 7, lorsque les fils d’Israël « mirent le Seigneur à l’épreuve »).

C’est pourquoi Jésus demande à ses disciples à Gethsémani : « Priez pour ne pas entrer en Tentation » (Mt 26, 41). C’est ainsi que la dernière demande laisse retentir le cri : « mais délivre-nous du mal », littéralement « du « malin » (c’est-à-dire l’esprit du mal, le démon ou Satan). En définitive, il s’agit de rejeter l’emprise du Malin et de choisir le Seigneur et son Royaume.

Au centre, la demande du « pain de ce jour » ne doit donc pas être entendue seulement comme désignant le pain matériel, puisque la dynamique générale du Notre Père nous conduit à faire sa volonté pour qu’advienne son Règne1. Par conséquent, à la suite d’Origène2 et de saint Jérôme3, il faut élargir notre compréhension de la quatrième demande comme désignant aussi « le pain du ciel », ou « le pain du monde à venir », c’est-à-dire la Parole de Dieu et l’Eucharistie.

 

[1] Cf. Jésus qui déclare en Jn 4, 34 : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé… ».

[2] Origène, La Prière, coll. « Les pères dans la foi », n° 2, Migne, Paris, 2002, p. 92-103.

[3] Saint Jérôme, Commentaire sur saint Matthieu, Coll. « Sources chrétiennes » n° 142, Paris, Cerf, 1977, sur Mt 6, 11, p. 130-133.

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