L’écoute des familles en deuil
Voici quelques aspects de la rencontre avec les familles à partir de l’expérience de l’auteur. Les attitudes d’accueil constituent le premier témoignage de la présence des chrétiens à ceux qui connaissent un deuil.
Lorsque les familles endeuillées se rendent à la maison paroissiale pour rencontrer l’équipe funérailles ou lorsqu’elles attendent celle-ci chez elles, elles sont encore sous le choc de l’annonce du décès. Elles arrivent souvent fatiguées par des nuits de veille, des visites à l’hôpital qui se sont ajoutées au travail habituel, éprouvées par l’alternance entre inquiétude et espoir d’un éventuel rétablissement, fatiguées aussi par les différentes démarches auxquelles elles ont dû faire face ces dernières heures.
La rencontre avec l’équipe funérailles n’est pas d’emblée facile pour un grand nombre de ces familles. Les raisons sont multiples : éloignement, blessures, différends, incroyance, etc. De plus, peu d’entre elles ont été accompagnées par l’équipe d’aumônerie de l’hôpital ou par le service évangélique des malades, le temps qu’a duré la maladie de leur proche. Se rapprocher de l’Église est parfois une démarche qui leur pèse.
Les attitudes comptent autant que les paroles
C’est pourquoi, les premiers instants de la rencontre vont être assez déterminants. D’eux, va dépendre, pour une bonne part, la possibilité d’un compagnonnage humain et spirituel. Avant toute demande administrative, il est nécessaire que les personnes endeuillées trouvent une équipe qui s’intéresse à elles, au chagrin ou à la révolte qu’elles éprouvent, à ce qu’elles ont vécu avec la personne qui les a quittées ; une équipe qui respecte leurs silences ou leur façon de relire leur vie, qui accueille avec bienveillance leurs propositions et les aide à entrer dans la liturgie de l’Église. Elles pourront peut-être se sentir réconfortées, apaisées et pressentir quelque chose de la présence du Christ plein de compassion envers elles. Dans certains cas, il sera même possible, lors du choix d’un chant, d’un passage de l’Écriture, d’une prière qui accompagne un geste, ou lors d’une question, d’aller un peu plus loin et d’expliciter, avec les mots du quotidien, ce que croient les chrétiens. Comment perçoivent-ils l’amour de Dieu à l’œuvre dans cette vie qui vient de s’achever ? Cette façon d’être des équipes funérailles témoignera que Dieu veut « guérir les cœurs brisés et sauver les esprits abattus » (Ps 33,14).
Le lieu « église » est peu familier
La relation qui s’est instaurée au cours de l’entretien se poursuivra au moment de la célébration. Si l’équipe arrive à l’église en avance, elle permettra à la famille de se sentir attendue et accueillie. Trouvant des visages connus, les personnes se sentiront plus à l’aise dans un édifice qu’elles n’ont pas souvent l’habitude de fréquenter. La mise au point, sur place, de ce qui sera à faire par l’un ou l’autre membre, sécurisera tout le monde et favorisera une entrée en prière sans inquiétude.
Grâce au résumé assez précis que l’équipe lui aura fait de sa rencontre avec la famille, la personne chargée de présider (ou de conduire) la célébration pourra annoncer, de façon personnalisée, le salut déjà à l’œuvre dans nos vies depuis notre baptême, et signifier, qu’uni au Christ Ressuscité, le baptisé accomplit aujourd’hui sa Pâque définitive. La justesse des paroles prononcées, leur enracinement dans une vie concrète offriront à chacun la possibilité de découvrir la valeur unique que le Seigneur donne à toute personne
Les marques d’attention après les obsèques
Ce compagnonnage se poursuivra au-delà du moment des obsèques, par exemple lors de la messe dominicale qui suit les funérailles. Il s’agira alors d’être attentif aux familles présentes au milieu des habitués de la communauté. Ce rôle n’est pas seulement celui des équipes funérailles. À chaque chrétien revient de les accueillir, de s’intéresser à elles avec délicatesse. Leur remettre la feuille de chants, faire allusion à leur présence, citer le nom de la personne défunte, remettre un lumignon : autant de marques d’attention qui peuvent montrer aux familles que ce qui a été dit lors des obsèques n’est pas un vain mot.
La célébration du 2 novembre renouvellera encore le soutien par une communauté.
Accompagner des familles endeuillées est un travail de longue haleine. Cette mission est appelée à se poursuivre en dehors de l’église, non seulement par les laïcs délégués pour cela mais aussi par tout autre chrétien. Disponibilité et d’écoute sont requises car plus le temps passe, plus les proches et les amis sont repris par leurs activités et n’ont plus la possibilité de consacrer du temps aux endeuillés qui ressentent douloureusement la solitude. Parfois, ceux-ci sont incompris par leur entourage qui ne réalise pas toujours qu’il faut du temps pour se reconstruire après un deuil. Rencontrer une oreille attentive avec qui partager ce que l’on ressent, ou être orienté vers une association spécialisée quand c’est nécessaire, est sans doute un précieux cadeau. Parfois, un petit mot envoyé à l’approche d’une date ou d’une fête importante dont on a parlé au moment du deuil apportera aussi du réconfort. Ces gestes témoignent d’une Église qui, à la suite de son Seigneur, n’oublie pas ceux dont elle a la charge et manifestent la gratuité du service des frères dans la foi.
Passer le relai et rendre grâce
Pour une équipe funérailles, arrive aussi un moment où il faut laisser les personnes poursuivre avec d’autres leur chemin. Mais la mission à leur égard ne s’arrête pas pour autant. Il revient à chaque membre de porter dans la prière les personnes rencontrées, de rendre grâce pour tout ce qu’elles ont apporté par le témoignage de leur vie, pour la Bonne Nouvelle qu’elles ont annoncée, et pour les remises en question qu’elles ont permises. Quand quelqu’un nous quitte pour rejoindre la maison du Père, nous pouvons tous, familles endeuillées ou équipes funérailles, rencontrer le Christ dans nos frères.
Par Anne-Dominique Wattelle, Animatrice en pastorale du diocèse de Lille, responsable des funérailles