Du silence dans la prière
Par Marie-Andrée Servel
La prière naît du silence
Le cri qui ouvre la prière matinale ne peut jaillir que d’un silence : silence de la nuit, silence de la création, silence de la créature. Et déjà ce silence est prière ; sans lui, la Parole ne pourrait pas se dire. Après le mystère de la nuit, le mystère de l’espérance de l’aube entre dans nos vies et féconde un silence de foi. Tantôt c’est l’Esprit qui fait « surgir dans le silence la Parole qui nous recrée1 », Esprit qui « fait tressaillir le silence au fond de toute créature2 ». Tantôt c’est l’Emmanuel « Jésus, Verbe et réponse, qui vient ébranler nos silences [pour] libérer notre voix3 ».
Le silence, frémissement, vibration, confère poids et densité aux mots qu’il habille de chair. Alors, l’effleurement de l’Esprit sur les lèvres du priant le fait sortir du silence et sa bouche peut publier les louanges du Seigneur.
La prière se nourrit du silence
La psalmodie donne au psaume une réelle dynamique interne. D’une certaine manière, on peut dire que la psalmodie fonde la parole dans le silence au rythme de la respiration pour laisser sourdre la prière. C’est pourquoi, après le psaume et la reprise de l’antienne, il est fécond de respecter un silence qui peut éventuellement s’ouvrir sur une oraison psalmique. Ainsi, l’attitude spirituelle modelée par le psaume ne se trouve-t-elle pas rompue. Il en va de même après la lecture de la parole de Dieu où un temps de silence favorise l’intériorisation, car il convient de laisser en nous « mûrir le grain en ton silence[4] » pour lui donner une réponse d’acquiescement. Après les intercessions, le silence extérieur permet de laisser monter en soi des intentions plus personnelles.
La prière conduit au silence
Naturellement, la prière née du silence retourne au silence. Grégoire de Naziance traduit bien cette attitude née de l’incapacité de nos mots à dire l’indicible : « Quelle hymne te dira, quel langage ? Aucun mot ne t’exprime[5] ». Ainsi l’Église des priants balbutie-t-elle devant l’ineffable splendeur de Dieu : « Ô toi, l’au-delà de tout. »
Le silence peut aussi être le signe de la souffrance indicible telle que Jésus lui-même l’a éprouvée : tes effrois m’ont réduit au silence (Ps 87, 17), « L’angoisse me force au silence […] puisque la croix me fait violence[6] », dont le comble tient dans cette oxymore « La Parole en silence… ». Le Verbe de Dieu se tait et « se consume pour nous », il entre dans le silence pour que jaillisse la Parole vivante et éternelle.
Ainsi, convient-il de nous aventurer dans le désert de la prière, où Dieu nous conduit, nous nourrit, nous abreuve et nous sauve, pour que « nous goûtions le silence de Dieu[7] » et reconnaissions que son Esprit est venu nous habiter quand « le silence en nous dit son passage[8] ».
Article extrait de la revue Célébrer n°301
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[1]. Hymne de la Pentecôte, Esprit qui planes sur les eaux.
[3]. Hymne de la Pentecôte, Amour qui planais sur les eaux.
[3]. Hymne de l’Avent, Es-tu celui qui doit venir.
[4]. Hymne du dimanche matin, Soleil des âges.
[5]. Hymne, Ô toi, l’au-delà de tout.
[6]. Hymne du temps pascal, Lumière enfouie sous le boisseau.
[7]. Hymne du Carême, Avec toi nous irons au désert.
[8]. Hymne pour l’Ascension, Christ est parti sans nous quitter.
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