Fleurir : la liturgie est première
Par Annick Le Corre, animatrice de l’équipe « Fleurir en liturgie » du diocèse de Nantes
De l’Art floral au service de la Liturgie à « Fleurir en Liturgie », notre démarche a évolué. La liturgie est première et la technique florale est à son service.
Il nous est indispensable de savoir :
- Ce qu’est la liturgie, d’où l’importance de bien connaître la liturgie : le Mystère Pascal, la célébration, les sacrements, les temps liturgiques …
- Que le bouquet n’est qu’un moyen. Il n’est pas là pour se faire admirer, il est là pour être louange, prière, moyen pour conduire du visible ce qu’il est, à l’Invisible Le Seigneur Créateur. Le bouquet est peut-être nécessaire, mais pas indispensable, la Liturgie est première.
Dans notre action de fleurir, nous devons avant tout rechercher la simplicité, avoir l’esprit des béatitudes, c’est une démarche très différente de celle des fleuristes professionnels.
Fleurir en liturgie c’est :
Garder en mémoire que c’est le Seigneur le premier qui nous offre cette création, et à notre tour nous offrons en louange la création au Seigneur et à l’assemblée, on entre dans le mouvement eucharistique.
Dans une interview à Panorama, Jean-Marie Pelt reprend une idée des Pères grecs selon laquelle “ la nature est le lieu où Dieu est révélé, avec une grande insistance sur la beauté de la nature, voie par laquelle on peut atteindre Dieu. C’est dans la beauté de la nature que Dieu se révèle”
Cette nature qui est notre support de vie, sans qui l’homme n’est rien, nous ne devons en rien la dénaturer et donc nous devons :
A – D’abord savoir la regarder. La nature c’est du vert en majorité avec quelques taches de couleur. C’est l’arbre, la souche, le caillou, le sable, l’eau, le bois mort, le chemin, les feuilles, les fleurs.
B – Savoir la respecter. La nature qui nous est offerte, le sens de pousse, le rythme des saisons, la flore de notre pays, de notre région. C’est notre vie quotidienne que nous offrons.
Faire un bouquet c’est dialoguer avec la nature, c’est prendre du temps, c’est être disponible du cœur et de l’esprit.
Pour fleurir en liturgie, il est nécessaire d’abandonner toutes les techniques sophistiquées (1) qui ne respectent pas la nature.
Il ne faut pas suivre la mode. Chaque élément doit être en position naturelle. Nous sommes au service de la nature, ce qui est plus exigeant que de se servir d’une forme apprise. Il est plus difficile de faire simple que de faire compliqué.
N’oublions pas que nous sommes au Créateur et que nous devons magnifier la Création. C’est essentiel.
Simplicité ne veut pas dire austérité. Cela doit être simple et beau.
Ce qu’il est indispensable de connaître, surtout si nous ne voulons pas réaliser du compliqué : ce sont les règles générales de composition d’un bouquet :
Harmonie, critères de choix, sens des volumes, le bouquet est une sculpture qui s’inscrit dans l’espace.
L’apprentissage est indispensable mais doit être suffisamment assimilé pour être dépassé. On ne devrait jamais trouver dans “Fleurir en Liturgie” de copie d’un bouquet.
Comprendre l’importance du vide qui permet la transparence, le passage, le chemin.
Le bouquet est chemin pour aller au-delà, pour conduire par la prière du visible à l’Invisible, ce que j’ai déjà dit.
Le vide permet au mouvement de se dessiner, offre un espace de désir, d’attente qui peut s’exprimer. Le Père Kim, peintre dit : « La partie blanche de mes toiles ce n’est pas l’absence, c’est la lumière ».
Importance de l’enracinement, tout ce qui est en l’air est artificiel, on doit au moins voir le contenant. L’enracinement c’est l’incarnation, c’est l’ancrage.
Nous sommes enracinés en Christ.
Nous devons exprimer notre humanité, notre incarnation, de la terre au ciel.
Quelle que soit sa forme, tout bouquet doit avoir la même structure de base c’est-à-dire un cœur (point focal) d’où part le mouvement, en dégageant des vides.
Importance du regard sur l’espace nature bien sûr, mais aussi sur l’espace de célébration, sur l’espace église, sur la célébration, l’assemblée. Réaliser un fleurissement juste en tenant compte de tous ces regards.
Penser à se relier aux autres arts : peinture, sculpture, musique, poésie … Ce qui s’applique à l’un peut s’appliquer à l’autre art.
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1. Sophistication est un mot d’origine grecque qui veut dire dénaturer, altérer frauduleusement, frelater.