Eau

Élément familier et nécessaire de l’existence humaine, l’eau a tou­jours été riche de significations symboliques. Matrice universelle, d’après les plus anciennes cosmogonies, elle ne peut servir la vie, si elle n’est pas fécondée par le Souffle de Dieu (Gn 1,2); laissée à elle-même, elle emporte tout dans la mort et dans le chaos primitif (le déluge et la mer).

Symbole double, l’eau peut évoquer la mort et la vie, la purification et la sanctification. Les diverses ablutions et aspersions des rites religieux ont d’abord une portée négative, c’est-à-dire qu’elles libèrent des fautes ou des souillures qui rendent impropre à la célébration de la liturgie (cf. Ez 36, 25) : l’eau rituelle noie les impuretés. Principe de vie, l’eau est aussi le symbole de la naissance ou de la renais­sance : elle est vivificatrice (Ez 47, 1-12 ; cf. Ap 22, 1-2).

Les rites liturgiques ne sont efficaces que s’ils engagent l’action de Dieu lui-même. Le baptême d’eau n’a qu’un rôle préparatoire par rapport au baptême d’eau et d’Esprit (cf. Jn 3, 5 ; 1, 33). Quand elle est fécondée par l’Esprit (cf. Gn 1,2), l’eau ne se distingue pas de lui : elle devient son symbole privilégié. Elle reçoit cette consé­cration lors du baptême de Jésus dans le Jourdain, devenant cette « eau vive » qui est le « Don de Dieu », c’est-à-dire l’Esprit (Jn 4, 10), seul capable de « jaillir en vie éternelle », lui qui est au cœur de la vie trinitaire (Jn 4, 14). Les « fleuves d’eau vive » ne seront libérés qu’au moment de la « glorification » du Christ sur la Croix (7, 37-39), à cette Heure où Jésus, ayant remis l’Esprit (19, 30), laisse sourdre de son Cœur transpercé le sang et l’eau, symboles vivificateurs des sacrements qui agissent par la force de l’Esprit (19, 34 ; cf. 1 Jn 5, 6-8).

Plongés par le sacrement du baptême dans la mort et dans la vie du Christ, les fils de Dieu reçoivent les arrhes de l’Esprit, qui les abreuve et les désaltère (1 Co 12, 13), en attendant qu’ils soient immergés dans le Fleuve de vie qu’il est (Ap 22, 1). Pour un condensé du symbolisme de l’eau, on pourra méditer, dans le missel, les formules de bénédiction de l’eau baptismale et de l’eau bénite (au milieu de la Vigile pascale). On notera que l’eau n’est pas en soi un sacrement : le baptême consiste dans « le bain d’eau qu’une parole accompagne » (Ep 5, 26).

L’eau bénite est un sacramental : dans le baptême, elle sert à l’aspersion sacramentelle ; lors de l’aspersion qui suit la rénovation des promesses baptismales à la Vigile pascale, ou lors de l’aspersion dominicale, elle est un rappel du baptême. De même, quand les fidèles usent de l’eau bénite, ils ravivent en eux les effets de leur baptême, à proportion de leur foi. Le geste d’asperger d’eau bénite la dépouille mortelle d’un fidèle est encore un rappel de son baptême. Le prêtre utilise l’eau bénite dans le rite de plusieurs bénédictions : elle purifie et vivifie l’objet à bénir.

Le peu d’eau que le prêtre ajoute au vin, quand il prépare le calice pour la messe, correspond à l’habitude juive de couper le vin, dans ces repas de fête qui ont été le cadre de l’institution eucharistique. Plusieurs significations symboliques de ce geste ont été données : il rappelle l’union des deux natures — divine et humaine — dans la personne du Verbe incarné ; il évoque l’eau et le sang sortis du côté du Christ après sa mort sur la Croix ; enfin, il exprime l’asso­ciation des fidèles au sacrifice et à la vie du Christ rédempteur.

Dom Robert Le Gall – Dictionnaire de Liturgie © Editions CLD, tous droits réservés

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