Le rite pénitentiel et l’aspersion durant le Temps pascal

23 mai 2010 : Seaux à eau bénite et buis pour l'aspersion lors de la messe de Pentecôte, Beauvais (60), France. May 23, 2010: Pentecost, Beauvais (60), France.

23 mai 2010 : Seaux à eau bénite et buis pour l’aspersion lors de la messe de Pentecôte, Beauvais (60), France.

Par Alain Roy, prêtre du diocèse de Montréal, curé de la paroisse Saint Joachim de Pointe-Claire. Il a été directeur du Service de pastorale liturgique du diocèse de Montréal.

On a tous vu, une fois ou l’autre, au début d’une célébration eucharistique solennelle ou télévisée, le président asperger généreusement l’assemblée d’eau bénite. Utilisant souvent un bouquet de branches de cèdre ou d’olivier, il s’exécute en traversant la foule tandis qu’un chant festif souligne le caractère baptismal de l’action posée.

Si riche et spectaculaire que soit ce rite, il est peu utilisé par les pasteurs et les communautés. Le temps pascal offre l’occasion toute désignée de sortir ce petit trésor liturgique du grenier dans lequel on le relègue trop souvent.

Le rite d’ouverture

L’aspersion, en tant que modulation du rite pénitentiel, prend place dans les rites d’ouverture de la célébration. Dans son aggiornamento liturgique, le concile Vatican II a mis de l’ordre dans les divers éléments qui constituent les rites d’ouverture de l’eucharistie. Il a retenu les suivants : le chant d’entrée, la salutation présidentielle, la préparation pénitentielle, le Kyrie, le Gloire à Dieu et la prière d’ouverture. Ils veulent constituer l’assemblée, la mettre en état de célébrer, réaliser une communion des participants, les disposer à entendre la parole de Dieu et à célébrer dignement l’eucharistie.

Le rite pénitentiel

Le rite pénitentiel peut prendre quatre formes :

  • la récitation du Je confesse à Dieu : reconnaissant notre péché devant Dieu et nos frères et sœurs, nous demandons la prière de toute l’Église ;
  • l’alternance de versets et de répons : conscients d’avoir péché devant Dieu et nos frères et sœurs, nous espérons son amour, son salut : Jésus-Christ ;
  • les invocations au Christ : confiants en Jésus-Christ et en son action, nous en appelons à sa miséricorde ;
  • l’aspersion d’eau bénite.

Sans doute à cause de son origine monastique, l’aspersion avait conservé, durant les huit premiers siècles, le sens d’un rite pénitentiel qui purifie les lieux et les protège de toute mauvaise influence. Devenue un rite paroissial préparatoire à la messe dominicale, l’aspersion a revêtu progressivement un caractère baptismal. Le liturgiste Rupert de Deutz attestait au XIIe siècle : « Chaque dimanche, nous faisons l’aspersion, car dans la sainte veillée de ce premier dimanche [Pâques], la sainte Église célèbre le baptême d’une manière universelle ». Cette perspective baptismale a traversé les âges. Toute aspersion n’a de sens qu’en référence à l’immersion baptismale qui nous plonge dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ en qui toute personne est appelée à une vie nouvelle. Cela se vérifie notamment lors de l’aspersion du corps dans les funérailles.

L’eau a bien sûr un pouvoir de purification et de re-création. Mais pour les chrétiens, elle est symbole de vie et de mort. Et elle a une histoire. La Genèse l’évoque comme le milieu duquel émerge la première création. L’évangile y fera écho par les eaux du Jourdain d’où naîtra la seconde création. Le récit du déluge met en scène l’eau qui immerge, détruit et régénère. L’Exode rend l’eau de la mer Rouge responsable de la libération du peuple hébreu ployant sous le joug égyptien. On ne sera pas surpris de retrouver ces références dans la prière de bénédiction de l’eau qui précède l’aspersion.

L’aspersion est particulièrement pertinente au temps pascal comme rappel du baptême dont les promesses ont été renouvelées au cours de la Veillée pascale. Mais comme c’est Pâques tous les dimanches, l’aspersion peut se faire dans toute liturgie dominicale.

Un intérêt pastoral et les conditions optimales

L’aspersion met en jeu plusieurs médiations : le symbole de l’eau, le geste – donc la vue et le toucher –, la parole et l’occupation de l’espace liturgique par le déplacement dans l’église. En plus de briser la routine du rite pénitentiel, l’utilisation de l’aspersion fait que les sens sont davantage sollicités. La liturgie est de l’ordre d’un « faire », d’une action. C’est une « -urgie » (du grec ergon qui veut dire « travail »), comme dans les mots métallurgie, dramaturgie ou chirurgie. L’aspersion réalise bien cette caractéristique de la liturgie. Elle provoque une réaction de l’assemblée et la vivifie instantanément. Durant le temps pascal, elle fait vivre symboliquement à l’assemblée la rencontre avec le Ressuscité vivifiant. Du coup, elle joue bien son rôle de rite d’ouverture par lequel l’assemblée se constitue et se prépare à célébrer. Encore faut-il bien faire le geste.

Deux écueils sont à éviter. Un ritualisme vide de sens : une banale aspersion mécaniquement exécutée du haut du chœur avec un goupillon qui ne projette que quelques gouttelettes. Ou alors une aspersion tellement abondante et théâtrale qu’elle amuse l’assemblée mais la distrait de la signification du geste. Pour que l’aspersion soit signifiante, il faut bien voir l’eau. On aura avantage à substituer un vase transparent au bénitier traditionnel opaque. Plutôt qu’un goupillon inefficace, certains utilisent leur main, d’autres un bouquet de branches de conifère, d’autres un blaireau.

Durant le temps pascal, on utilise l’eau bénie dans la Veillée pascale. Une monition d’introduction poétique ou symbolique rappellera brièvement le sens de l’eau baptismale. Puis un déplacement dans les allées de l’église, accompagné d’un chant baptismal, donnera à l’aspersion son efficacité évocatrice et sa juste solennité.

Enfin, comme le temps pascal se vit sur plusieurs semaines, on peut aussi envisager, certains dimanches, une variation du rite. Par exemple, on invitera les membres de l’assemblée à venir se signer avec l’eau baptismale par une procession vers la fontaine. Pendant ce temps, un chant approprié célébrera la grandeur et la beauté du baptême dans la mort et la résurrection de Jésus.

Cet article est paru au printemps 2018 dans la Revue de pastorale liturgique et sacramentelle Vivre et célébrer. Cette revue est proposée par l’Office national de liturgie de la Conférence des évêques catholiques du Canada.

Vivre et célébrer

Vivre et célébrer est une revue de réflexion et de formation à l’expérience liturgique et sacramentelle. Elle s’adresse aux responsables, aux intervenants et intervenantes en liturgie et à toutes les personnes qui souhaitent intégrer l’expérience liturgique et sacramentelle à leur engagement ecclésial et social. Chaque numéro comporte un dossier thématique, des fiches sur des pratiques liturgiques, des chroniques, des documents et des informations émanant de diverses instances ecclésiales.

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