L’arbre au fil de l’année liturgique 1/3 : Avent et Nativité

Arbre de Jessé, avec Jessé assis au pied de l'arbre. Arsenal, manuscrit 416 f° 7.

Arbre de Jessé, avec Jessé assis au pied de l’arbre. Arsenal, manuscrit 416 f° 7.

La figure de l’arbre est présente tout au long de l’année liturgique. Entre Bible et liturgie François-Xavier Ledoux, o.p., s’est livré à l’exercice de montrer comment lors des Journées nationales des équipes Fleurir en novembre 2023. Cet article reproduit la première partie de son intervention : « Entre Bible et liturgie, l’arbre au fil de l’année liturgique » : Introduction ; l’Avent : l’arbre de Jessé ; la Nativité : l’arbre de Noël. Deux autres articles poursuivent la réflexion pour le temps du Carême et celui de Pâques.

Il peut paraître surprenant de parler de l’arbre plutôt que des fleurs, dans le cadre de ces Journées nationales « Fleurir en liturgie » (23-24 novembre 2023). Et pourtant…

Entre Bible et liturgie, l’arbre au fil de l’année liturgique

Pourtant, les arbres nous entourent, nous protègent ; ils nous apportent ombre et oxygène. C’est pourquoi, nous les aimons et les vénérons dans toutes les cultures et toutes les religions, depuis toujours et sous toutes les latitudes, comme des êtres faisant un lien entre la terre et le ciel, symboles de communion entre ces deux mondes.

Néanmoins, dans la Bible, le symbolisme de l’arbre peut être ambivalent : il évoque tout ce qu’il y a de positif sur l’arbre comme symbole de vie, de force, de croissance, de stabilité, de lien avec la divinité, mais il peut évoquer aussi l’idolâtrie et, en particulier, les cultes cananéens contre lesquels se sont battus les prophètes : certains grands arbres étaient, en effet, considérés comme sacrés ou pouvaient même représentés des idoles dans la plupart des sanctuaires cananéens et israélites.

Est-ce la raison pour laquelle il est sans doute peu fréquent, à l’exception de Noël peut-être, de fleurir une église avec un ou des arbres ? Pourtant, il existe bien une connivence très forte entre la liturgie et l’arbre, ne serait-ce qu’en raison même de celui qu’on appelle « l’arbre de la Croix » devenu, pour nous chrétiens, le seul et véritable « arbre de Vie ».

Par ailleurs, quand ses feuilles sont caduques, qu’il les perd en automne pour les retrouver au printemps, l’arbre peut être un symbole de mort et de résurrection. Mais certains arbres ont des feuillages persistants, d’autres semblent immortels (1), symboles de vie éternelle.

De plus, la liturgie prenant racine dans la Bible et la Bible dans la liturgie juive puis chrétienne, il est bien normal que l’arbre trouve, dans nos célébrations, une certaine place, voire une place certaine. Aussi, en parcourant non pas toute la Bible ni toutes les liturgies, mais en repartant de l’année liturgique (2) dans le Missel romain, on constate que l’arbre y est présent sous toutes ses formes : arbre, bois, rameau, feuillage, racine et même cendres !

L’Avent : l’arbre de Jessé

La succession des morts et des naissances est à l’origine de l’arbre généalogique qui « fleurit », hier comme aujourd’hui » dans nos familles. À ce titre, l’arbre de Jessé symbolise la chaîne des générations, dont la Bible nous résume l’histoire qui culmine avec la venue du Christ, fils de Marie, mais aussi de la lignée du roi David (3).

La plus ancienne représentation connue du motif de l’arbre de Jessé date de 1086 ; mais elle est fréquente entre le XIIe et le XVe siècle. On la trouve notamment chez les moines cisterciens en raison de leur dévotion envers la Vierge Marie. Ce motif est également très populaire chez les verriers du XIIIe siècle, comme en témoigne le vitrail ci-contre, dans la cathédrale de Chartres.

C’est un arbre qui émerge du nombril, de la bouche ou du flanc de Jessé, père du roi David. Le tronc porte des branches sur lesquelles apparaissent les rois de Juda, ancêtres du Christ.

Il a pour origine la formule biblique du prophète Isaïe que chante l’antienne d’ouverture (introït) de la messe du 20 décembre : « Un rameau sortira de la souche de Jessé, la gloire du Seigneur remplira toute la terre, et tout être de chair verra le salut de Dieu (4). »

Ce rameau sorti de la racine de Jessé, ce n’est pas seulement le Christ, mais c’est aussi la Vierge Marie, comme le chante au Commun de la Vierge, pour le temps ordinaire, l’antienne d’ouverture (formulaire n. 6) : « Sur l’arbre de Jessé, un rameau a fleuri : la Vierge a mis au monde celui qui est Dieu et homme ; Dieu a restauré la paix, réconciliant en lui la terre et le ciel ».

Sur ce point, le Directoire sur la piété populaire rappelle « l’usage antique d’attribuer à la Sainte Vierge, en s’inspirant de la Sainte Écriture, des symboles et des titres empruntés au monde végétal, comme ceux de la vigne, de l’épi, du cèdre et du lys, et de voir en elle une fleur odoriférante pour ses vertus et plus encore le « rameau sorti de la souche de Jessé » (Is 11, 1), qui a généré le fruit béni, Jésus. » (n. 181)

La Nativité : l’arbre de Noël

Si, à Noël, la présence de l’arbre n’est pas évoquée dans les formulaires du Missel romain, en revanche, nous la trouvons dans l’évangile de la naissance du Christ lu au cours des liturgies de la nuit et de l’aurore (Lc 2, 1-21), sous la forme très particulière de la mangeoire : « Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune (5) » ; « Vous trouverez un nouveau-né couché dans une mangeoire (6) » ; et « [les bergers] découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire (7). »

a) Le berceau de la mangeoire

À la suite de l’évangile, la tradition populaire n’a pas manqué non plus de chanter et de représenter le berceau de la mangeoire, comme le narre, à sa manière, un contre traditionnel russe, le Conte des trois arbres : « Une nuit, la lumière d’une étoile dorée éclaira le premier arbre au moment où une jeune femme plaçait son nouveau-né dans la mangeoire. « J’aurais aimé pouvoir lui faire un berceau », murmura son mari. La mère serra la main du père et sourit tandis que la lumière de l’étoile brillait sur le bois poli. « Cette mangeoire est magnifique », dit-elle. Et soudain, le premier arbre sut qu’il renfermait le trésor le plus précieux du monde (8). »

En réalité, si le mystère pascal prime et porte sa lumière sur toutes nos célébrations, et en particulier sur Noël, c’est parce que l’Incarnation n’a eu lieu qu’en vue de l’acte de salut accompli par le Christ pour nous sauver, ainsi que le racontent les récits évangéliques de l’Enfance.

Pour entrer plus profondément dans cette dramatique pascale du mystère de la Nativité, voici un extrait d’un poème inédit, « Il naît pour mourir », écrit par Daniel HAMELINE :

Le bois de la crèche est d’un arbre
Où Dieu taille le bois de la Croix,
La grotte où naît Dieu est d’un marbre
Dont on fait les tombeaux pour les rois :
Il naît pour mourir,
Le Prince de la vie.
La gloire est à ce prix :
Notre Jour vient de sa Nuit (9).

Ces mots très forts nous rappellent que le mystère de la Nativité n’est justement pas un conte pour enfant ou une anecdote pieuse et sentimentale, mais bien d’abord et avant tout le signe de l’amour de Dieu qui va jusqu’au bout : « Le bois de la crèche est d’un arbre / Où Dieu taille le bois de la Croix ».

b) L’arbre de Noël : arbre de vie et arbre de la croix

Le Directoire sur la piété populaire et la liturgie va également dans ce sens, en développant la signification que donne l’Église à l’arbre de Noël : 

« L’inauguration de l’arbre de Noël se prête bien à l’organisation d’un moment de prière réunissant toute la famille. De fait, en faisant abstraction de ses origines historiques, l’arbre de Noël est devenu à notre époque un symbole dont la signification est très importante et cette coutume s’est répandue assez largement dans les milieux chrétiens ; il évoque soit l’arbre de vie planté au centre du jardin d’Éden (cf. Gn 2, 9), soit l’arbre de la croix, et il a donc un sens christologique : le Christ, le vrai arbre de vie, est de notre lignée ; cet arbre toujours vert et portant de nombreux fruits a surgi de Marie, comme d’une terre à la fois vierge et féconde. Les évangélisateurs des pays nordiques ont introduit une ornementation chrétienne de l’arbre de Noël, où figurent surtout des symboles évoquant des pommes et des hosties, qui sont suspendues à ses branches. Il ne faut pas non plus oublier les « cadeaux » ; parmi ceux qui sont déposés aux pieds de l’arbre de Noël, certains sont destinés aux pauvres, qui doivent faire partie intégrante de toute famille chrétienne (10). »

(1) Le plus vieil arbre, un sapin, aurait 9500 ans, dans le nord de la Suède.
(2) On considère habituellement que l’année liturgique nouvelle commence avec le temps de l’Avent, se poursuit avec celui de Noël pour nous conduire, via le Temps ordinaire et le temps du Carême, jusqu’au sommet de Pâques et au Temps pascal. Voir CONGREGATION POUR LE CULTE DIVIN ET LA DISCIPLINE DES SACREMENTS, Directoire sur la piété populaire et la liturgie. Principes et orientations, Cité du Vatican, décembre 2001, n. 94 : « L’Année liturgique est la structure temporelle à l’intérieur de laquelle l’Église célèbre l’ensemble des mystères du Christ : de l’Incarnation et la Nativité jusqu’à l’Ascension, jusqu’au jour de la Pentecôte, et jusqu’à l’attente de la bienheureuse espérance et de l’avènement du Seigneur. » Pourtant, si cela est vrai d’un point de vue chronologique, cela est assez différent d’un point de vue théologique, celui du Mystère pascal qui est au cœur de la compréhension de toute la liturgie chrétienne : « Au cours de l’année liturgique, la célébration du mystère pascal constitue l’essentiel du culte chrétien dans son déploiement quotidien, hebdomadaire et annuel. » (ibidem).
(3) Voir Mt 1, 1-17.
(4) Is 11, 1-3 ; voir aussi Is 11, 1 ; 40, 5 ; Lc 3, 6. Dans le Missel romain, le mot « rameau » traduit le latin « virga » qui peut signifier « petite branche mince, baguette ; rejeton, bouture », mais aussi « branche de l’arbre généalogique » ; le mot « souche » traduit le latin « radix » qui signifie « racine », au sens propre comme au sens figuré (base, fondement).
(5) Lc 2, 7.
(6) Lc 2, 12.
(7) Lc 2, 16
(8) Voir le texte complet dans le 3ème article en annexe.
(9) Daniel HAMELINE, « Il naît pour mourir », inédit, 1971.
(10) CONGREGATION POUR LE CULTE DIVIN ET LA DISCIPLINE DES SACREMENTS, Directoire sur la piété populaire et la liturgie, n. 19. C’est nous qui soulignons.

Ô croix plus noble que les cèdres (hymne)
(CFC – f. Didier et f. Fabien, 1979)

ANTIENNE
Ô Croix plus noble que les cèdres,
Sur toi la vie du monde est clouée,
Sur toi le Christ a triomphé :
La mort a détruit la mort !

REFRAIN

Gloire à toi, Jésus Sauveur,
Ta Croix nous donne la vie !

1. Voici l’arbre de vie,
Où le nouvel Adam offre son sang
Pour rassembler les hommes en un seul corps :
Venez adorons !

2. Voici l’arbre de vie,
Où le Sauveur du monde tend les mains
Pour embrasser les hommes dans son pardon :
Venez adorons !

3. Voici l’arbre de vie,
Où le Bien-aimé du Père ouvre à l’humanité
Les portes du Royaume :
Venez adorons !

4. Voici l’arbre de vie,
Où l’amour crie son abandon,
Pour donner une espérance à tous les mal-aimés :
Venez adorons !

5. Voici l’arbre de vie,
Où le Fils de l’homme donne l’Esprit
En remettant son souffle entre les mains du Père :
Venez adorons !

6. Voici l’arbre de vie,
Où la lumière du monde traverse les ténèbres
Pour accomplir la pâque de l’univers :
Venez adorons !

7. Voici l’arbre de vie,
Où Jésus nous confie sa Mère Ève nouvelle
Sur la terrasse des sauvés :
Venez adorons !

8. Voici l’arbre de vie,
Où l’innocent maudit porte nos péchés
Pour réconcilier la terre et le ciel :
Venez adorons !

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