Quelques gestes de la liturgie

30 mars 2008: 26èmes assises nationales des EDC (Entrepreneurs et dirigeants chrétiens) sur le thème "Diriger et Servir", Marseille (13), France.

30 mars 2008: 26èmes assises nationales des EDC (Entrepreneurs et dirigeants chrétiens) sur le thème « Diriger et Servir », Marseille (13), France.

Par Serge Kerrien, Diacre du diocèse de Saint-Brieuc-Tréguier

Dans la célébration liturgique, toute la personne est engagée et les gestes qu’elle pose revêtent autant d’importance que les mots, les chants, les silences. C’est un ensemble d’éléments variés qui fait accéder au mystère et entrer en relation avec Dieu. Qu’ils soient posés par l’assemblée ou par tel ou tel acteur de la liturgie, les gestes portent une intention de l’Église ou révèlent une attitude personnelle. Bien entendu, il ne s’agit pas de sombrer dans le ritualisme qui, parce que le geste devient automatique et déconnecté de l’intention, le réduit à sa plus simple expression et finit par en tuer la puissance symbolique et spirituelle. Il s’agit de regarder le sens de ces petits gestes de la liturgie, gestes parfois inaperçus ou négligés, pour en retrouver le sens et la portée spirituelle.

Se signer avec l’eau bénite

Le geste est encore courant lorsque l’on entre dans une église, si toutefois les bénitiers placés aux portes contiennent de l’eau. Le geste est loin d’être anodin. Il ne s’agit pas de marquer distraitement quatre points de son corps, mais de tracer la croix avec l’eau bénite, comme un double rappel du baptême. Ce jour-là, le premier signe tracé sur notre corps fut le signe de la croix ; puis l’eau baptismale nous baigna. Quatre points de notre corps ainsi marqués nous rappellent que la croix du Christ est l’instrument de notre salut et que, depuis notre baptême, nous avons revêtu le Christ. Le calme avec lequel nous posons ce geste, la manière dont nous le déployons lui donnent tout son poids. Nous aurions à retrouver ce geste, si nous l’avons oublié, d’autant qu’il aidera à percevoir l’église comme un lieu autre, habité d’une mémoire, celle du baptême, et d’une présence mystérieuse, celle du Christ dont la croix nous sauve.

Se frapper la poitrine

Le geste est moins courant qu’à certaines époques ; la liturgie de la messe nous le propose pourtant à plusieurs reprises. Il ne s’agit pas de toucher son vêtement du bout des doigts, mais de se frapper la poitrine, le poing serré. Pourquoi la poitrine ? Parce que c’est le lieu vital du cœur et du souffle, le centre de l’être vivant. Il s’agit d’un geste de désignation, comme si l’on s’accusait en disant : « C’est moi ! » Il manifeste publiquement que l’on se reconnaît pécheur. Ce n’est pas un geste anodin ; il doit nous toucher le cœur, ébranler nos attitudes et nos choix de vie. Il nous réveille de nos léthargies et nous fait choisir Dieu.

Se signer avant l’évangile

Voilà un geste trop souvent accompli mécaniquement à tel point qu’il devient dérisoire et perd toute signification. Son sens mérite d’être connu. C’est un beau geste dont on peut résumer le sens par la formule suivante : « Que cet évangile pénètre mon intelligence pour que je le comprenne, ma bouche pour que je le proclame, ma poitrine et mon cœur pour que j’en vive et que je l’aime ». Le triple signe de croix sur le front, les lèvres et la poitrine dit la manière dont nous avons à recevoir la parole de Dieu.

Joindre et ouvrir les mains

Dans la vie courante, nos mains reflètent souvent nos émotions, nos attitudes intérieures, nos sentiments et nos désirs. Elles ne sont pas qu’utilitaires. Il en est de même dans la liturgie où elles ont leur propre langage, même s’il s’agit de gestes traditionnels de la société civile, gestes repris par la liturgie. A l’époque féodale, joindre les mains était un geste d’allégeance. Jointes, avec parfois les doigts croisés, les mains invitent au recueillement intérieur et à la vénération de Dieu, à l’union intérieure avec Lui. Si elles entraînent une attitude hiératique ou rigide, les mains jointes détournent le sens du geste.

Quant aux mains ouvertes, souvent levées vers le ciel, elles retrouvent une coutume de la prière chrétienne et signifient l’accueil et le don. Des peintures découvertes dans les catacombes témoignent que cette attitude était celle du prêtre à l’autel. Ce geste, beaucoup de chrétiens l’on adopté. Il accompagne la prière du Notre Père mais aussi très souvent la prière personnelle.

Des gestes inutiles ?

Tous ces rites pourraient passer pour dérisoires. Pourquoi y prêter attention ? Parce que tous les rites de la liturgie, si simples soient-ils tracent un itinéraire indispensable à la rencontre des autres et de Dieu. Tous ces petits rites nous font passer d’une attitude à l’autre, d’une situation à une autre. Baptisés, nous suivons le Christ dans sa Pâque ; nous passons avec lui de la mort à la vie. Et nous empruntons l’itinéraire rituel que propose l’Église, un itinéraire dont il convient de saisir les étapes et le sens pour aboutir à la rencontre du Christ. Sur cet itinéraire, tous les gestes ont leur place et un sens.

De plus, la liturgie est un acte de l’Église, un acte qui nous fait passer d’un statut individuel au statut de membre du corps du Christ. Poser ensemble tous ces gestes, vivre ensemble les mêmes attitudes participe fortement à la construction de l’Église. Si les gestes sont humbles, parfois peu visibles, ils revêtent toute leur importance dans leur réalisation. Leur redonner du sens ne peut qu’aider les chrétiens à habiter la liturgie comme lieu de rencontre de Dieu et de son peuple. Nous avons intérêt à relire régulièrement tous ces gestes pour qu’ils demeurent ajustés et harmonieux. Ils participent à la beauté de la liturgie.

Cet article est paru dans la revue Célébrer n°405, Septembre-Octobre 2014

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