Messe ou Eucharistie ?
La question peut étonner, voire provoquer. Pourtant, elle s’est trouvé posée à la suite d’une annonce paroissiale qui parlait de messe et de célébration de l’eucharistie. On peut alors s’interroger : l’Eucharistie se confond-elle avec la messe ?
Une constatation s’impose : la messe est le mot habituellement utilisé pour désigner la célébration du sacrement de l’Eucharistie. Il est même presque devenu générique au point que bien des personnes l’emploient pour nommer toute célébration dans une église. Dès les premiers siècles, le mot « messe » est utilisé ; Il vient du latin « missa » qui veut dire « envoi ». S’il désigne alors le renvoi des catéchumènes et le renvoi de l’assemblée, il recouvre aussi l’offrande eucharistique, c’est-à-dire l’ensemble des prières adressées à Dieu dans la célébration de l’eucharistie, particulièrement la prière eucharistique.
Messe et eucharistie auraient-elles donc un sens très proche ? Pour répondre, allons voir au deuxième siècle. Voici ce qu’écrit saint Justin : « Celui qui préside fait monter au ciel des prière et des actions de grâce (« eucharisties ») autant qu’il est capable, et le peuple acclame en disant « Amen ». Puis on distribue et on partage à chacun les dons sur lesquels a été prononcée l’action de grâce (littéralement « les choses eucharistiques »)1Saint Justin « Première apologie » 67. A l’époque, le mot Eucharistie était donc employé pour désigner à la fois la célébration de l’eucharistie et le pain et le vin consacrés. Aujourd’hui, il a retrouvé cette double acception : la messe tout entière et les éléments consacrés. Puis, au cours de sa pratique, l’Eglise en a approfondi la dimension d’action de grâce (c’est le sens du mot). Dès lors, l’eucharistie déborde largement la messe. L’action de grâce rendue en vérité à Dieu pour le sacrifice du Christ implique nécessairement la vie et la personne de celles et ceux qui offrent à Dieu leur prière et l’Amen de la prière eucharistique engage le chrétien à faire de sa vie une action de grâce. Impossible d’offrir le Christ sans s’offrir soi-même dans une vie totalement eucharistique. Alors comment cette vie eucharistique se déploie-telle à partir de l’eucharistie célébrée ?
D’abord par des pratiques eucharistiques qui se sont développées en dehors de la messe : adoration, processions, exposition et salut du Saint Sacrement, communion portée aux malades, viatique, communion communautaire en dehors de la messe. Toutes ces pratiques ont la même source, la messe, dont elles déploient la grâce et donnent d’en approfondir le mystère : sacrifice du Christ, action de grâce, communion spirituelle et sacramentelle. Ces pratiques unissent les participants à la communauté qui a célébré la messe et ouvrent à la dimension missionnaire de l’Eucharistie.
Ensuite, une vie eucharistique ne peut être qu’une vie à la manière du Christ, une vie où chaque parole, regard, geste, acte quotidien de charité et de service des autres rend grâce à Dieu.
A la messe comme dans nos vies, en rendant grâce à Dieu, nous reconnaissons que nous lui devons tout. On ne peut pas opposer messe et eucharistie. Source de notre action de grâce et de notre vie eucharistique, la messe en est aussi le sommet. En nous donnant en nourriture la parole et le Corps du Christ, elle nous permet de rendre grâce à Dieu pour le Christ et pour son amour infini. Nécessaire, la messe ne saurait enfermer dans l’eucharistie ; elle ouvre à une vie pleinement eucharistique.
article du SNPLS