Le Missel à travers l’histoire

Il s’agit ici de situer le Missel dans l’histoire ce qui revient à présenter sa nature et son objet, au-delà de la simple normalisation et régulation liturgique de l’ordinaire de la messe. La présentation des nouveautés de la Tertia typica (3e édition typique) permettent d’expliciter le sens de cette nouvelle traduction.

Le Missel dans l’histoire

Missel romain ouvert pour la célébration de la liturgie.

Missel romain ouvert pour la célébration de la liturgie.

En français, l’appellation la plus courante pour désigner l’eucharistie est la « messe ». Le mot latin « missa » vient de « mittere » (« lever la séance » et congédier l’assemblée). Au IVe siècle, « missa » a reçu la signification plus riche d’« oblation » ou d’« offrande ». Le « missel » est donc tout naturellement le livre destiné à la célébration de la « messe ». Pendant le premier millénaire, les trois livres utilisés à l’eucharistie étaient le « sacramentaire » (prières pour l’évêque ou le prêtre), le « lectionnaire » (pour la proclamation de la Parole de Dieu), et l’ « antiphonaire » (pour les chantres).  L’eucharistie impliquait donc divers ministres. Le 2e millénaire a connu la pratique de nombreuses « messes privées » (sans assemblée), d’où la composition d’un « missel plénier » comportant tous les éléments (prières, lectures, textes des chants) assurés par le seul prêtre, sauf pour les messes solennelles. Le Missale Romanum (1570) du concile de Trente a repris ces mêmes éléments jusqu’à Vatican II.

La célébration eucharistique selon Vatican II

La réforme liturgique de Vatican II, inspirée par les textes du concile (Sacrosanctum Concilium et Lumen Gentium) a mis en valeur « l’Église en tant que communion » et la liturgie comme « l’Église (tout entière) en prière », d’où un style nouveau de célébration. La communauté se rassemble autour de l’autel et les ministères sont redistribués, en particulier celui du diacre et du lecteur. La concélébration est retrouvée, ainsi que la communion sous les deux espèces, accessible désormais même aux fidèles laïcs. Le passage du latin aux langues vivantes favorise la participation « intérieure » et « extérieure » de tous les chrétiens. La Parole de Dieu est plus largement accueillie (S.C. 51) avec ses trois lectionnaires (semaine, dimanche, sanctoral et sacrements). Le contenu du Missel s’en trouve modifié : il comporte désormais les seuls rites et prières destinés au célébrant principal.

Le Missale Romanum et les Missels dans les langues nationales

Le Missel Romain est destiné à toutes les communautés catholiques de rite occidental. Le livre de référence en latin (« édition typique ») est le Missale Romanum. Les différentes Conférences épiscopales en assurent la traduction et les adaptations nécessaires, en dialogue avec la Congrégation pour le Culte divin. Trois éditions typiques du Missel se sont succédé, depuis le Concile. La première en 1970, la seconde en 1975, la troisième en 2000. Pourquoi ces trois éditions typiques ? Pour permettre de mieux adapter le missel au fil des années, compte tenu des évolutions et de l’expérience pastorale. Le présent « Missel Romain » en français est donc la traduction de l’édition typique de 2000. La Constitution apostolique Missale Romanum de Paul VI (1969) précise le statut propre du missel de Vatican II : « Tout en laissant place dans le nouveau Missel à des différences légitimes et à des adaptations (S.C. 37-40), nous espérons cependant que ce Missel sera reçu comme un signe et un instrument d’unité : dans la diversité des langues, une même prière montera ainsi vers le Père par notre Grand-Prêtre Jésus-Christ dans l’Esprit saint ».

La Présentation Générale du Missel romain

Le livre s’ouvre par la Présentation générale. Ce document de 399 paragraphes donne l’interprétation du rite eucharistique et de chacune de ses parties. Il précise les modalités pratiques de la célébration. On y trouve également des suggestions pastorales et un invitation à l’ « Art de (bien) célébrer » le repas du Seigneur, en donnant leur juste place aux gestes, paroles, silence, chants, en adoptant le bon rythme pour chaque partie, et surtout en nous laissant « habiter » par la rencontre avec Dieu. On méditera notamment ces quelques mots : « La messe comporte comme deux parties : la liturgie de la Parole et la liturgie eucharistique ; mais elle sont si étroitement liées qu’elles forment un seul acte du culte. En effet, la messe dresse la table aussi bien de la parole de Dieu que du Corps du Christ, où les fidèles sont instruits et restaurés. En outre, certains rites ouvrent la célébration et la concluent » (PGMR, 28).

Le Missel et l’action eucharistique

Le Missel est au service de la célébration, comme la partition musicale est au service du concert. L’ « acte musical » ou la musique vivante dépasse toutefois la seule partition !  De même, il ne suffit pas de suivre matériellement les indications du Missel pour que jaillisse l’action de grâce unanime de l’Église. Il s’agit d’initier les baptisés à la prière, à l’écoute croyante des Écritures, et à la rencontre sacramentelle du Dieu vivant. Ce sont comme les « pré-requis » de la participation à l’eucharistie. Et par ailleurs, la célébration « sommet et source » de l’action de l’Église (SC 10) fait grandir la foi et la vie chrétienne. Ne dit-on pas « C’est en forgeant qu’on devient forgeron » ?

Originalité des livres liturgiques

Les textes liturgiques sont publiés sans noms d’auteurs, même si des équipes les ont soigneusement préparés, en s’inspirant des richesses de la Tradition de l’Église, des nécessités pastorales de notre temps et des repères essentiels précisés par le Magistère de l’Église. Cette sorte d’ « anonymat » des livres liturgiques souligne qu’ils ne sont pas l’œuvre d’auteurs privés, mais un bien d’Église, destiné à célébrer les mystères du salut. Il y va non seulement du respect des règles juridiques, mais du statut même de la liturgie ecclésiale,  comme le précise le célèbre adage « Lex orandi, lex credendi » qui veut dire « La règle de la prière exprime la règle de la foi ». Ou encore la foi de l’Église habite la prière liturgique de l’Église. L’ « objectivité » de la liturgie dépasse la sensibilité propre à tel prêtre ou à telle communauté, car personne n’est « propriétaire » de la liturgie. Bien sûr, le célébrant principal doit s’adapter et tenir compte de l’assemblée, des circonstances et des cultures. Et cependant « …le prêtre, en organisant la messe, considérera davantage le bien spirituel du peuple de Dieu que ses inclinations personnelles. Il se rappellera en outre que ce choix des différentes parties devra se faire en accord avec tous ceux qui jouent un rôle dans la célébration, sans exclure aucunement les fidèles pour ce qui les concerne plus directement » (PGMR, 352).

Le Missel Romain selon la 3e édition typique

Le Missel Romain en français qui vient de paraître est la traduction de la 3e édition typique (2000). Ce travail interdisciplinaire de traduction très soigné a pris plusieurs années, sous la responsabilité de la CEFTEL (Commission épiscopale francophone pour les traductions et la liturgie). Il a fait l’objet de l’examen des diverses conférences épiscopales concernées ainsi que d’un triple vote de celles-ci, enfin de la confirmation par la Congrégation du Culte divin.

L’édition du présent Missel à l’usage des pays francophones a veillé à la qualité de la typographie et à la bonne disposition des divers éléments, tout en évitant au maximum les renvois. Les Propres nationaux ont été mis à jour. On  y trouvera la musique destinée à la cantillation des oraisons, préfaces et prières eucharistiques, ainsi que des évangiles. De même 28 nouvelles Prières sur le peuple (super populum) pour la fin de la messe y ont pris place, ainsi que diverses formules alternatives pour l’anamnèse et l’envoi final. Cette nouvelle édition est aussi l’occasion de redécouvrir les multiples choix de préfaces, d’oraisons et de prières eucharistiques du missel de Vatican II.

Le missel est une aide pour la célébration, mais l’essentiel n’est-il pas de renouveler notre regard sur le sacrement du corps et du sang du Christ, le sacrement de la Nouvelle Alliance, et d’apprendre à nous offrir à notre tour, à renouveler notre capacité de rendre grâces et à susciter l’ « Acclamation de tout un peuple » (G. Stefani) ?

Père André Haquin, Commission Interdiocésaine de Pastorale Liturgique (Belgique), Professeur émérite de théologie liturgique et sacramentaire de l’université de Louvain

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