Prier avec tous et pour tous : un apprentissage du Missel

Avec un peu d’humour, la formule popularisée par Alexandre Dumas pourrait bien caractériser la manière dont le Missel romain nous apprend à prier et nourrit notre vie spirituelle : « Un pour tous, tous pour un ! ».

Pour cela, de multiples indices jalonnent la liturgie eucharistique afin de maintenir en permanence la relation entre la prière de tous et la prière individuelle. Depuis les invitations « Prions le Seigneur » à « Allez dans la paix du Christ. Nous rendons grâce à Dieu ! », le Missel romain ordonne ainsi la célébration de la messe afin qu’elle soit toujours la prière de tous, avec tous et pour tous, dans le Christ.

D’ailleurs, le ministre qui préside la prière ne s’adresse jamais à Dieu en son nom propre, sauf à de rares exceptions, mais au nom de tous. Comme le rappelle saint Jean Chrysostome :

« De même que nous ne formons qu’un seul corps, il ne doit jamais y avoir dans l’église qu’une seule voix. Est-ce le lecteur qui parle ? Il le fait seul ; même l’évêque qui est là l’écoute en silence. Est-ce le psalmiste qui chante ? Il psalmodie seul ; mais lorsque tous répondent à son chant, alors c’est comme une voix qui sortirait d’une seule bouche ! »

cathopic_1485443610356530Chacun des fidèles n’est donc pas un « je » isolé dans un ensemble, mais un disciple du Christ toujours relié profondément avec ceux qui l’entourent, comme avec ceux qui sont absents ou qui un jour rejoindront l’assemblée eucharistique. De proche en proche, ils constituent cet unique corps du Christ dont Il est la tête. Dès lors, le « nous » de la prière ecclésiale n’est pas une simple juxtaposition des uns et des autres, mais la marque de la prière de l’Église. Elle jaillit comme une seule parole dans la bouche même du Christ, afin que « le Père reconnaisse les paroles de son Fils, quand nous prions ». Ces mots, issus du Commentaire de Cyprien de Carthage sur le Notre Père, indique une des richesses spirituelles du missel. La liturgie qu’il contient n’a pas pour but de réaliser l’unité comme une addition d’individus qui se rassemblent, mais bien plutôt de rendre manifeste cette unité qui est celle du Christ lui-même, unité dont nous sommes faits participants par notre baptême. D’ailleurs, même la profession de foi qui est prononcée à la première personne du singulier, « credo » ou je crois, en porte la marque. La proclamation de la foi ne peut être qu’ecclésiale car c’est de l’Église que nous recevons les mots pour l’exprimer avec justesse. Plus encore, en l’exprimant nous acceptons de la laisser transformer notre existence afin que notre vie en devienne le témoignage.

Ainsi, « puisque la liturgie édifie chaque jour ceux qui sont au-dedans pour en faire un temple saint dans le Seigneur, une habitation de Dieu dans l’Esprit, jusqu’à la taille qui convient à la plénitude du Christ, c’est d’une façon admirable qu’elle fortifie leurs énergies pour leur faire proclamer le Christ, et ainsi elle montre l’Église à ceux qui sont dehors comme un signal levé sur les nations, sous lequel les enfants de Dieu dispersés se rassemblent dans l’unité jusqu’à ce qu’il y ait un seul bercail et un seul pasteur. » (Sacrosanctum concilium n°2)

Le missel nous apprend donc patiemment à prier avec tous et à prier pour tous. Sa pédagogie rituelle, faite de gestes et de paroles, ravive en chacun de nous la grâce de notre baptême afin de l’épanouir dans une même communion eucharistique. Notre prière se dilate pour devenir définitivement celle que le Fils présente à son Père dans le souffle de l’Esprit saint. Désormais, nous correspondrons à cette formule ancienne : « Le chrétien prie toujours au pluriel ! Même quand il prie seul ! » C’est bien l’apprentissage spirituel que nous propose le missel.

Article du SNPLS.

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