« Heureux les invités … » : la procession de communion
Par Aline Schoos
Entendre chaque dimanche l’interpellation reprise du livre de l’Apocalypse, « Heureux les invités au festin des noces de l’Agneau », nous engage dans une démarche à la fois ecclésiale et spirituelle, communautaire et personnelle.
Une invitation
Répondre à une invitation, libre, mais qui, sans relâche, se répète tout au long de l’histoire du salut, tel est l’appel qui nous est adressé par Dieu ; un Dieu qui ne se lasse pas de convoquer son peuple. Écho de la voix du prophète Isaïe ou encore de l’évangéliste Matthieu… :
Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez consommer …
Isaïe 55, 1
Tout est prêt : venez au repas de noce !
Matthieu 22, 4
Cette invitation nous fait ainsi entrer dans un mouvement du cœur et du corps ecclésial dont la procession de communion est une expression.
Mouvement du corps, mouvement du cœur
Faire procession pour communier témoigne de ce mouvement du corps par lequel nous nous levons pour rejoindre un peuple en marche, non pas seulement pour rejoindre ceux qui sont là mais, avec eux, tout le peuple des croyants qui a répondu depuis la première alliance à l’invitation de Dieu. Ce mouvement qui nous conduit à recevoir le pain de vie nous rappelle combien celui-ci est le pain pour la route, manne donnée au désert à Israël, pain pour le corps fatigué du prophète Élie, fuyant vers la montagne de Dieu, qui s’assoit, épuisé, à l’ombre d’un buisson pour demander la mort …
Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi et mange ! » Il regarda, et il y avait près de sa tête un pain cuit sur la braise et une cruche d’eau. Il mangea, il but, et se rendormit. Une seconde fois, l’ange du Seigneur le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange ! autrement le chemin serait trop long pour toi. » Élie se leva, mangea et but. Puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu. »
1 Rois 19, 4-8
Se mettre en route, donc, vers celui qui se donne s’exprime ainsi à travers le temps et l’espace : car nous avons besoin de temps et d’espace pour préparer notre cœur à la rencontre de Dieu. Se déplacer pour recevoir le corps du Christ n’est donc pas une simple formalité à accomplir. Ce déplacement personnel et communautaire façonne notre cœur afin répondre à l’appel de Dieu. La procession de communion, ce geste si anodin, parfois, témoigne aussi du cœur de notre humanité, toujours en danger : nous ne nous recevons pas de nous-mêmes, nous nous recevons d’un Dieu, plus grand que nous, qui nous a donné et nous donne la vie. Se recevoir de Dieu, c’est répondre à l’invitation du Deutéronome :
Je te propose aujourd’hui de choisir ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. Écoute les commandements que je te donne aujourd’hui : aimer le Seigneur ton Dieu, marcher dans ses chemins, garder ses ordres, ses commandements et ses décrets.
Deutéronome 30, 15-16
C’est alors tenter de repousser la voix du serpent qui nous murmure :
Vous ne mourrez pas [en mangeant du fruit de l’arbre] ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux …
Genèse 3, 4-5
Être comme des dieux … chemin de mensonge auquel s’oppose un autre chemin, celui du pain de vie, pain pour la route, pain qui nous fortifie, pain qui fait de nous une communauté de croyants à l’écoute de son Seigneur.
Une démarche communautaire
Si nous pouvons trouver très formel de se déplacer deux par deux, rang après rang pour aller communier, n’oublions pas que cette procession symbolise un peuple en marche, à la rencontre de son Dieu, pour recevoir de lui le pain de vie : démarche personnelle, certes, mais aussi démarche communautaire témoignant du visage de l’Église. De ce point de vue, on peut regretter l’aspect « file d’attente » qui réveille en nous des habitudes qui portent plus à l’individualisme. Pour souligner la dimension communautaire, il est souvent possible d’offrir le corps du Christ à plusieurs personnes situées côte à côte, de front. Il est toujours possible de déployer un chant de communion, dont le rôle est de favoriser la démarche spirituelle et l’union fraternelle des chrétiens (tout comme le silence qui suit la communion). Enfin, la manière de processionner, le mouvement de déplacement lui-même, ne sont pas à négliger car ils traduisent à travers notre corps ce que porte notre cœur et ce à quoi nous sommes appelés.
Article extrait de la revue Célébrer n°305, juin 2001, p 25-26.