Proclamer la Parole : se préparer à être lecteur
Voici venu l’instant de la messe où le lecteur doit s’acquitter de sa fonction. Est-il superflu de rappeler que le lecteur doit d’abord savoir exactement à quel moment il doit intervenir ? Nous le répétons : ceux qui ont l’habitude n’ont pas de problème. Mais celui qui va lire pour la première fois, ou qui n’a pas lu depuis longtemps, ne sait plus tout d’un coup où se place la première lecture, bien qu’il aille à la messe tous les dimanches. Mais le responsable veille !
La mise en place du lecteur
Le lecteur ne doit pas s’avancer vers le pupitre avant que la prière d’ouverture soit achevée, mais, en revanche, il doit le faire, sans attendre, dès que l’Amen est prononcé. Il s’avance calmement, sans détour ni précipitation. Il prend son temps. Il ne cherche pas à éviter le haut de la nef centrale. S’il passe devant l’autel, il fait un léger arrêt et s’incline. Outre qu’il s’agit d’un acte liturgique, ce déplacement peut diminuer le trac en faisant circuler le sang et en installant le calme dans tout l’organisme.
Arrivé à l’ambon (c’est le terme liturgique qui désigne le pupitre d’où se font les lectures), il ne bondit pas sur le premier mot, mais s’assure que le livre est à la bonne page et que le micro est à la bonne hauteur, c’est-à-dire la sienne et, d’abord, qu’il est ouvert (on = ouvert, off = fermé). Dans bien des cas, il aura, d’ailleurs, fallu faire un essai de micro avant la messe.
Enfin, la bonne position pour lire est la suivante :
– les deux pieds bien posés par terre (et non pas en équilibre instable sur un seul) ;
– les talons parallèles et légèrement écartés ;
– les pointes des pieds comme les aiguilles d’une horloge marquant 10 heures 10 ;
– les deux mains sur les bords droit et gauche du bas du pupitre.
De cette position bien campée, dépend aussi la lutte contre le trac.
Le regard
Lorsqu’il est ainsi en place, le lecteur regarde un instant l’assemblée, non pour dire : « Je suis là ! », mais pour considérer tous ceux à qui il va lire la Parole, et particulièrement les fidèles qui sont le plus loin de lui, au fond de l’église ou sur les côtés.
Ce regard peut durer un peu si le silence n’est pas encore parfaitement établi, car la lecture ne devra commencer que lorsque auront cessé tous
les bruits de chaises, de feuilles ou de toux.
Contrairement à ce que l’on entend dire fréquemment (et à ce que l’on voit !), le lecteur n’a pas à regarder l’assemblée quand il lit, sinon très exceptionnellement, à la fin d’un paragraphe ou pour souligner une formule. En tout cas, pas à chaque point, et encore moins tous les trois mots (c’est ce que l’on appelle le « tic à la poule ! »).
Certains pensent qu’on communique davantage si on regarde : c’est faux. D’abord, ce n’est pas sa parole que lit le lecteur, mais celle de Dieu. Il n’a donc pas à regarder ceux à qui il parle comme s’il prêchait ou donnait un avis. Ensuite, ceux qui regardent souvent le font inconsciemment, pour se rassurer et tenter de mesurer l’effet de leur voix ; à moins que ce ne soit, au contraire, pour manifester qu’ils sont très à l’aise (trop !). C’est donc par une plus grande formation technique que le lecteur pourra être rassuré ou mesurer ses effets, et non par ses coups de tête disgracieux et à contresens, dangereux même, car ils risquent de faire perdre la bonne ligne. En réalité, la vraie communication dans l’acte de lecture ne vient pas du regard à l’assemblée, mais d’une parfaite diction portée par une voix intense
et soutenue.
En revanche, il est bien que ce soit en regardant l’assemblée que le lecteur, après l’avoir lue du regard, fasse l’annonce de la lecture : « Lecture de la lettre de saint Paul / Apôtre / aux Romains. » Tout le monde peut dire ces dix mots sans regarder le texte. Puis le lecteur fait une pause durant laquelle il respire profondément et rejoint son texte des yeux, et il commence.
La respiration
Durant ce temps de mise en place, le lecteur a commencé à respirer calmement, profondément et par le ventre. La plupart des gens respirent mal parce qu’ils ne savent pas respirer. Ils le font par le haut de la poitrine en soulevant les épaules ; moyennant quoi, un quart seulement des poumons est rempli. Le souffle est donc court et la parole aussi : hachée, saccadée, essoufflée ! Cet effet est naturellement augmenté dès que se manifeste une émotion, et redoublé dès qu’apparaît le trac.
Or c’est par le bas des poumons (par le ventre !) qu’il faut respirer, sans soulever les épaules, mais en les reculant légèrement et en gonflant le ventre. Si l’on remplit un verre, on commence toujours par remplir le fond en premier !
Éviter donc à tout prix les grands coups de poitrine. Une nouvelle respiration par le ventre aura lieu aux pauses. En cas de besoin, on fera une rapide et légère respiration par le nez.
Cela dit, la respiration ne s’apprend pas par correspondance. Mais il y a chez vous ou près de chez vous un professeur de gymnastique ou un médecin qui fait pratiquer telle méthode de relaxation ou un professeur de chant au conservatoire. Que ce spécialiste du « souffle » soit pratiquant ou non, il ne demandera pas mieux que de venir un jour vous donner quelques indications et, même, vous faire faire quelques exercices respiratoires.
On ajoutera sur ce point que la bonne respiration ne guérit pas du trac (de grands acteurs l’ont eu durant toute leur carrière), mais est le seul et unique moyen de le combattre, en le maîtrisant pour en calmer les effets d’essoufflement et d’accélération du rythme cardiaque.
La voix
On a celle qu’on a, plus ou moins belle, plus ou moins timbrée, mais il faut avoir appris à s’en servir. On entend des lecteurs à voix de baryton faire une lecture en prenant un ton beaucoup trop bas, ou des lectrices qui ont une belle voix grave et qui font la lecture d’une toute petite voix aiguë.
On a la voix qu’on a, mais on a aussi un registre (une étendue de sons) où la voix sonne mieux : on dit qu’elle est bien « placée ». Le professeur de chant local sera le meilleur conseiller à ce sujet. Mais, à défaut, un travail d’équipe dans l’église elle-même (les participants qui ne sont pas en train de lire étant au fond de l’église et non à trois mètres du lecteur) permettra assez vite que soient repérées par le groupe les anomalies vocales : « Mais enfin, quand tu nous parles dans la vie, tu ne nous parles pas avec cette voix-là ! »
Cela dit, la parole publique réclame que le lecteur utilise la partie haute de son bon registre. Elle réclame également qu’on parle « loin », c’est-à-dire pour ceux qui sont le plus éloignés, même si l’on dispose d’une bonne sonorisation (nous reviendrons sur ce point).
Le ton
Vous savez : il y a le ton « école primaire », le ton professoral, le ton théâtral… Mais quel est le ton juste pour une lecture biblique ? Cela dépend, bien sûr, du genre littéraire du texte (voir plus haut) : le ton du lyrisme n’est pas le ton du doctrinal ou du récit. Cela dépend aussi du lecteur qui a sa personnalité, son tempérament, son timbre de voix (le ton Jouvet n’est pas celui de Claude Rich).
En règle générale, le ton d’une lecture réclame une grande sobriété de variation : qu’est-ce à dire ? On pense trop que mettre le ton signifie davantage chanter les phrases. C’est le contraire ! Dans la diction, le passage du texte le plus dramatique devra être le plus proche du recto-tono.
Pas du tout un recto-tono de lecture au réfectoire d’un couvent ou d’un séminaire ! Mais une sorte d’intensité vibratoire à l’intérieur des syllabes déclamées. Comment ? Beaucoup de lecteurs commencent une phrase en haut et la terminent en bas ; cela donne à peu près :
C’est catastrophique de laideur et de monotonie. Au contraire, le ton soutenu demande que l’on monte :
À l’inverse de ce qu’on entend habituellement, les fins de phrase ne doivent presque jamais se terminer par une descente, mais par une montée qui soutient le sens et l’ouvre à l’auditeur au lieu d’assommer ou de clore. Mais comme il faut lire en faisant monter le ton (exemple 2), il faudra veiller, pour que la finale ne soit pas trop haut perchée, à redescendre un peu dans les quelques mots qui la précèdent.
Mais attention, n’allez surtout pas chanter ces notes ! Elles ne constituent qu’une idée de ce qui doit se passer dans la voix parlée. En réalité,
celle-ci est bien plus sensible que la voix chantée et peut aisément pratiquer les quarts de ton.
La vitesse
C’est le dernier point technique qu’il faudra travailler. La vérité, c’est qu’un lecteur lit à la bonne vitesse à partir du moment où il a l’impression qu’il lit trop lentement (et qu’il en est ridicule !).
Nous l’avons dit : le son va plus vite que le sens. Or, ce n’est pas pour le son mais pour le sens que le lecteur lit. On dira qu’avec la sonorisation il n’y a plus de problème. Que si ! D’abord, l’acoustique de l’église est plus ou moins bonne (et la sonorisation plus ou moins bien adaptée).
On devra connaître le temps de réverbération d’un son. On frappe dans ses mains ou l’on pousse un « Ah ! » fort et bref, et l’on chronomètre le nombre de secondes où l’on entend le son se répandre – durer. Cela peut aller jusqu’à huit secondes. Il est facile de comprendre que, dans ce cas, plus on parle vite, plus on va émettre de sons-syllabes qui seront entendus en même temps parce que la réverbération les maintient. On risque la confusion la plus totale et, donc, l’incompréhension du texte.
Cela signifie que, même dans les meilleurs cas, la sonorisation, si elle permet de combler des distances, ne supprime pas l’espace dans lequel elle fait résonner (et quelquefois tourbillonner) le son.
Chaque église a sa « personnalité spatiale ». Le lecteur étudiera celle de sa propre église. Mais, quoi qu’il en soit, c’est seulement par un effort de lecture calme qu’il aura une chance d’être compris.
Cet article est extrait de Proclamer la Parole, Guides Célébrer n°1