Célébrer le mariage : les formes de la prière
Par Serge Kerrien, Diacre du diocèse de Saint Brieuc-Tréguier
Même si l’ensemble de la célébration sacramentelle est louange à Dieu et action de grâce, le rituel prévoit des temps plus spécifiques pour la prière des époux et de l’assemblée : la prière des époux, la prière universelle, le Notre Père. La succession de ces trois moments est souvent difficile à gérer. Pourtant, nous sommes en présence de trois formes assez différentes de prière destinées à des acteurs différents.
La prière des époux
« Les époux qui le souhaitent expriment leur prière. »[1]
Elle pourrait sembler secondaire, puisque le rituel la rend facultative. Elle tient cependant une place importante car elle est la réponse des époux à Dieu pour le don de sa grâce. Nous sommes dans la posture de l’échange : au don de Dieu, les époux répondent par l’action de grâce. Il est souvent intéressant de faire remarquer que sans échange il n’y a ni vie de couple, ni vie sociale, ni vie culturelle, ni vie spirituelle. Tout ce qui existe vit d’échange. Un baptisé qui ne remercie jamais Dieu, qui ne lui adresse ni louange, ni action de grâce s’enferme sur lui-même et ne peut que rendre progressivement stérile sa vie spirituelle, qu’il enferme dans un sens unique, celui de la demande ; et ce sens unique se révèle rapidement être une impasse puisqu’il exclut l’échange.
Inviter les époux à écrire, avec leurs mots, une action de grâce, c’est les faire entrer dans une fructueuse démarche d’échange avec Dieu. Sans doute, faudra-t-il accompagner cette démarche à chaque rencontre et initier le couple à l’action de grâce. La répétition des mots, l’apprentissage des attitudes et des formes de la prière donnera petit à petit aux époux les moyens de s’approprier l’action de grâce et donc de l’écrire au terme du parcours. Les maladresses de l’expression ou les hésitations de la lecture importent peu ; l’essentiel est, qu’à ce moment précis de la célébration, les époux entrent en dialogue avec Dieu dans la dynamique du don et de la réponse: à la grâce reçue je réponds par l’action de grâce.
La prière universelle
C’est une autre perspective qui s’ouvre. Un sacrement n’intéresse pas uniquement ceux qui le reçoivent, au risque de les enfermer dans un cœur à cœur chaleureux avec Dieu. Tout sacrement, puisqu’il est signe du salut donné au monde, ne peut qu’ouvrir à l’universel. La parole de Dieu entendue et actualisée, le don du sacrement ne peuvent qu’ouvrir les cœurs au monde, et déclencher le désir de « prier pour… » Ici encore, nous aurions beaucoup à gagner si, dans les intentions de prière, les futurs époux parvenaient à déterminer pour qui ils souhaitent prier. Ils ouvriraient alors une célébration, la plupart du temps privative, à une autre dimension : celle de l’Église et du monde, de leur monde. En effet, l’Église, quand elle se rassemble, ne peut pas le faire sans faire monter vers Dieu les cris de tous ceux qui, à travers le monde, souffrent d’une forme de pauvreté. En élargissant leur prière, non seulement à leurs familles, leurs proches ou leurs amis, mais aussi à l’ensemble de l’humanité, les époux donnent à leur engagement une dimension universelle. La vérité de la prière chrétienne le demande, comme le rappelle saint Paul dans sa lettre à Timothée (1 Tim 2, 1-4).
Le Notre Père
C’est la prière par excellence, celle de l’ajustement des mots à la profondeur de la relation, celle que le Seigneur nous a laissée. Elle requiert une autre posture, une autre manière de prier. Les mots du Christ lui-même engagent le chrétien sur la voie de l’intimité avec un Dieu que l’on ose appeler « Père », mais aussi sur la voie de la confiance et de l’abandon total entre les mains d’un Dieu amour, tendresse et pitié. C’est aussi la prière de la Tradition, la prière reçue de l’Église, des parents ; la prière que les époux auront à transmettre à leurs enfants. Pour autant, pour beaucoup de nos contemporains, ce n’est pas si simple d’y entrer spontanément, tant le langage des psaumes et celui de la prière leur sont étrangers. Dès lors, il conviendrait de prendre un peu de temps, au cours d’une rencontre de préparation au mariage, de faire découvrir quelques aspects essentiels de la prière du Seigneur. Quels pourraient-ils être ?
En premier lieu, il serait utile de regarder la structure de la prière : deux parties presque égales précédées d’une invocation initiale : « Notre Père qui es aux cieux » et articulées autour d’un mot charnière « aujourd’hui ». La première partie comporte trois louanges en forme de demandes centrées sur Dieu : ton nom, ton règne, ta volonté. La seconde partie passe à la supplication pour l’aujourd’hui des hommes et les derniers temps, en trois demandes : « notre pain », « nos offenses », « délivre-nous ».
Ensuite, on fera remarquer que la prière du Notre Père unit rassemblés les chrétiens au Christ, lui qui, par le baptême, a fait de nous des enfants de Dieu. Pour cette raison, ils peuvent appeler Dieu d’un même nom : Père. Par cette prière, non seulement le chrétien prend à son compte sa nature d’enfant de Dieu, mais il reconnaît Dieu comme la source de toute vie et de tout amour.
Enfin, il ne sera pas inutile de rappeler, du moins pour ceux qui ne savent pas ou ne savent plus prier, que le Notre Père est la prière de l’Église, une prière qui rend les chrétiens solidaires. Dès lors, peu importe de ne pas avoir les mots ; d’autres les ont pour nous. Et ce qui importe, c’est la richesse intérieure, l’ouverture du cœur qui laissera résonner en lui les paroles que d’autres prononcent.
Des mises en œuvre
Trois formes successives de prières supportent mal une mise en œuvre uniforme et statique.
Il convient de s’appuyer sur l’aspect personnel, universel, puis ecclésial des trois prières. On pourra ainsi demander aux époux de se déplacer au pied de l’autel pour leur prière d’époux. De retour à leur place, ils participeront à la prière universelle par un temps de silence qui ponctuera les intentions avant la reprise d’un refrain. Pour la prière du Notre Père, ils élèveront les mains comme le célébrant et l’assemblée. Ces postures de la prière pourront d’ailleurs leur être proposées lors des temps de prière qui accompagneront les rencontres de préparation. On n’a jamais fini d’apprendre à se tenir devant Dieu pour le prier et pour transmettre à d’autres la prière chrétienne.
Article extrait de la revue Célébrer n°382
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[1] Rituel romain de la célébration du mariage, nouvelle édition, Paris, Desclée-Mame, 2005, n°91.