Parole de Dieu et sacrement de réconciliation
Par Sophie Gall-Alexeeff, ancien membre du SNPLS et Monique Brulin, Professeur honoraire de l’Institut Catholique de Paris
Lors de la célébration du sacrement de pénitence et de réconciliation, surtout dans la confession individuelle, la place laissée à la parole de Dieu est souvent mineure. Pourtant, la Parole est la source qui révèle la miséricorde sans partage de Dieu. Ce faisant, elle laisse aussi apparaître l’écart qui nous sépare de lui : la Parole est alors une invitation à changer de vie.
La parole de Dieu fonde la réconciliation comme acte de confiance dans la miséricorde de Dieu
La parole de Dieu éclaire la destinée de l’homme croyant ; elle annonce que Dieu demeure fidèle à son alliance et que l’offre de pardon nous précède :
« Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné pour ministère de travailler à cette réconciliation. Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ réconciliait le monde avec lui ; il effaçait pour tous les hommes le compte de leurs péchés et il mettait dans notre bouche la parole de la réconciliation. » (2 Co 5, 18-19).
Le rôle de la Parole est double : annoncer la Bonne Nouvelle de la miséricorde divine et dénoncer le péché. Elle révèle à la fois la profondeur insoupçonnée du mal sans nous humilier et la dignité inaliénable de l’homme : parole des prophètes de la première Alliance, parole décisive en Jésus Christ. La mort et la résurrection de Jésus ont révélé la perfection de l’alliance à la face du monde. Aussi, la contemplation de la croix conduit à se reconnaître pécheur dans la lumière du pardon offert : « Père, pardonne-leur … » (Lc 23, 34). Jésus dévoile la figure fondamentale de Dieu réconciliant, pacifiant la violence et libérant pour tous l’accès au pardon.
L’écoute de la parole de Dieu rend lucide l’homme pécheur et soutient sa conversion
Dans l’acte de confiance que pose le chrétien pénitent, la Parole est une médiation qui permet de situer le péché à partir de ce que Dieu veut pour nous et non pas seulement de ce que nous voudrions être. L’écoute de cette Parole instaure une distance par rapport au jugement que nous portons sur nous-mêmes. Elle arme à davantage de lucidité sur nos écarts au regard de l’Évangile mais invite en même temps à ne pas se décourager à la vue de nos défaillances car « Dieu est plus grand que notre cœur » (1 Jn 3, 20). L’examen de conscience ne se limite pas à la dimension morale de nos comportements et les textes bibliques ne seront pas seulement choisis pour découvrir les péchés dont on va s’accuser. Chaque fidèle est invité à s’interroger sur sa relation confiante au Dieu de miséricorde, à partir d’une contemplation du mystère du Christ. L’écoute du Christ, à partir de l’Écriture, « vient révéler la vérité de la personne sans jamais l’enfermer dans son péché. La Parole ouvre toujours sur la conversion possible » .
Une recommandation expresse du Rituel Célébrer la pénitence et la réconciliation
Comme l’indique le Rituel, dans le cadre de la confession individuelle,
« La lecture sera habituellement choisie par le pénitent. En fonction de ce texte, il dira quel appel il a pu percevoir et le prêtre pourra amorcer le dialogue. S’il n’y a pas eu de référence à la Parole, le prêtre orientera le pénitent vers tel ou tel texte de l’Ecriture annonçant la miséricorde de Dieu et invitant à la conversion. » (Rituel, art. 66).
Ce même Rituel propose en annexe de nombreux textes bibliques auxquels on pourra se référer (3).
Dans l’espace de célébration du sacrement, il est signifiant de pouvoir disposer une Bible. Tout comme la croix ou une représentation biblique en image, ce livre manifeste la relation au « Tiers divin », expression proposée par Louis-Marie Chauvet. Il oriente le prêtre et la personne pénitente vers la source même et la vérité de leur action.
La parole de Dieu : un glaive à deux tranchants
Dans le sacrement de réconciliation, il ne s’agit pas d’abord d’examiner sa vie au regard du Décalogue et d’envisager l’adéquation de ses actes aux commandements, mais bien d’entendre une parole qui tranche et met en demeure de choisir. La Parole « pénètre au plus profond de l’âme, jusqu’aux jointures et jusqu’aux moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur » (He 4, 12). Cet appel retentit aussi dans les psaumes : « Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? Ne fermez pas votre cœur comme au désert » (Ps 94).
Une parole qui engage la communauté croyante
L’écoute de la Parole de Dieu situe le fidèle pénitent dans une solidarité à la fois humaine et ecclésiale. En effet, La démarche de réconciliation, même dans sa forme individuelle, s’effectue dans la foi, l’espérance et la charité de l’Eglise qui, elle-même, au contact de cette Parole, poursuit son chemin de conversion (Rituel, art. 6).
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1. Philippe LEONARD, Témoins de la miséricorde, Le ministère pastoral de la réconciliation, coll. Guide Célébrer, n° 18, Paris, éd. du Cerf, 2009, ch. 4, p. 73. 2. Célébrer la pénitence et la réconciliation. Rituel, A.E.L.F., Paris, Chalet-Tardy, 1991. 3. Le Guide Célébrer « Témoins de la miséricorde », cité ci-dessus, en offre un classement utile pour le choix.
Bibliographie : SNPLS, Célébrer, n° 372, Paris, Cerf, 2010, Dossier, p. 55-57.
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S. Gall-Alexeeff et M. Brulin – Parole de Dieu et sacrement de réconciliation