Éclairer une église, pas uniquement pour voir clair !
Par Catherine Bugeat, Coordinatrice provinciale de Toulouse pour l’art sacré
Du chaos originel où Dieu sépare la lumière des ténèbres, voici le jour, voici la nuit. Alternance de ce qui se trame dans l’ombre, à l’éclat radieux du dévoilement. L’histoire des hommes, comme la Révélation biblique et l’histoire du salut, est traversée par cette alternance. Mais bien plus qu’une alternance, notre histoire devient le lieu du combat entre les forces obscures du mal, de la mort et la puissance d’un amour qui est lumière et vie. Une histoire ritualisée, vécue au rythme annuel, hebdomadaire ou journalier des célébrations, dans des espaces ombrés et illuminés.
Lumière naturelle, lumière artificielle
Dès les origines, le soleil levant du matin de Pâques devint naturellement symbole de la Résurrection. les premiers chrétiens eurent à cœur de faire mémoire de la Pâque du Christ tournés vers l’orient, vers le soleil levant, et non vers Jérusalem.
A la lumière des flammes
Dès qu’ils purent construire leurs lieux de culte, la basilique romaine s’imposa grâce à sa grande luminosité. Selon les possibilités techniques des siècles, les architectures, qu’elles soient romanes, gothiques, baroques ou contemporaines ont intégré, chacune selon leur modalité propre, la lumière naturelle.
A toutes les époques, lumière naturelle et lumière artificielle furent conjuguées. Avant la découverte de l’électricité, cierges, lampes ou torches sont utilisés, avec pour combustible la cire d’abeille ou l’huile d’olive. On évite le suif, cette graisse d’animal peu coûteuse mais qui produit une flamme charbonneuse. Les supports sont fixes ou mobiles : chandeliers, bras de lumière, petites ou grandes suspensions en couronne hissées à partir de poulies et disposées presque à hauteur d’homme. Leur nombre varie en fonction de l’importance de la fête célébrée.
L’éclairage, limité à quelques cierges pour l’usage quotidien, maintenait l’intérieur de l’église dans la pénombre, avec sa part de mystère, mais avec aussi l’intérêt d’être immédiatement attiré vers l’espace éclairé. Lors des grandes fêtes, Pâques, Noël, Pentecôte, l’illumination était maximale grâce aux nombreuses flammes placées dans les nefs et dans le chœur. Une hiérarchie lumineuse accompagnait alors le temps liturgique de manière significative.
Les ampoules électriques
Depuis environ deux siècles, l’électricité s’est imposé grâce à son utilisation pratique et confortable, la disponibilité instantanée et constante de son « combustible », faisant passer aux oubliettes l’huile à recharger, les cierges à remplacer, les coulures graisseuses à nettoyer … En même temps, nous perdions la beauté et la chaleur des flammes vacillantes, et avec elles, la part de mystère qui s’en dégageait.
Lors de sa mise en service, l’électricité a produit un éclairage froid, aplanissant et intensif, quelle que soit la célébration. Mais aujourd’hui nous disposons d’une technicité dont il serait judicieux d’exploiter toutes les possibilités pour les mettre au service de la liturgie. Car on n’éclaire plus seulement pour y voir clair !
Éclairer une église, un acte pastoral
La lumière est un langage ; elle est aussi un acteur essentiel dans la mise en œuvre des célébrations. En liturgie, rien n’est neutre : ambiance, atmosphère, invitation à entrer dans le mystère et à vivre une relation avec Dieu et avec ses frères, lieux à découvrir … Les effets d’un éclairage bien ajusté sont toujours ressentis, consciemment ou inconsciemment.
Pour ce faire, un bon éclairagiste peut nous apprendre à connaître les ressources actuelles. Par ailleurs, les responsables pastoraux (curé, équipe de liturgie, etc…) ont à définir un programme d’éclairage qui tient compte des besoins liturgiques, en fonction des lieux et des célébrations. Ainsi, l’éclairage de l’assemblée et du sanctuaire pour l’eucharistie dominicale voire quotidienne, est la première préoccupation. Il faut penser l’éclairage du sanctuaire dans son ensemble mais aussi celui de l’autel, de l’ambon et du lieu de présidence, sans oublier le prêtre et le lecteur afin qu’ils ne soient pas dans l’ombre.
On pensera au lieu du baptême, à celui de l’accueil, de la réconciliation, de la prière personnelle, à la création d’une lumière accueillante … La mise en valeur d’éléments culturels peut avoir une portée catéchétique : par exemple, l’éclairage de la croix ou d’une piéta pour le samedi saint, etc. On pensera bien sûr à la veillée pascale et à sa mise en œuvre spécifique de la célébration de la lumière.
L’éclairage a une fonction liturgique. Le prêtre affectataire et l’équipe pastorale et liturgique sont les premiers concernés par l’éclairage de leur église. Lors de la réfection de celui-ci, ils auront intérêt à faire appel à la commission diocésaine d’art sacré pour les aider à établir un programme précis à présenter à l’éclairagiste ou à l’architecte, et ceci avant que tout soit figé.
Cet article a été extrait de la revue Célébrer n°396