Comment prendre en compte la vie du défunt dans la pastorale des funérailles ?
Lors des funérailles chrétiennes, l’Église exerce un service de compassion et de prière auprès des personnes et des familles touchées par la mort et qui affrontent une épreuve. Les vivants ont un intense besoin d’entendre des mots vrais sur le sens profond de leur propre vie (cf. Gaudium et Spes (GS) n°18).
C’est l’Église tout entière qui accueille et accompagne les familles. La qualité de cet accueil est nécessaire pour préparer et un peu « connaître » le défunt afin d’ajuster la célébration en tenant compte de ce qui a fait sa vie.
Extrait de Gaudium et Spes n°18
C’est en face de la mort que l’énigme de la condition humaine atteint son sommet. L’homme n’est pas seulement tourmenté par la souffrance et la déchéance progressive de son corps, mais plus encore par la peur d’une destruction définitive… Le germe d’éternité qu’il porte en lui, irréductible à la seule matière, s’insurge contre la mort. »
La rencontre de la famille
Notre société a mis à distance la mort et ce qui l’entoure. L’importance de l’accueil des familles et la qualité de l’écoute, pour ne pas déformer ce qui est échangé et tisser la célébration, sont profondément inscrites chez les membres des équipes funérailles. La demande de personnalisation, très accentuée de nos jours, nécessite une attention particulière, pour éviter que la célébration soit uniquement centrée sur le défunt et qu’elle demeure ouverte sur le mystère pascal du Christ. L’écoute attentive et un dialogue humain et proche permettent de ne pas heurter ou blesser ceux que nous soutenons.
La proposition pour les membres de la famille de participer à la célébration des funérailles permet à l’assemblée de se laisser toucher par ce qui est dit et célébré. Quelle que soit leur propre foi, ce sont eux qui connaissent la personne défunte et demandent que soit célébré chrétiennement ce dernier adieu. La cohérence entre ce qu’ils demandent, ce qu’ils nous disent du défunt, et le message chrétien les touchera si on arrive à créer un équilibre ouvrant à l’espérance entre les mots du Rituel [1]et leurs propres mots.
Les propositions du Rituel
Ce Rituel est souple et ouvert. Pour permettre un tissage entre la vie et l’espérance en la Résurrection.
En préparant la célébration, il convient d’être attentif « non seulement à la personne de chaque défunt et aux circonstances de sa mort, mais aussi, avec une sympathie pleine de sollicitude, à la douleur de ses proches et aux besoins de leur vie chrétienne ». (n°10). L’équilibre sera toujours à trouver entre la vie du défunt, l’assemblée présente et le message de vie de l’Église.
« Pour répondre à la diversité des circonstances et aux désirs légitimes des familles, de larges possibilités de choix ont été prévues par le rituel » (n°20). Il faut ouvrir nos préparations à la richesse de ces choix pour mieux tenir compte des circonstances de la vie et de la mort de celui que nous accompagnons. La qualité de ce que nous proposons exprimera mieux notre foi que trop de mots.
Le mot d’accueil
« Si nous sommes réunis…, c’est pour affirmer que tous ces liens que nous tissons tout au long de notre vie ne s’arrêtent pas avec la mort » (n °53). En début de célébration, la suggestion est faite de rappeler quelques liens que le défunt a créés avec ceux qui sont là. Certains proches pourront alors prendre la parole. Il ne s’agit pas de faire un panégyrique mais de rappeler des relations fortes qui les ont marqués. La sobriété et la justesse des propos peuvent permettre d’entrer en célébration de façon plus sereine.
Le prénom du défunt
Tous ces « N… » semés au long des prières disent combien l’Église est pleine de sollicitude envers le défunt. Ce prénom reçu lors du baptême, par lequel chacun est connu de Dieu comme unique, montre que toute vie a du prix. Soyons attentifs à bien dire ce prénom auquel la famille est sensible, accompagnons-le parfois d’un détail précis qui nous a été confié comme un trésor.
Le dernier adieu
Au numéro 106 du Rituel, la possibilité de « paroles de salutation exprimées par les proches » au moment de l’adieu est suggérée. Il faut être très précis sur le sens des paroles à prononcer pour ne pas casser la dynamique d’espérance de la célébration. C’est toujours délicat : beaucoup de textes profanes touchent les familles (et elles souhaitent les lire), mais peu de ceux-ci disent le sens profond de ce que nous vivons dans ces moments-là.
Les mises en œuvre
Quelles sont donc les mises en pratique possibles tout en restant fidèle à ce que veut faire l’Église ?
Avec discernement
Les supports (livrets, etc.) que les accueillants utilisent et leur longue expérience d’écoute des familles permettent de percevoir les relations vitales qui ont lié les vivants au défunt ; elles vont diriger le choix de la Parole et des prières et ainsi enrichir la célébration. Il arrive aussi que des témoignages provoquent l’admiration, sachons alors rester en deçà dans nos propres interventions. Et quand les paroles paraissent très dures, soulignons la fragilité et le mystère de toute relation. Enfin, si la vie du défunt a été marquée par des souffrances dans ses relations avec des proches, le rite pénitentiel pourra ouvrir à un chemin de pardon parfois difficile.
Mais tout ce que demandent les familles n’est pas forcément à faire entrer dans la célébration. Proposons pour cela les autres stations. Le temps avant la célébration et surtout le temps au cimetière ou au crématorium permettent un hommage au défunt dans un cadre plus souple.
La vertu de prudence
L’entretien avec la famille avait brossé un tableau très (trop ?) positif de la vie du défunt. La surprise des membres de l’équipe obsèques vint peu après en rencontrant voisins et familiers qui avaient été surpris et choqués par les paroles entendues. Restons donc sobres et prudents dans nos interventions et les mots pour retraduire ce que nous recueillons.
Les situations difficiles
Dans notre civilisation où la solitude est visible jusque dans le temps entourant la mort, les assemblées sont parfois inexistantes. Si on ne connaît que peu de chose du défunt, son prénom cité dans les prières et repris dans les interventions dit déjà que celui qui est là a été quelqu’un d’unique et de précieux ; la prière ne sera alors plus impersonnelle.
Si la famille et les proches négligent ou refusent ce temps d’accueil et de partage ? Quelques mots peuvent être glanés au téléphone ou à l’entrée de l’église. Attention de ne pas broder sur ces quelques mots reçus. Des paroles mal ajustées ou erronées feraient plus de mal que les mots du Rituel qui restent plus à distance mais qui, dis avec profondeur, pourront toucher l’assemblée.
Pour une prise en compte vivante et personnalisée
C’est en permettant à chacun de vivre des célébrations chaleureuses et vraies que nos contemporains découvriront, redécouvriront ou approfondiront le sens chrétien des funérailles. L’important n’est pas d’abord ce que nous aurons construit et proposé lors de la célébration mais, à travers les paroles prononcées et les rites posés, ce que le Christ accomplit dans le cœur de chacun. Nous sommes parfois surpris de ce qui peut se passer et que l’on peut recueillir lors de rencontres ultérieures.
Par Françoise Béchet, Coordinatrice de paroisse dans le diocèse de Créteil
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[1] La célébration des obsèques, Nouveau rituel des funérailles I, 1972, 1991, Desclée-Mame.