Rendre grâce aux funérailles
Alors que la tristesse remplit nos cœurs, que des pourquoi travaillent nos esprits, que la révolte est parfois prête à surgir ou à resurgir, l’Eglise nous invite à rendre grâce. Est-ce vraiment possible quand tout semble s’effondrer avec la disparition d’un être cher, quand la vie nous laisse désemparés face à l’avenir ?
Invités à rendre grâce
A première vue cela semble impossible et si cette invitation nous était faite au début de la célébration elle serait difficilement supportable. Mais toute la liturgie que nous avons déjà vécue : l’accueil fraternel d’une communauté, la présence du Christ ressuscité qui nous a devancés sur ce chemin – n’a-t-il pas pleuré son Lazare ? – , l’écoute de sa Parole et son actualisation, nous a peut-être éclairés et conduits à porter un regard nouveau sur l’événement que nous vivons.
Voici que maintenant, l’Eglise nous invite à rendre grâce ! Mais entrer dans l’action de grâce, qu’est-ce exactement ?
Spontanément nous dirions : « dire merci ». L’action de grâce commence sans doute par cette attitude de remerciement mais elle entraîne plus loin. Rendre grâce, n’est-ce pas reconnaître le don que Dieu nous fait sans cesse, celui de son amour ? S’en émerveiller et à notre tour entrer dans ce mouvement de don gratuit en se livrant tout entier à lui, en consentant à faire réellement le choix de l’amour au quotidien, « pour sa gloire et le salut du monde ? »
Les motifs de l’action de grâce
L’Eglise, dans ses prières de louange, nous en indique quelques-uns :
- Rendre grâce pour le salut réalisé en Jésus Christ en se souvenant que Dieu a pris l’initiative de se donner à nous et de nous offrir gratuitement le salut :
« Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, mais pour que par lui, le monde soit sauvé. » (Jean 3,16-17)
- En partageant le tout de notre vie, y compris la souffrance et la mort, le Christ, par sa Résurrection, nous assure que rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu :
« Lui seul, en acceptant la mort, nous arrache à la loi de la mort ; lui seul, en donnant sa vie, nous fait vivre éternellement pour toi. » (Préface 2 des défunts).
Rendre grâce pour le don de la vie
Tandis que la mort semble mettre en échec ce cadeau de la vie, la victoire de Jésus au matin de Pâques, rappelée par le cierge pascal, nous révèle que lorsque l’amour nous donne d’être, c’est sans retour :
« Oui, nous te louons, Dieu vivant, créateur et maître de la vie.
Toi qui as fait toutes choses, tu nous as donné la vie.
et tu ne peux cesser de nous la donner.
Inlassablement, tu nous recrées par ton amour.
pour que nous soyons à jamais vivants dans le corps de ton Fils ressuscité.
Toi qui as donné le commencement, tu sauras bien aussi donner l’accomplissement. »
La résurrection du Christ nous assure que la mort ne met pas fin à une vie : « Si nous mourons avec lui, avec lui nous vivrons » (2 Timothée 2, 11), mais quel est le passage obligé pour que tout ce que nous avons vécu ici-bas puisse trouver son accomplissement, son plein épanouissement en Dieu : « La vie, n’est pas détruite, elle est transformée ; et lorsque prend fin leur pélerinage sur la terre, ils ont déjà une demeure éternelle dans les cieux. » (Préface 1 des défunts)
Rendre grâce parce que Dieu a été glorifié dans une existence humaine
Dans le rencontre avec les familles en deuil, on s’aperçoit que très souvent, elles aiment nous partager ce qu’il y a eu de bon, de noble, dans la vie du défunt : son attention à chacun, son esprit de serivce, sa capacité à se laisser toucher par les souffrances du monde, à redonner courage, son engagement auprès des démunis … Elles pressentent que ce vécu-là, est d’une grande richesse, a une valeur inestimable mais elles ne perçoivent pas le lien que tous ces gestes ou attitudes peuvent avoir avec la foi.
Bien sûr, certains défunts ont cherché à vivre de leur baptême, ils ont désiré une vie d’Alliance avec le Père, mais pour le plus grand nombre, c’est souvent sans le savoir, qu’ils se sont laissés conduire, par l’Esprit d’amour qui travaille le cœur de tout homme de bonne volonté.
Ainsi, dans la banalité du quotidien, se sont esquissés peu à peu de traits de l’homme véritable tel que Dieu le désire depuis la création du monde : « Faisons l’homme à notre ressemblance » (Genèse 1, 26) et cela a fait notre bonheur. Il nous a été donné de faire l’expérience, sans doute encore imparfaite, de la vie que Dieu nous promet dans son Royaume, vie de communion entre nous, de paix, de pardon et cela a fait notre joie. Oui, l’Eglise peut commencer sa louange en disant :
« Nous te rendons grâce, Père très saint, pour ce regard nouveau
que ton amour nous donne sur ce qui s’est passé.
Voilà que nos années, riches de souvenirs,
se révèlent à nous, plus profondes et plus belles.
comme la trace ineffaçable de ton pasage dans nos vies. »
(Rituel n° 97)
Rendre grâce à Dieu parce qu’il ne nous abandonne pas
Dans ce moment douloureux que nous traversons, le Christ se fait compagnon de chemin, comme avec les disciples d’Emmaüs. Une nouvelle fois, nous sommes invités à aiguiser notre regard pour reconnaître à travers la présence d’amis, parfois venus de loin, de voisins attentionnés, la proximité du Dieu de Jésus Christ, qui par ces médiations humaines est présent à nos côtés, pour nous entourer, nous soutenir, nous réconforter : « Dieu était là et je ne le savais pas ! » (Genèse 28, 16)
Rendre grâce à Dieu pour les liens qui se créent
Des liens se créent dans le Christ, ils demeurent bien réels tout en échappant à nos sens :
« Près de nous se créent des présences nouvelles, quand ton amour vit dans nos cœurs ». (Rituel n°97)
Ayant ainsi pris le temps de faire mémoire des merveilles de Dieu pour nous, au cœur de notre vie personnelle et pour l’humanité tout entière, nous pouvons à la suite du Christ, remettre entre les mains du Père tout ce que nous sommes et à nouveau nous engager sur le chemin du don et de l’amour.
Doucement, avec beaucoup de doigté, l’Eglise nous a préparés à confier au Père celui ou celle que nous aimons et nous a disposés à nous tourner vers lui en l’appelant : Père, notre Père !
Par Anne-Dominique Wattelle, Animatrice en pastorale du diocèse de Lille, responsable des funérailles
Article extrait de la revue Célébrer n°362