Fleurir pour la liturgie, entre abondance et dénuement
On pourrait croire, en entrant dans une église en dehors des célébrations, qu’il ne s’y passe rien ou presque rien. Et pourtant, à regarder de plus près, si l’on a pris soin de la maison de Dieu et des hommes, l’architecture et sa disposition disent déjà la rencontre avec Dieu.
La présence des fleurs est de cet ordre. Déjà, l’on perçoit la douceur domestique et invitatoire de l’ornement floral, contemplation gratuite qui ravit le regard et qui dit que la Maison est habitée. Puis, dans la prière, personnelle ou communautaire, la composition florale indique le centre liturgique du lieu. Elle accompagne la croix, le lieu de la Parole ou celui de la Table eucharistique. La multiplicité des compositions est à éviter. Mieux vaut privilégier un des pôles liturgiques plutôt que brouiller la lisibilité de l’espace sacré. L’abondance n’est pas la surcharge. Comme dans bien des domaines, on ne dit pas mieux parce que l’on dit plus.
D’où l’importance du vide dans les compositions florales [1] et autour. Le vide, s’il est habité, est un espace d’accueil, une respiration, un silence offert à soi-même et à l’autre.
La nature, en fait la Création, oscille selon les saisons et selon les âges, entre l’abondance et le dénuement. La composition reflète au cours du temps liturgique l’abondance et le dénuement qui parsèment nos chemins de vie, nos chemins de foi. Suivre ces variations, c’est respecter le rythme des saisons, mais aussi conserver la « spontanéité végétative » de la plante, le sens de sa pousse. De même, le contenant doit montrer l’enracinement de la composition extraite de la terre. Ainsi, l’arrangement végétal de Carême dit l’attente et la promesse à venir, témoin d’un dénuement volontaire, non pas d’une pauvreté subie. Les compositions florales de Pâques exaltent la joie de la Résurrection. Au cours d’une année liturgique, la succession des compositions, dimanche après dimanche, évite la routine et crée une cohérence, une continuité visuelle qui accompagne avec simplicité ce qu’elle sert : la liturgie. Le cycle végétal nous rappelle enfin, par sa finitude, notre propre fin. La présence de fleurs n’est d’ailleurs mentionnée que dans le rituel des funérailles[2].
Dans la Bible, « les plantes sont toujours le point de départ d’une métaphore pour passer de la vie perdue à la vie recouvrée.[3]» Par leur présence dans l’église, elles enracinent la vie spirituelle du croyant dans le temps liturgique et le cycle des saisons et offre au Seigneur « l’ovation du monde végétal ».
« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Jn 12, 24.
D’après un article publié dans les Chroniques d’art sacré, n° 80, p. 28
Marie-Odile LALO
[1] Revue Célébrer n° 314, octobre 2002.
[2] Rituel des funérailles I, n° 50 et Dans l’espérance chrétienne n° 22 ; n° 166 ; n° 169 et n° 317.
[3] Les plantes de la Bible et leur symbolique, Ch. Boureux, Éditions du Cerf, 2014, p 8.