Catéchèse mystagogique de la messe : la prière sur les offrandes
Orate Fratres
Souviens-toi de ce que tu as entendu après que le pain et le vin étaient apportés et présentés au prêtre. Le prêtre a cantilé : « Priez, frères et sœurs : que mon sacrifice, qui est aussi le vôtre, soit agréable à Dieu le Père tout-puissant. »
Tu t’es levé et, à ton tour, tu as cantilé ta réponse : « Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice à la louange et à la gloire de son nom, pour notre bien et celui de toute l’Église. »
Tu t’es levé en disant comme le psalmiste : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; * tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit : « Voici, je viens » (Psaume 39 (40), 7-8a). Parce que le sacrifice auquel tu es appelé aujourd’hui n’est pas forcément celui dont tu te souviens. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de te faire mal pour obtenir quelque chose de Dieu ; d’ailleurs qu’aurais-tu à obtenir encore qu’il ne t’ait déjà donné, avant même que tu ne le réclames ? Il t’a déjà tout donné en son Fils, Jésus Christ. Ne l’avons-nous pas béni pour le pain et le vin, fruits de la terre, de la vigne et du travail de l’homme, reçus de sa bonté ?
Aujourd’hui, Dieu se tient à ta porte et il frappe. à toi de lui ouvrir, de l’accueillir et de le suivre chaque jour. Ce que Dieu te demande, le sacrifice qu’il préfère c’est un esprit brisé ; car il ne repousse pas un cœur brisé et broyé (cf. Psaume 50 (51), 19). C’est-à-dire, qu’il attend de nous que nous allions vers lui, que nous quittions les habitudes qui nous retiennent loin de lui, que nous agissions en étant ajustés à sa Parole et que nous nous tournions avec confiance vers lui pour le prier et remettre notre vie entre ses mains. Ce mouvement de conversion auquel Dieu nous appelle, c’est l’unique sacrifice qu’il nous demande. François Varillon écrivait : « Le sacrifice ce n’est pas d’abord une privation, mais l’orientation de tout notre être, de toute notre vie vers Dieu. » Bien sûr, cela suppose des arrachements, des efforts mais ce sera toujours pour plus de vie, d’amour, de joie et de paix. « Tout ce que nous aurons donné ou quitté nous sera rendu au centuple » (Mt 19, 29) nous assure Jésus.
Le modèle de sacrifice que Dieu nous donne à suivre, c’est lui-même en la personne de Jésus. Jésus qui, dans le désert, a refusé d’être celui qui se servait du Père à son propre avantage ; Jésus qui a vécu sa vie sur terre dans l’intimité du Père ; Jésus qui nous a aimés à en mourir et qui a donné sa vie librement parce que c’était le chemin par lequel il nous libèrerait de la mort et du péché. Jésus est « le seul homme dont nous puissions dire que toute son activité, toute sa vie a été un sacrifice… [qui] n’a jamais posé un acte libre pour Lui-même mais dont tout acte libre a été Amour » écrivait encore François Varillon. C’est de ce sacrifice-là qu’il s’agit dans l’eucharistie : une vie toute d’amour pour Dieu et pour les hommes. C’est ce sacrifice qui sera agréable à Dieu. L’épître aux Hébreux le dit autrement : « En toute circonstance, offrons à Dieu, par Jésus, un sacrifice de louange, c’est-à-dire les paroles de nos lèvres qui proclament son nom. N’oubliez pas d’être généreux et de partager. C’est par de tels sacrifices que l’on plaît à Dieu » (Hb 13, 15-16).
Lorsque tu as cantilé ta réponse aux paroles du prêtre, tu as parlé toi aussi de ce « sacrifice à la louange et à la gloire de son nom, pour notre bien et celui de toute l’Église ». Cette façon de vivre évangélique, tout entière tournée vers Dieu et nos frères, fait notre bien et celui de toute l’Église. Elle est bénéfique pour nous qui, en nous remettant à Dieu, recevons sa vie et son amour et nous en trouvons fortifiés et transformés ; et elle est bénéfique pour tous ceux que Dieu appelle à lui, tous ceux qui depuis des siècles et pour les siècles à venir acceptent de se laisser aimer par lui, ceux qui font partie du peuple des rachetés par la volonté de Dieu, « une Église plus vaste et plus nombreuse que nous ne pouvons l’imaginer, une foule immense que nul ne peut dénombrer, une foule de toutes tribus, peuples et langues » (Ap 7,9). Avec le Christ, en apportant les offrandes, nous entrons dans ce mouvement du don fait par amour ; comme le Christ a donné sa vie pour nous, nous sommes appelés à donner notre vie, celle-là même que Dieu nous a donnée. Oui ce sacrifice que Dieu ne nous impose pas, que nous choisissons librement de lui faire, par amour pour lui et pour nos frères, nous l’offrons, à la suite du Christ, pour « la gloire de Dieu et le salut du monde ».