Le rituel : une pédagogie au service de la pastorale du mariage

« Il ne s’agit pas tant d’enseigner que d’accompagner des étapes vers la rencontre de Dieu [...] »

« Il ne s’agit pas tant d’enseigner que d’accompagner des étapes vers la rencontre de Dieu […] »

Les réflexions qui suivent ont été souvent partagées dans le contexte de formations destinées aux équipes de préparation au mariage. On n’y trouvera aucun remède miracle aux difficultés liées aux demandes. Sans prétendre tout dire, elles veulent esquisser un chemin possible parmi d’autres, un chemin dont la visée est clairement initiatique, un chemin où l’on prend par la main les futurs mariés en abordant la liturgie comme source de la vie chrétienne.

Une typologie des entretiens pastoraux

Le but de l’entretien pastoral avec les fiancés est souvent l’élucidation de ce qu’ils vivent, de ce qu’ils entrevoient plus ou moins confusément en demandant à l’Eglise une célébration religieuse. A partir de là, quatre types de projets dominants apparaissent :

Un projet de type catéchétique

II est centré sur la foi à faire exprimer ou à faire découvrir. Son but est de faire se rencontrer une demande et une théologie du mariage sacramentel. On se situe nettement dans la didactique d’une vérité à découvrir, à faire advenir. On en voit la limite : la foi n’est pas que des concepts à exprimer.

Un projet de type émotionnel

II est centré sur une relation chaleureuse avec les fiancés. II va chercher, en faisant plaisir, à établir une relation individuelle qui fera du sacrement la fête des jeunes et laissera une large place à l’improvisation du cœur, au feeling. On en voit la limite : un sacrement n’est pas qu’un moment fort à vivre, encore moins l’autocélébration des récipiendaires.

Un projet de type éthique

II est centré sur la manière de vivre du couple au regard de la demande de l’Eglise. L’attention est alors portée sur ce que font et doivent faire les fiancés plus que sur ce qu’ils peuvent dire. Le discours sera essentiellement moralisateur. On en voit la limite : Ia foi n’est pas qu’une éthique de groupe.

Un projet de type missionnaire

II est centré sur le sacrement comme bagage pour la mission et comme signe de l’alliance du Christ et de l’Eglise. La vie personnelle du couple sera relue ainsi et on placera l’invitation à l’engagement dans l’Eglise ou dans le monde pour l’Eglise. On en voit la limite : l’engagement l’emporte sur le sacrement.

Cette présentation a les avantages et les limites de toute typologie. Il faudrait nuancer, préciser. Il me semble néanmoins qu’elle suggère en creux l’intérêt possible d’un autre projet qui serait de type expérimental, initiatique, c’est-à-dire un projet d’entretien personnel dont le but est d’accompagner dans la découverte de quelqu’un qui vient à notre rencontre, parce que, de cette rencontre-là, naîtront une expression de foi, parfois très diffuse, parfois très tardive et dont il nous faut accepter de ne pouvoir Ia mesurer ; une relation intime avec Dieu ; des manières de vivre l’engagement; un sens à la mission. Cette façon d’aborder le projet pastoral de préparation aux sacrements est celle du Christ lui‑même : il prend par la main, il accompagne, relève, et ensuite appelle à la foi avant de disparaître ; il accepte la dépossession des fruits de son action. C’est aussi la manière de Philippe dans sa rencontre avec l’Éthiopien. Voilà un client qui lit les Écritures et qui n’y comprend rien. Philippe le rejoint sur sa route, le guide dans la lecture, l’amené au baptême et disparaît, laissant l’Esprit à l’œuvre.  Cette démarche-là, très initiatique, est celle que nous propose le rituel si nous acceptons d’y voir autre chose qu’un ensemble de codifications, dont on use avec beaucoup de liberté ou une grande rigidité, pour y découvrir un chemin vers la foi, le chemin symbolique d’un ménage a trois ou quatre.

La pédagogie du rituel

Personnellement, c’est toujours par le biais de la célébration que j’entre vraiment en dialogue avec les futurs époux, après un premier temps nécessaire d’apprivoisement réciproque. L’approche de la réalité du mariage chrétien par la liturgie me parait plus concrète mais aussi plus fondamentale. Je ne suis ni naïf, ni irénique. On ne peut que constater l’extrême diversité des couples dans leurs attentes, leurs demandes, leur lien à l’Eglise.

Pourtant, même si les jeunes sont bien éloignés des positions dogmatiques de l’Eglise, de la Parole de Dieu même, force est de constater qu’il y a chez eux une ouverture du cœur, une forme de fraîcheur qui les rend accueillants à une Eglise capable de prendre en compte et de valoriser leurs espoirs et leurs projets. Même ceux qui apparaissent les plus éloignés d’une dimension spirituelle sont ouverts à une proposition d’accompagnement a un moment de leur vie. Et je ne vois pas en quoi nous aurions, nous pasteurs, le droit de suspecter leur honnêteté et d’empêcher que le Christ puisse venir sacramentellement à la rencontre de leurs pauvretés.

II faut encore réaliser que, alors qu’autrefois on présentait le mariage comme le moment enfin arrive où l’éventail des possibles se refermait définitivement, les jeunes considèrent aujourd’hui leur couple comme un faisceau de projets, de possibles, d’espérances. Ils ne se considèrent plus au bout d’une trajectoire rigide qu’ils auraient seulement à prolonger. En un mot, les jeunes ne veulent plus s’enfermer dans les « fins premières » du mariage ; ils sont ouverts aux « fins dernières » de l’existence humaine, celles de leur aventure personnelle, de l’Eglise et du monde. C’est sur ce chemin-là que le rituel se propose de les accompagner.

Le rituel nous situe en initiateurs

Lorsqu’à la fin de la première rencontre vous donnez le rituel aux fiancés en leur disant : « Pour la prochaine fois, lisez le ensemble ; nous en parlerons. Essayez de découvrir comment c’est fait », on se situe d’emblée en initiateur. C’est une manière d’assurer son statut d’accompagnateur d’une démarche. Et c’est particulièrement important pour le ministre de se situer en repère pour des jeunes qui en cherchent ou des moins jeunes qui n’en ont plus. C’est aussi une manière d’opérer une rupture nécessaire, de désencombrer, de décentrer d’eux-mêmes les demandeurs du sacrement pour les recentrer sur celui qui donne sens a leur amour. II s’agit d’initier a celui qui donne sa dignité sacrée a la personne humaine et d’introduire à une forme de réciprocité (don et contre-don) qui donne tout son sens à la célébration sacramentelle. On le voit bien, il ne s’agit pas tant d’enseigner que d’accompagner des étapes vers la rencontre de Dieu, ce qui suppose que l’on apprenne à connaître Dieu dans l’échange, le silence, l’écoute de sa Parole. Cela suppose aussi que le couple puisse retire sa vie, soit individuellement, soit ensemble, de manière à prendre conscience du chemin parcouru et à situer la célébration sacramentelle comme une étape Sur un itinéraire déjà engagé. Elle n’est plus un « en-soi » et trouve son sens au cœur de deux existences qui se sont rencontrées. Notre rôle d’initiateurs offre aussi un modelé ou permet l’émergence de modèles et donc d’ancrage dans un héritage chrétien qui trouve aujourd’hui l’expression de sa vitalité dans une communauté de foi, de cœur et de vie.

Le rituel invite à une rencontre avec quelqu’un

Il suffit d’ouvrir le rituel, d’en regarder la structure, de le mettre en rapport avec le récit des disciples d’Emmaüs, de vérifier dans les oraisons, les préfaces et les bénédictions à qui on s’adresse, pour que tout un chacun réalise immédiatement que les rites proposés ont pour but la rencontre avec un Dieu qui vient à notre rencontre, nous donne une Parole qui éclaire une expérience de vie, nous donne la grâce de son Alliance ou toute autre alliance trouve son fondement, et n’attend  qu’une chose en  retour: un cœur et un  esprit ouverts pour recevoir  la grâce et la rendre. Autrement dit, le travail avec l’aide du rituel oblige à tourner les regards vers le Dieu de Jésus-Christ. Il fait découvrir que la vie chrétienne n’est pas d’abord l’adhésion a des slogans, a des dogmes, a une morale, mais l’engagement à se laisser rencontrer par Dieu par, avec et dans le Christ. A ce propos, les textes proposés par les lectures sont clairs : ils présentent le plan divin sur l’humanité, sur l’amour et sur le mariage. C’est Dieu et le Christ qui sont au centre ; les époux vont rencontrer un Dieu qui les accueille, leur parle, leur livre sa pensée et va leur donner son amour en plénitude.

Le rituel invite à une rencontre en Eglise

Nous venons de le dire, une célébration sacramentelle n’est pas du domaine privé. Si le Christ-Tète en est le Centre, l’Eglise, qui est son Corps, ne peut en être absente. D’abord, c’est elle qui reçoit Ia demande et l’accueille. Souvent les jeunes ont perdu leurs repères religieux (si tant est qu’ils en aient eu) et se situent en marge de l’Eglise. De ce fait, ils attendent de nous une célébration personnalisée qui nous situe d’emblée dans un rapport d’offre et de demande dont on mesure trop bien les ambiguïtés et les limites. II me semble que le travail sur le rituel permet de sortir de ces difficultés car il nous sort d’une relation bilatérale trop personnalisée et de type émotionnel. II nous situe en porte-parole d’une Eglise qui propose un chemin de foi. D’une relation d’épicerie (Tu me vends ce que je désire acheter), il nous permet de passer à une relation de restauration, de nourriture (Voilà le menu que propose la maison ; on a même la possibilité d’un choix à la carte, mais c’est l’Eglise qui propose) où la communauté chrétienne invite et propose. Libre à chacun d’accepter ou de refuser. II y a bien liberté de choix, mais dans un cadre déterminé qui identifie clairement l’Eglise comme proposant un chemin de foi au Christ, évitant ainsi le syncrétisme religieux du « Toutes les religions se valent ».

Et puis, il ne faut pas oublier que tout sacrement comporte un geste rituel, geste de l’Eglise représentant un geste de Dieu lui-même. Ainsi, pour le mariage, le rite consiste en quelques mots qui ne sont d’ailleurs pas ceux des époux, mais ceux que l’Eglise leur demande de prononcer. Parce que l’Eglise s’engage à leurs côtés. La structure sacramentelle et la place du ministre sont là pour le rappeler. Un sacrement est sacrement de l’Eglise, le ministre est le ministre de l’Eglise Corps du Christ. C’est au nom de l’Eglise qu’il agit et cela se signifie par le vêtement, le lieu, la nécessaire distance par rapport aux personnes, la signature des registres. Faire réagir les fiancés à la signature des registres permet souvent de leur faire appréhender l’Eglise et la relation des demandeurs a la famille des baptises.

Et je ne manque pas l’occasion de mettre le doigt sur ce qu’on induit en bricolant les rituels ou en proposant des rituels-bis. On réduit l’Eglise à nos désirs, nos sensibilités, à ce que l’on est soi-même. Un rite unique est profondément identitaire et symboliquement signifiant d’une réalité. C’est la construction du corps ecclésial, Corps du Christ, qui est en jeu.

Le rituel ouvre au mystère pascal

Le fait d’être des proposants, au nom de l’Eglise, crée un climat de vérité et de respect qui permet d’ouvrir les jeunes à un chemin d’avenir : celui de l’expérience pascale. Que feront-ils cette expérience ? Nous n’en savons rien et ce n’est pas à nous de juger. II y a peu de chances que les jeunes retrouvent le chemin de la célébration dominicale régulière. Par contre, il y a des chances que, grâce à l’accueil des accompagnateurs et à la vérité de la proposition du rituel, le visage de Dieu et de l’Eglise ait été modifié dans leurs têtes et dans leurs cœurs. Ils auront fait un bout de chemin en Eglise, avec le Christ. Ils auront pu vivre l’expérience des disciples d’Emmaüs : des vies accueillies, qu’une Parole vient éclairer, qu’un geste et des paroles sacramentelles invitent à reprendre autrement la route, vers un monde où ils ont à vivre la grâce du sacrement. C’est Ia structure rituelle de tout sacrement, et s’en servir comme soutien pédagogique c’est accepter de faire avec eux le même chemin que le Christ sur la route d’Emmaüs, un bout de chemin qui, au lieu de les conforter sur leurs positions établies et dans le cadre de l’offre et de Ia demande, constitue pour eux une promesse de nouveaux progrès. Et c’est souvent plus tard, lors de rencontres ou a !’occasion du baptême des enfants, que se manifestent les fruits d’une préparation de type pascal, c’est-à-dire qui permet de faire l’expérience d’un Dieu et d’une Eglise qui chemine avec. Les accompagnateurs auront été des passeurs vers Dieu. Le reste est l’affaire de Dieu. L’important, c’est qu’ils aient accepte de se laisser dessaisir d’eux-mêmes pour se laisser saisir par Dieu. Et cela, le rituel en offre le chemin, à condition de ne pas le considérer comme une succession de rites à accomplir que d’autres pourraient fort bien remplacer. II renverse la problématique : au lieu de partir du mariage, on part de Dieu et du Christ.

Des conséquences pratiques

Accueillir en vue de convertir

Les jeunes sont porteurs de valeurs comme la liberté, la tolérance, l’égalité, etc… valeurs qui ne sont pas spécifiquement chrétiennes mais qui sont des valeurs communes largement partagées. Il convient d’accueillir ces valeurs, même si elles sont ambigües, de prendre appui sur elles pour entreprendre le cheminement et de les célébrer dans l’accueil, à la célébration, en les convertissant, comme le Christ a converti la désespérance des disciples d’Emmaüs, comme le Christ remet l’homme debout avant de lui proposer Ia foi.

Par ailleurs, ne pas accueillir, c’est donner le visage d’un Dieu du refus, d’une Eglise enfermée sur sa propre élite. On sait trop dans l’histoire de l’Eglise ce que les tentations élitistes ont donné. Ne jamais oublier que le Christ est d’abord venu « pour les malades et les pécheurs ».

Que l’initiateur accepte d’être lui-même initie

Nous avons l’expérience du parcours rituel, sa connaissance et sa mise en œuvre. Tout parcours rituel demande à être repéré, expérimenté. Mais dans le cadre sacramentel, il y a une exigence particulière : celle d’avoir soi­même expérimenté le parcours comme parcours spirituel, comme parcours de la rencontre avec Dieu. Ce qui veut dire que chaque reprise du parcours est ré-initiante pour l’accompagnateur. On est dans le cas du compagnonnage où c’est la réciprocité qui enrichit parce qu’elle est toujours nouvelle : Dieu n’est jamais le même, moi non plus. II faut donc que l’initiateur soit le premier à se laisser faire, ce qui veut dire qu’il n’y aura jamais deux parcours ou deux célébrations identiques, non pas tant du fait des demandes des jeunes que de l’expérience spirituelle de l’initiateur. Cela exige de lui qu’il accepte de se confronter au silence, à la prière, à l’écoute des autres et à l’écoute de l’Autre.

Que l’initiateur se situe en initiateur

L’initiateur accompagne avec une certaine autorité dans ses paroles et son témoignage de vie ; qu’il n’hésite pas à marquer de son empreinte au lieu de chercher le consensus mou. La vraie liberté, celle qu’offre le Christ comme projet de vie, suppose une filiation. Se situer clairement, c’est faire appréhender la paternité de Dieu qui, seule, rend libre et responsable. (le Christ à Emmaüs:« N’avez-vous pas lu? »).

Se situer en initiateur, c’est accepter de disparaître après l’initiation. L’expérience sacramentelle passée, c’est l’Eglise qui prend le relais, sinon on introduit une dépendance, à l’image des gourous. Une fois les rites accomplis, c’est la communauté qui accompagne. Et le véritable accompagnateur est celui qui, à chaque fois, accepte de revivre l’expérience pascale. Le rituel, utilisé comme moyen pédagogique, nous oblige à cette mort en évitant de trop personnaliser et par le fait qu’il est le même pour tous. Les mariés ne sont pas « mes » mariés, mais ceux du Christ et de l’Eglise. Dans un tel mariage, ma place est ensuite annexe.

Que la pédagogie soit réfléchie

L’avantage du rituel, c’est d’être à la fois un menu et une carte. II allie avec intelligence des éléments incontournables qui structurent les personnes et des éléments souples qui respectent le parcours de chacun. Pour s’en servir, il faut non seulement bien en connaître le contenu, mais aussi l’esprit et, de ce fait, mettre en place une pédagogie qui aide à en découvrir les richesses sans tuer le mystère de la rencontre sacramentelle. Pour ma part, je propose une pédagogie qui suit les 4 grandes étapes du rituel en les mettant en rapport avec !’expérience humaine des jeunes et I’ expérience spirituelle proposée.

  • – L’accueil

On regarde comment l’Eglise accueille. Ce que dit de l’accueil clans une vie de couple (différences, complémentarités, enfants…). Quel est le visage de Dieu qui est révélé ? Un Dieu trinitaire qui vit d’une relation d’amour !

  • – La Parole

On regarde le pourquoi des deux lectures.  Comment elles offrent un résumé de l’histoire du salut, de la fidélité de Dieu à son Alliance. Ce que nous dit aujourd’hui du mystère de l’alliance du couple et de la grâce à rendre dans la célébration. Donc les conséquences de la Parole et les appels qu’il y a à entendre.

La place du psaume permet de découvrir la liturgie comme dialogue entre Dieu et son peuple. Donc une structure dialogale qui modélise la vie de couple : rien ne se construit sans dialogue.

  • Le sacrement

On lit les formules proposées. Ce qu’elles signifient du don de Dieu ou le don de soi prend sa signification.

Pourquoi une prière des époux ? Un chant d’action de grâce ? une prière universelle ? une bénédiction ? Souvent on réfléchit ainsi à la complémentarité du couple, a son ouverture aux autres, au signe premier que d’autres signes viendront prolonger et renforcer… à l’engagement de Dieu et de l’Eglise.

  • L’envoi

Il permet de découvrir qu’un sacrement n’est pas fait que pour soi ; qu’il est un appel, lié à une promesse…

Tout cela fait que, rapidement, des jeunes se rendent compte que ce n’est pas eux que l’on célèbre, mais le Christ qui accompagne leur amour pour qu’ils apprennent à aimer à son image. Parfois on va jusqu’à la perception du don et du contre-don : accepter la grâce que Dieu donne et la lui rendre dans la prière et l’engagement auprès des autres.

On voit que cette manière de faire ne dévoile pas le rituel que l’on ne fait pas, mais aide à en saisir le sens qui révèle le sens du mariage chrétien. On voit aussi la souplesse de l’itinéraire. Tout le monde n’ira pas à la même vitesse, ne fera pas les mêmes découvertes, mais peu importe : le jour de la célébration, ils ne seront pas que simples spectateurs parce que les rites rattraperont leur histoire et cette vérité ouvrira à la rencontre avec Dieu.

Que la célébration soit une étape bien mise en œuvre

Cela veut dire qu’elle n’est pas la fin, la clôture de l’itinéraire engage. Elle est une étape sur la route, une étape qui fera revivre de façon symbolique les étapes déjà franchies. On respectera donc le rituel dans ses étapes en y intégrant ce qui aura été vécu dans les rencontres. C’est la vérité de la rencontre avec Dieu qui est en jeu. Si la qualité de la célébration est faite d’une multitude de détails, elle est surtout le résultat de la qualité des symboles mis en œuvre et le résultat d’un esprit qui fait en sorte que ceux qui composent l’assemblée, et surtout ceux qui sont les plus étrangers à l’Eglise, parvient le témoignage d’une communauté qui croit à l’amour humain et à l’amour de Dieu pour les hommes. Cela suppose que l’on fasse totalement confiance aux rites en leur donnant leur chance. Ils ont la capacité à faire entendre l’inouï de Dieu et à introduire le lien entre Dieu et les hommes, les hommes et l’Eglise. Ils évitent aussi l’écueil de la liturgie bavarde et cérébrale, ou bavarde et baba-cool. Enfin ils recentrant sur l’essentiel : le Christ qui rappelle le sens du mariage chrétien.

Mais cela suppose que la prière ait fait partie du temps de la rencontre pour que des mots, des prières, soient apprivoisés. L’habitude de la mise en présence trouvera son sommet dans la célébration liturgique.

Et si l’on conçoit la célébration comme une étape, il convient qu’elle ouvre à la suivante : celle de la messe dominicale. Je crois que nous aurions à travailler cet aspect, parce que c’est l’ecclésialité du sacrement qui est mise en cause. On aurait sans doute intérêt aussi à célébrer moins d’eucharisties à l’occasion des mariages pour qu’ils soient une étape vers l’eucharistie dominical de l’assemblée chrétienne.

Un temps pour la mystagogie

Ce que je viens de dire nous ouvre à cette dimension. L’expérience spirituelle a besoin de se retire en Eglise, et pour que le rituel joue son rôle jusqu’au bout, il conviendrait que, peu de temps après le mariage (par exemple à la fin de l’été) on puisse faire une relecture de l’expérience avec les jeunes couples de l’année. Fêter l’anniversaire, un an après, c’est bien, mais sans doute insuffisant et trop éloigné. Faire rapidement relire l’expérience vécue nous resitue dans la perspective de la proposition de la foi. Nous avons été initiateurs, la grâce de Dieu a été donnée, il revient à l’Eglise d’accompagner, dans la mesure du possible, les fruits de la grâce.

Sans doute ceci bouleverse un peu nos perspectives, mais l’appel à proposer la foi nous oblige à regarder l’expérience sacramentelle comme le premier lieu de cette proposition. Et c’est un très beau défi !

Serge Kerrien, diacre permanent du diocèse de Saint–Brieuc-Tréguier, chargé de mission au Service national de la pastorale liturgique et sacramentelle (SNPLS).

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