Assemblée
Réalité essentielle de la liturgie. L’assemblée liturgique est le rassemblement du Peuple par Dieu et face à Dieu pour la célébration de l’Alliance. L’Œuvre de Dieu est toujours, en définitive, de rassembler un Peuple qui lui appartienne. Il ne cesse de libérer les siens « pour qu’ils le servent » (cf. Ex 7, 16.26 ; 8, 16 ; 9, 1.13 ; 10, 3.7.11.26), c’est-à-dire pour qu’ils entrent avec lui « en liturgie ».
Par son échec de libération et d’unification des Hébreux, Moïse a expérimenté l’insuffisance des œuvres humaines laissées à elles-mêmes (Ex 2, 11-15). Yahvé seul peut délivrer de la servitude de toutes les idoles pour initier à la noblesse du « service divin ». La conclusion de l’Alliance au Sinaï fait d’Israël le Peuple de Dieu, réuni par lui et pour lui — le qehal-Yahvé : « Vous avez vu vous-mêmes ce que j’ai fait aux Égyptiens, et comment je vous ai emportés sur des ailes d’aigle et amenés vers moi » (Ex 19, 4). Pour les Israélites, la grande liturgie de l’Alliance au Sinaï reste par excellence le « Jour de l’Assemblée » (Dt 9, 10 ; 10, 4 ; 18, 16). Toutes les assemblées liturgiques ne sont que la reprise actualisante du Jour premier qui a fait d’Israël le Peuple-Épouse. Israël cependant n’est pas longtemps resté dans l’étreinte de Yahvé. L’Alliance a vite été rompue par l’acte adultère de l’adoration du veau d’or ; bien qu’elle ait été restaurée, et inlassablement célébrée tout au long de l’Ancien Testament, la Parole divine, transmise par les prophètes, ne cesse de faire monter au cœur de l’homme l’aspiration à une Alliance nouvelle, seule capable de rassembler de façon stable le Peuple autour de son Dieu et face à lui. Grâce au Christ, Dieu et homme, tous les enfants de Dieu dispersés peuvent être « rassemblés dans l’unité » (Jn 11, 52). Le sacrifice du Calvaire est l’acte suprême d’amour, par lequel Jésus, Parole du Père, appelle à l’unité même de la Trinité (cf. Jn 17, 11.21.22) l’Église rachetée par son sang (Ac 20, 28). Avant de retourner au Père, le Christ a laissé à son Église le mémorial de son sacrifice, comme source et expression centrale d’unité. L’Eucharistie — et, en son rayonnement, toute la liturgie — est l’acte essentiel qui unit l’Épouse à l’Époux dans la célébration de leur Alliance.
Quand l’assemblée liturgique écoute la Parole de Dieu et son explication par les diacres et par les prêtres, quand elle exprime par ses acclamations et ses réponses (voir Répons, Verset) son adhésion à l’Œuvre du salut actualisée dans la célébration, quand elle chante le Notre Père et communie au corps et au sang de son Seigneur, elle réagit comme l’Épouse, et réalise son être le plus profond. Le prêtre, en vertu de son sacerdoce, est à la fois le sacrement du Christ et le porte-parole de l’assemblée ; il n’est pas de rassemblement chrétien authentique en dehors de l’évêque et de ses collaborateurs. Saint Cyprien n’a-t-il pas défini l’Église comme Plebs sacerdoti adunata et pastori suo grex adhaerens, c’est-à-dire comme « le Peuple uni à son évêque et comme le troupeau qui adhère à son pasteur » (Ep 69, 8) ? Unie au Christ comme l’Épouse à l’Époux, l’assemblée des fidèles ne fait qu’un avec lui ; elle peut donc prendre spontanément son attitude filiale, et se tourner de tout son être vers le Père. L’assemblée liturgique est, en définitive, une participation à l’unité trinitaire, selon cette autre formule de saint Cyprien qui voit dans l’Église « le Peuple unifié par l’unité même du Père et du Fils et du Saint-Esprit » : De unitate Patris et Filii et Spiritus Sancti plebs adunata (De oratione dominica, 23 ; comparer avec la 8e Préface des dimanches ordinaires). Si l’assemblée liturgique a, pour les chrétiens, un tel caractère vital et final, on comprend qu’un saint Ignace d’Antioche puisse faire aux Éphésiens cette recommandation : « Ayez soin de vous réunir plus fréquemment pour l’Eucharistie de Dieu et pour la louange » (13, 1).
Dom Robert Le Gall – Dictionnaire de Liturgie © Editions CLD, tous droits réservés