L’année liturgique, chemin de conversion
Par Serge Kerrien, diacre du diocèse de Saint-Brieuc-Tréguier et conseiller pastoral au SNPLS
Chaque année, le temps liturgique nous fait parcourir tout le mystère du Christ. À travers le cycle pascal, les fêtes fixes, la succession des dimanches, ce sont les grands mystères de la foi que les chrétiens sont invités à célébrer. Il y a là comme une catéchèse permanente, un voyage initiatique qui permet aux baptisés de se réapproprier toutes les dimensions de leur foi, au cœur de leur propre histoire et de celle de l’humanité.
Au cœur de l’année liturgique, Pâques
L’évènement pascal de la mort et de la résurrection du Seigneur est le centre du mystère du salut, d’un salut offert à tous, mais qui demande à celui qui l’accueille de conformer sa vie à l’Évangile. Le chemin catéchuménal en est l’aspect le plus visible, et, si le carême constitue un temps privilégié de conversion, c’est toute l’année liturgique, au fil des mystères célébrés et des saints honorés, qui invite à se convertir, à passer de la mort à la vie, à vivre l’expérience pascale. L’annonce du Royaume est un appel permanent à la conversion, à l’accueil d’une vie nouvelle dans le Christ et donc à la renonciation à la vie ancienne. Le mystère pascal et l’annonce du Royaume jouent ainsi un rôle central dans l’organisation de l’année liturgique et dans sa perception comme chemin de conversion.
Comment comprendre ce chemin ?
Se convertir consiste en un retournement intérieur qui conduit à l’abandon de certaines manières de vivre et à la redécouverte des grandes attitudes de la vie spirituelle. Il s’agit pour chacun de nous d’entrer dans la préoccupation de Dieu : celle de notre salut et du salut du monde. L’Évangile que la liturgie fait entendre tout au long de l’année nous incite à convertir nos impatiences pour devenir des veilleurs, à méditer les manifestations du Christ pour apprendre à les lire aujourd’hui dans notre monde, à regarder la sollicitude du Christ pour les pauvres, les malades, les pécheurs pour convertir nos regards. Et quand vient le carême, l’expérience du désert prépare à vivre la passion de Jésus, sa mort sur la croix, le silence du tombeau pour mieux voir refleurir, au matin de Pâques, nos propres aridités. Le temps pascal nous ouvre à l’attente de l’Esprit dont le temps ordinaire portera les fruits. Ainsi, par exemple, lorsque nous entendons les récits des miracles de Jésus, il s’agit de passer du merveilleux du miracle à la merveille du don que Dieu fait de la grâce, à passer du don lui-même à Celui qui donne.
Voilà comment l’année liturgique pose nos pas sur un chemin de conversion, le même chemin que celui des disciples d’Emmaüs. Enfermés sur eux-mêmes, la grâce que le Christ leur donne les ouvre progressivement à une autre réalité dont ils ne sont plus le centre. Le cœur brûlant, les yeux s’ouvrant à une autre réalité que leur nuit, ils se laissent conduire par l’Esprit à Jérusalem, dans la lumière d’un jour nouveau. Se convertir, c’est laisser l’Esprit nous transformer, nous apprendre pas à pas ce qu’est la filiation divine, en un mot nous diviniser pour être des visages du salut et du don de la grâce.
Et le sanctoral ?
L’année liturgique ne se contente cependant pas d’offrir un chemin de conversion ; elle propose, dans le sanctoral, des visages à imiter. Elle nous donne à méditer des chemins de vie, ceux des saintes et des saints dont nous faisons mémoire. Ils ont choisi d’accueillir à cœur ouvert le don que Dieu faisait de sa grâce ; ils ont choisi de suivre le Christ dans son mystère pascal, leur vie devenant ainsi chemin de vie spirituelle, d’une vie qui donnait prise au souffle de l’Esprit.
Se mettre en chemin …
Ainsi chaque jour que vit le chrétien est illuminé de la Pâque du Christ. Déployant le mystère total du Christ dans l’évocation de sa vie et de l’histoire du salut qui aboutit en lui, l’année liturgique entraîne tout baptisé sur un chemin d’amour. Et l’amour n’existe pas sans oubli de soi et conversion à l’autre. Cela demande un arrachement à ce qui entrave notre marche pour entrer dans la préoccupation de Dieu pour sa création et ses enfants.
L’enjeu de l’année liturgique est bien de modeler le croyant, de structurer sa foi pour en faire un témoin du Christ ressuscité. Chemin de conversion, elle est chemin de vie selon l’Esprit c’est-à-dire accueil de la grâce qui seule, comme au jour de la Pentecôte, peut faire de nous des croyants transformés et vivants, témoins du salut qu’apporte le Christ ressuscité.
Pèlerins, ici-bas, nous sommes des itinérants de la foi. Abraham, Moïse, les prophètes, les Apôtres et tous les disciples du Christ, ont vécu une itinérance qui les obligeait à la conversion. L’année liturgique, comme un fleuve qui s’écoule lentement et sans cesse, habite notre itinérance et l’irrigue d’une présence : celle du Christ, don suprême de la grâce du Père.
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