Le lectionnaire catholique des funérailles commenté texte après texte

Comment entendre ou faire entendre les textes bibliques comme des témoignages d’espérance ? Dans le numéro 193 des Cahiers Evangile (septembre 2020), le Service biblique catholique Évangile et Vie, du lectionnaire de la liturgie des funérailles,. On trouvera ici quelques extraits des 64 pages de ce cahier, qui offre une aide précieuse aux membres des équipes qui accompagnent les familles en deuil.

 

 

Conseils généraux pour le choix des lectures (p. 4)

Le choix des textes bibliques (premières lectures, psaumes et évangiles) a souvent une grande importance, aussi bien pour la famille et les proches que pour les personnes participant quelquefois rarement à des célébrations chrétiennes.

Les modalités du choix des textes varient selon les circonstances, les lieux, les habitudes. Ici, la famille reçoit les textes bibliques lors de la prise de rendez-vous au presbytère et est invitée à les feuilleter ou les lire avant la rencontre de préparation. Là, la famille découvre les textes lors de la rencontre de préparation de la célébration. Quelle que soit la modalité du choix, plus ou moins guidée, la Bible aura chance d’être reçue pour ce qu’elle est, une Parole de vie qui ravive, si le choix s’appuie sur ce qui a été partagé.

La rencontre de la famille et/ou les proches du défunt avec des membres de l’équipe d’accompagnement des familles en deuil, avec un ministre ordonné ou un guide de funérailles est en effet d’abord l’occasion d’écouter. Écouter l’histoire et les relations qui se sont tissées avec le défunt, écouter la douleur et peut-être l’espérance chrétienne qui s’y expriment.

La Bible offre alors des mots pour s’adresser à Dieu, lui dire « Toi » (les psaumes). Elle raconte aussi l’histoire d’individus qui ont exprimé leur espérance en une vie plus forte que la mort. Elle fait entendre ce que Jésus, qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie », a révélé du mystère de la vie, de la mort traversée, des retrouvailles promises. Il peut être utile de s’interroger pendant la rencontre comme accompagnateur, guide ou ministre : ai-je entendu un désir de s’adresser à Dieu, de trouver la paix, de retrouver le défunt etc. ? Les textes de la parole de Dieu peuvent aider à exprimer la foi, même balbutiante, en une vie en plénitude, l’espérance du salut et des retrouvailles et la charité vécue par et avec le défunt.

Trois extraits

Job prit la parole et dit : Ah, si seulement on écrivait mes paroles, si on les gravait sur une stèle avec un ciseau de fer et du plomb, si on les sculptait dans le roc pour toujours ! Mais je sais, moi, que mon rédempteur est vivant, que, le dernier, il se lèvera sur la poussière ; et quand bien même on marracherait la peau, de ma chair je verrai Dieu. Je le verrai, moi en personne, et si mes yeux le regardent, il ne sera plus un étranger. Mon cœur en défaille au-dedans de moi.

Le livre de Job tout entier est une protestation de l’humanité souffrante. Cette confrontation au mal, apparaît sans raison, c’est-à-dire sans cause ni explication. Les prétendus théologiens ont beau dire que le péché, la désobéissance humaine, est à l’origine de tout cela, pour Job l’écart entre cette désobéissance et l’immensité de la souffrance subie ne permet pas d’accepter ce drame : c’est Dieu seul qui en est responsable !

Une seule chose fait espérer Job : qu’il y ait entre lui et Dieu, un médiateur, un intercesseur, un rédempteur, qui rende possible la rencontre avec Dieu. Un rédempteur, ce terme désigne habituellement le plus proche parent d’un défunt, celui qui doit réclamer l’héritage : sur lui repose l’exigence de perpétuer le nom du parent qui n’est plus. Ainsi, celui que Job espère, se saisira de lui pour défendre son droit et sa cause devant Dieu, pour revendiquer une bénédiction qui ne fait que trop tarder. Une telle espérance conduit Job à envisager une aussi impensable qu’indispensable résurrection. C’est pour lui si important qu’il ne veut pas que cela soit parole en l’air. Il veut donc graver ce message avec force de manière inaltérable d’où le choix de matériaux si étranges pour nous.

Une autre chose essentielle : cette résurrection envisagée ne peut pas ne pas concerner la chair. C’est dans sa chair que souffre Job, c’est sa peau qui suppure ; aussi la guérison qui l’attend ne peut pas lui faire simplement échapper à la condition charnelle mais doit lui permettre de guérir celle-ci.

Le cri de Jésus en croix et sa résurrection d’entre les morts, rendent l’espérance de Job ici exprimée envisageable : je crois en la résurrection de la chair !

(pp. 5-6 du Cahiers Evangile n° 193)

Les âmes des justes sont dans la main de Dieu ; aucun tourment n’a de prise sur eux. Aux yeux de l’insensé, ils ont paru mourir ; leur départ est compris comme un malheur, et leur éloignement, comme une fin : mais ils sont dans la paix. Au regard des hommes, ils ont subi un châtiment, mais l’espérance de l’immortalité les comblait. Après de faibles peines, de grands bienfaits les attendent, car Dieu les a mis à l’épreuve et trouvés dignes de lui. Comme l’or au creuset, il les a éprouvés ; comme une offrande parfaite, il les accueille. Au temps de sa visite, ils resplendiront : comme l’étincelle qui court sur la paille, ils avancent. Ils jugeront les nations, ils auront pouvoir sur les peuples, et le Seigneur régnera sur eux pour les siècles. Qui met en lui sa foi comprendra la vérité ; ceux qui sont fidèles resteront, dans l’amour, près de lui. Pour ses amis, grâce et miséricorde : il visitera ses élus.

Pour le sage de Jérusalem, les justes sont les personnes qui « s’ajustent » à Dieu et aux autres. Aimer la justice est parfois dur dans le monde tel qu’il est. Pourtant, c’est une manière de vaincre la mort dès cette vie. Puisque la mort physique est inéluctable, il faut la regarder en face. Il y a deux manières de la regarder : considérer que c’est la fin de tout ou bien y voir – avec les yeux de la foi – l’entrée dans la « paix ». La vraie paix est le résultat du combat pour la justice, elle met fin à toute épreuve, elle est intimité avec Dieu.

Le texte comprend deux parties. La première est un va-et-vient entre les gens désabusés et les croyants (Sg 3, 1-6). Les personnes désabusées pensent que rien n’a de sens, surtout pas la mort, vue comme un malheur. De ce point de vue, elles sont « insensées ». Au contraire, les croyants pensent que les épreuves des justes sont l’occasion de purifier leur action, leur espérance, leur confiance en Dieu – d’où l’image de l’or passé au feu du creuset.

La seconde partie (Sg 3,7 et 9) parle d’une « visite » de Dieu. Comme un ami, Dieu vient partager aux justes ce qu’il a de plus précieux : l’amour, la grâce et la miséricorde. Il les exalte aux yeux du monde entier car ce sont des modèles. Leur exemple se répand. L’image poétique de l’or purifié laisse alors la place à celle de l’étincelle qui court sur la paille.

Pour le sage de Jérusalem, les « justes » sont des croyants. Ils n’ont pas l’angoisse de la mort car ils combattent pour la vie. Aujourd’hui, un tel texte peut être choisi pour des gens qui se sont battus pour les autres, qui se sont engagés pour plus de fraternité. Certains, peut-être, ne se disaient pas « croyants ». Mais ils n’étaient pas « insensés ». En développant l’idée du texte, on peut dire que Dieu les accueille car, en quelque sorte, ils lui ressemblaient dans son attachement à la justice.

Ce texte peut aussi être choisi pour des personnes qui ont été éprouvées par l’existence, en particulier pour des malades qui ont su garder l’espoir. Ce qui a été vécu a un sens, parfois difficile à percevoir et à nommer. Ce qui est dit ici de l’immortalité nous invite à rechercher ce sens. Car certaines paroles, certains actes ont des conséquences qui ne disparaissent pas.

(pp. 6-7 du Cahiers Evangile n° 193)

Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. Pour aller où je vais, vous savez le chemin. » Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? » Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi.

Le contexte

Nous sommes au début du récit de la dernière soirée de Jésus avec ses disciples, le Jeudi Saint. Jn commence par le lavement des pieds : par ce geste, Jésus montre son « amour jusqu’au bout » pour les siens (Jn 13,1) ; il se fait serviteur et va donner sa vie pour les sauver. Puis c’est le don de la bouchée à Judas : le symbolisme est clair : donner du pain, c’est donner la vie ; même à celui qui va le faire mettre à mort, Jésus manifeste sa bienveillance. Ensuite viennent les longs discours d’adieu. Jésus annonce son départ et la séparation d’avec les siens : « Là où je vais, vous ne pouvez venir. » (Jn 13,36). Annonce terrible qui déchire le cœur des disciples, d’autant plus que Jésus annonce aussi que Pierre va le renier !

 

Le texte

On comprend que les disciples soient bouleversés (Jn 14, 1), mais Jésus ne veut pas les laisser dans la détresse et leur adresse aussitôt des paroles de réconfort et une promesse solennelle : la mort de Jésus ne sera pas une fin mais un commencement (Jn 14, 2-3). Il reviendra et les prendra avec lui « dans la maison du Père » (Jn 14, 2), dans cette vie future, mystérieuse, où nous serons invités à partager complètement l’amour du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint avec tous ceux dont nous pleurons le départ.

Arrêtons-nous un instant sur cette image très parlante de la maison du Père : ce que Jésus promet, qu’il appelle quelquefois « Royaume de Dieu » ou « vie éternelle », c’est comme une maison dont les portes sont largement ouvertes, et où il y a de la place pour tout le monde. Comme le dit Saint Paul dans la première épître à Timothée : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ! » (1 Tm 2,4). Il faut bien reconnaître que, souvent, nous avons une idée trop petite, trop étroite de l’amour de Dieu…

La mort de Jésus sur la croix, la façon dont il se laisse condamner injustement, la façon dont, au moment de sa mort, il appelle le pardon du Père pour ses bourreaux, nous révèle la bienveillance sans limite de Dieu, son amour pour nous et pour tous nos frères et sœurs humains. Il nous donne l’exemple. En cela il est le « Chemin » (Jn 14, 6) : il nous indique comment nous comporter, comment cheminer dans l’amour. Il est aussi la « Vérité » (Jn 14, 6), non pas une vérité abstraite, mais la vérité de notre être humain tel que Dieu le veut, ce pour quoi nous sommes créés : que nous soyons des enfants bien aimés du Père. Enfin Jésus est la « Vie » (Jn 14, 6) : Celui qui lui fait confiance – « vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jn 14, 1) – participe déjà à la vie éternelle. Celui qui se met en route sur le chemin de cet amour touche déjà du doigt cette vie marquée par l’amour jusqu’au bout.

Une chose étonnante dans ce récit des adieux est que Jésus parle tantôt au présent, tantôt au futur. Ce n’est pas l’effet d’une négligence ! Cela signifie que le futur et le présent se superposent : les paroles de Jésus sont celles qu’il a prononcées la veille de sa mort, mais elles expriment aussi la volonté souveraine du Seigneur, aujourd’hui vivant dans la gloire du Père. En écoutant ces paroles, alors que, comme les Apôtres, nous rencontrons l’épreuve, nous sommes donc invités à faire confiance, à accueillir cette promesse et à y puiser le courage de marcher à la manière de Jésus.

(pp. 50-51 du Cahiers Evangile n° 193)