Les psaumes, la voix de l’Eglise en prière
Le psautier n’a pas été reçu comme livre liturgique au même titre que les autres. En effet, il semble être devenu un livre de chant quand les communautés chrétiennes se détournèrent des hymnes gnostiques. L’usage courant du psautier fut développé par les Pères du IVe s. et par les communautés monastiques. Il a été retenu comme livre liturgique en raison de la voix qu’il fait entendre : celle du Christ lui-même.
Comprendre les psaumes et leur place dans la liturgie, c’est entendre leur interprétation christologique depuis les origines de la vie de l’Église. La prière de l’office hérite aujourd’hui de cette longue tradition.
Dans les psaumes s’entendent deux voix : « Là où l’on perçoit une voix isolée, celle de David, celle du roi, de l’homme, de l’innocent persécuté et du juste sauvé, l’Église primitive aime à entendre la voix du Christ. »1. En témoigne le psaume 21 (office du milieu du jour, vendredi semaine III)2 :
Mon Dieu, mon Dieu,
Pourquoi m’as-tu abandonné ?
– Ps 21
Autre voix entendue à travers les psaumes, celle de l’Église car « là où retentit la voix du peuple de l’Alliance de l’Ancien Testament, c’est pour elle (l’Église primitive) la voix du nouveau et véritable Israël, la voix de l’ecclesia. »[3] Cette voix de l’Église se fait entendre de deux manières.
L’Église, dans les psaumes, peut parler du Christ au Père, comme dans le psaume 71, qui se chante aux vêpres du jeudi de la IIe semaine[4] :
Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
À ce fils de roi ta justice.
Et l’Église peut aussi s’adresser directement au Christ comme au psaume 44 :
Tu es beau, comme aucun des enfants de l’homme,
La grâce est répandue sur tes lèvres :
Oui, Dieu te bénit pour toujours.
– Ps 44
Ainsi donc, si le psautier se révèle être le livre de prière des chrétiens, c’est parce que dans ces paroles se font entendre :
- La voix du Christ adressée au Père : à ce titre, le Christ est le premier priant des psaumes. Quand le chrétien prie les psaumes, non seulement il prie avec le Christ, mais il habite la prière même du Christ ;
- La voix de l’Église qui parle du Christ au Père : les psaumes introduisent le cœur des croyants à la contemplation du Christ ;
- La voix de l’Église adressée au Christ : les psaumes se font alors chemin de la rencontre du Christ.
Le vocabulaire des psaumes laisse parfois interrogateur, avec un sentiment de malaise. Ils expriment pour une époque donnée, pour un temps particulier, les liens entre Dieu et son peuple. Poèmes que livre la tradition, ils demandent à être apprivoisés comme on apprend à connaître un ami. Cela suppose du temps, une longue familiarisation. Cela demande un dessaisissement de soi car il faut accepter de ne pas tout comprendre, de se laisser porter par les priants d’un autre temps qui tracent encore aujourd’hui une voie vers celui que cherche le cœur de Dieu.
Article extrait de la revue Célébrer n°314
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[1] Balthazar Fisher, « le Christ dans les psaumes, la dévotion aux psaumes dans l’Église des martyrs », La Maison-Dieu 27, 1951, p. 92.
[2] Prière du Temps présent, éditions Cerf – Desclée – Desclée de Brouwer – Mame, 1993 & 1994, p. 962.
[3] B. Fisher, p. 93.
[4] Prière du Temps présent, p. 819.
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